MUSIQUE      CINEMA      ART + LIVRES      POST DIGITAL

26 sept. 2011

TET A TET #2, le Kirghiz en nous

Illustration: Anatoly Kolesnikov (still print), 2011

Retour à quatre mains sur la seconde édition de l'exposition TET A TET. Au programme, des noms bien connus de la région, associés ou plutôt confrontés à de lointains collègues d'une république née lors de l'effondrement du bloc soviétique. Plus instructif qu'un cours de géopolitique universitaire?

Fumiste: Le bâtiment de l’Ex-EPA, accueille sur une petite semaine les travaux issus d’un échange. Embarqués par l’association FOCUS, quatre artistes suisses se sont envolés vers le Kirghizistan à l’automne 2009 pour y monter une exposition en collaboration avec d’autres artistes du collectif autochtone INSIDE OUT, sur le thème de la montagne. Retour de flamme à Vevey ensuite, où quatre Kirghizes se sont joins au voyage et à la création collective. Les démarches sont diverses et fertiles : vidéos, peintures murales, installations naturelles ou sculptures monumentales, cartographient l’espace intérieur du bâtiment. Il s’en dégage une impression rêche, violente parfois, et un souci particulier accordé à la confrontation des matières premières et des formes : le bois y rencontre la roche, la courbe et l’angle s’y cognent. Sur les murs nus et écaillés de l’ancien centre commercial défilent de vastes paysages en noir et blanc, et plus qu’un écran, ceux-ci deviennent un passage, une brèche vers l’étendue libre des plaines. Figée, une scène du quotidien capturée dans une cuisine nous fait face au détour d’une paroi, comme pour renvoyer le spectateur à ses propres habitudes et lui rappeler que l’exotisme, c’est aussi la routine des autres.

C’est peut-être à cet autre justement et aux difficultés, aux malaises et aux joies qui peuvent naître de son premier abord, que nous renvoie l’exposition. Les diverses recherches qui la composent se donnent à voir comme des nuances de rapport, tantôt tendues vers l’ailleurs et l’inconnu, tantôt rentrées vers nous. L’œuvre et l’œil engagés dans un même travail, exposés en vis-à-vis dans une même curiosité. Au final, la montagne est un prétexte.


Julien:  un prétexte certes, mais aussi une empreinte pour les artistes helvétiques ayant rejoint la belle équipée. Quand il ne chausse pas les skis, l'Italo–suisse Federico Berardi reproduit d’impressionnants sommets sur des tirages XXL. De Verbier, son lieu de résidence, le photographe n’en garde pas que les afters-ski, au contraire. A l’Ex-Epa, il présentait une oeuvre commune avec David Favrod, grand spécialiste de l’implantation helvétique du Japon dans les idées et les subterfuges argentiques: située au point méridional de l’expo, mais au sous–sol, elle consistait en une installation vidéo à double levier, appelée ”Phantom Phantom”. Avec son bassin inférieur, on penserait à un Ground Zero veveysan, où une projection assez fascinante se mélange aux murs égrugés de l’ancienne supérette. Berardi exposait récemment au festival Plus 1000 de Rossinière – où TET A TET était d’ailleurs invité pour une conférence – aux côtés de la locale Camille Scherrer. Si elle non plus n’était pas du wagon lors de l’expédition 2009, sa présence à Vevey s’impose d’elle–même. Plutôt que de glisser ses alpes vaudoises dans des programmes informatiques, ou de permettre à des oiseaux de devenir photographes, c’est une légère perfusion de campagne sous le nom de ”Mauerblümschen” (en collaborations avec  Adrienne Scherrer) que reçoit l’ancien Uniprix. Si le photographe archi–encensé Yann Gross n'a pas pu participer à cette seconde édition, ses principaux camarades de virée kirghize étaient présents et en grande forme à Vevey. S’avouant exténué à la fin de cette semaine/workshop, Simon Deppierraz s’est approprié un double 50 mètres carrés boisé à lui tout seul, séparer par la paroi centrale: ”Arbalétrier” est un habile mikado reprenant les fameuses astuces d’équilibriste du vaudois, qui ferait presque penser à une structure prête à accueillir une chaloupe. Symétriquement, une houle, ou plutôt en l’occurrence une piste cabossée – ”Multiplis” – par des des pierres, à se demander quand ce bois tendu va bien finir par imploser. Régis Tosetti présentait lui deux peintures murales avec Simon Palmieri au pied de ”Multiplis”, entourées des premières oeuvres kirghizes de l’exposition, avec ”Map” et ”Promis, on rend la pierre dimanche”.

Tet a Tet, Bâtiment de l'EX-EPA, rue d'Italie 56, 1800 Vevey, jusqu'au 29 septembre

18 sept. 2011

TT loves T!



En septembre 2011, nous répondions à l'invitation du blog Tea Zine pour contribuer à leur série estival ”Guests”: Think Tank partage un amour immodéré pour Connan Mockasin, si bien qu'il a fait une jolie vidéo en guise de cadeau pour son confrère blogspotien, realisée lors de la seconde édition du festival Nox Orae de Vevey. Longue vie au thé!

