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30 janv. 2011

TANKINO: LA PETITE CHAMBRE (CH)

Photo: Julien Gremaud

Pour récupérer de la Think Tank Party de la veille au Romandie, on est s'est acheté un ticket pour La Petite Chambre au confortable Rex 2 de Vevey. Premier long métrage du duo féminin Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, ce film remplit les salles depuis sa sortie. Ce n'est pas un hasard: la thématique est sobrement traitée et la réalisation irréprochable. Ou presque.

De la difficulté de trouver un titre à son film d'abord: ici, pas de véritable problème d'interprétation ni de traduction. En revanche, celui-ci oriente le sens de la lecture. Où il est question de vieillesse, surtout, et de la mort, un peu. La Petite Chambre entend aussi accoler plusieurs générations, entre drames ordinaires et extraordinaires. L'idée du film consiste à croiser deux personnes autant perdues l'une que l'autre, sans attache, en plein intersection dans leur vie et n'entend absolument pas à dramatiser ou moraliser qui que ce soit. Le titre donc: cette chambre d'un enfant mort dans le ventre de sa maman, Rose, joué par Florence Loiret-Caille (Seule d'Erick Zoncka, mais aussi SoeurThérèse.com – faut bien vivre), solitaire, en attente, même si on sait qu'au fond tout finira par s'arranger - et c'est le cas. On voyait plutôt le titre comme métaphore de cette pièce – d'EMS – attendant fatalement l'octogénaire Edmond (Michel Bouquet qu'on ne présente plus). Sa petite chambre à lui, il la visitera l'espace d'une semaine, le temps de se remettre d'une chute d'arrosage de plante. Il y a donc ces deux destins croisés mais unis durant les 87 minutes du film, des attitudes, de la pudeur et quelques supers moments, d'une grande classe ou au comique de situation sobre. Michel Bouquet est proprement renversant. Il nous fout les jetons, arrive à ne pas surjouer ce rôle pas si facile que ça. En revanche, Florence Loiret-Caille est parfois casse-couille quand il faut être pathétique en tant que mère touchée par le drame, mais solide dans ces moments d'entre-deux, entre début de névrose et lucidité en tant qu'infirmière de jour. Evitons de parler du troisième rôle, celui tenu par Eric Caravaca  (La Parenthèse Enchantée de Michel Spinosa notamment) en petit graphiste un peu plus que simple loser.



L'autre force de la Petite Chambre tient dans le plaisir ressenti d'enfin voir de belles images de sa région. Des lieux connus, Lutry, l'établissement A La Bossette, une enseigne Denner, l'Université de Lausanne et enfin, grand Dieu, les Diablerets, filmés au 35mm sans artifice et sans longueur, placidement et simplement. De quoi encourager sans doute d'autres productions locales. Brillant, le film s'écroule paradoxalement lors de son dénouement, alors qu'on atteint les hauteurs, sur le Glacier. En cause, un scénario tiré par les cheveux et des interactions dispensables: Stéphanie Chuat et Véronique Reymond se servent de photographies et du rapport de leurs personnages à ces dernières pour faire avancer le film et asseoir son décors. Quand Edmond, déjà en fugue de son EMS de décide de quitter sa cachette - l'appartement de son infirmière de jour - ni une ni deux Rose et son mari prennent la Monospace direction le col du Pillon et le départ des télécabines. C'est que Marc, le mari, avait reconnu les Diablerets sur la photo où posait feu la femme d'Edmond.  Ben voyons. Rose avouait ne rien y connaître. Et donc, nous on n'y comprend plus grand chose quand on voit entrer La Petite Chambre dans une petite course poursuite (on est en Suisse hein, on ne fait pas dans le spectaculaire), bousillant totalement la splendeur des images d'Edmond empruntant les derniers escaliers menant à son départ de cette terre. "Je ne veux pas m'éteindre à petit feu" avait-il témoigné. Qui a donc pu obliger les réalisatrices de massacrer cette fin de film qui se serait suffit à elle-même en nous assurant que vraiment, c'était logique que ce vieux monsieur s'en aille mourir sur sa montagne? La Petite Chambre aurait pu être nominé aux Oscars pour représenter la Suisse – la TSR s'était superbement emmêlée les pinceaux en annonçant faussement la bonne nouvelle - si la fin eu été soignée. Bon sang, on tenait pourtant là un film qui aurait pu devenir classique dans notre paysage cinématographique… Rappelons tout de même qu'il s'agit du premier long métrage de ce duo lausannois. Si elles confirment en gommant ces 2-3 défauts à l'avenir, ça sera le pied.