MIX TTAPE: Think Tank aux pyramides

Photo: Vincent Tille

Mini mixTTape, un peu spéciale: aux pyramides de Vidy, nous ouvrions la saison du Romandie de Lausanne, aux côtés de Blackstrobe, Ngoc Lan, d'Indiependance ou de nos confrères Sonotone. C'était le 3 septembre passé, il pleuvait quand nous passions derrière les platines avec la petite équipe de TT, c'était le déluge. Notre musique était de circonstance: entre pop psychédélique, dubstep et hip–hop. Voici la partie médiane du set, composée d'artistes remixés (Panda Bear par Actress, James Blake et Drake par Bombé), des nouveautés (Shabazz Palaces, Ace des Odd Future), mais aussi Guido ou Mount Kimbie. Le temps de tenter de sauver les retours de l'invasion de l'eau, on rate une ou deux transitions. Normal, c'était l'apocalypse.







15 sept. 2011

A mort la World Music : l’Inde au pouvoir

Photo: Matthieu Lavanchy
Deuxième volet de notre exploration anti-folklorique de la musique non-occidentale, après l’évidence de la présence africaine dans la modernité culturelle, cette fois on se penche sur le cas beaucoup moins prosélyte de la culture indienne.

Il paraît que la fin de l’hégémonie américaine, c’est pour bientôt et que ce seront les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui donneront désormais le la au niveau mondial. Je dis pourquoi pas ! Il n’y a pas un été où je ne me languisse devant une chanson brésilienne (cette année c’était "Nao Identificado" de Gal Costa), les DJs russes dépotent sur leur passage (ils en ont donné la preuve lors du dernier Sonar), en Afrique de Sud, les BPM atteignent des rythmes déments (par exemple le Shangaan Electro des Tshetsha Boys ou de Zinja Hlungwani) et la Chine... Bon la vérité c'est que j'ai trouvé que ça. Du côté de l’Inde et de ses différentes populations, j’avais déjà parlé (ici) de la génialité de la musique tamoule, où Giorgio Moroder est égalé, tant en ce qui concerne la musique que la moustache. Malheureusement, depuis, peu de choses me sont parvenues du continent indien et je me contente de rêvasser sur des albums de vieux films de bollywood comme Disco Dancer. Et tiens tiens, tiens une des premières stars originaires du Tiers-Monde vient de ce continent. Je pense ici à M.I.A., qui, malgré les reproches qu’on peut lui faire, reste une des personnes du gratin musical les plus intéressantes. Qui d’autre continue à soutenir un mouvement considéré comme terroriste (les tigres de libération de l’Elan Tamoul) ? Qui d’autre a donné une leçon de swag à Lil Wayne, Kanye West et Jay Z en chantant enceinte lors des Grammy Awards ? Surtout M.I.A., je le dis et le répète, c’est deux albums parmi les plus réussis et les plus intelligents des années 2000, Arular et surtout Kala.


Les échos de ce pays sur le point de nous gouverner tous, au point de nous faire pisser assis, se font entendre également chez des musiciens curieux ou conscients de leur nécessaire adaptation, c’est selon. A chaque fois, on perçoit le potentiel provenant des particularités de cette langue, qui sonne à la fois hyper fluide et forte de syllabes découpées. Son sample accentue encore ces données pour obtenir une matière sonore à la sauce relevée mais douce, quelque chose comme une spiritualité hystérique. Dans cette dernière catégorie, "Benny Lava" de Ryan Hemsworth met la gomme. Dès l’intro, t’as envie de balancer ton ordinateur par terre pour sauter sur la table et y danser frénétiquement. Toute la chanson tape fort avec des beats pas trop réfléchis. Quand viennent les voix féminines, il est bien possible que tes voisins aient déjà appelé la police. Dans un registre plus savant, Kuxxan Suum fait du travail sur la voix, le centre même de la chanson et emporte l’auditeur dans une ronde méditative et dansante, surtout quand l’omniprésent son dubstep fait son apparition en fin de boucle. Avant de sortir son acclamé Lucky Shiner, Gold Panda avait déjà gratifié nos oreilles d’un titre, qui reste selon moi un de ses meilleurs : "Quitters Raga". Ici on assiste à un exercice stylistique, une sorte de pastiche musical, reprise des différents éléments caractéristiques d’un genre musical, art dans lequel le DJ anglais assure pas mal. Pour s’en persuader, il suffit d’aller écouter son "Greek Style". Comme son nom l’indique, "Quitters Raga" joue tout en finesse avec les différents éléments de la musique indienne, que ce soient des instruments comme la cithare ou des voix, qui se retrouvent hachés menu à un rythme qui part droit vers l’extase. Le terme "Raga" désigne d’ailleurs un type de mélodie de la musique indienne classique, dont le sens est associé au déroulement du jour ou des saisons, mais aussi à la quadrilogie super de la passion, de l’amour, du désir et du plaisir. Avant Gold Panda et déjà en 1983, il existe un disque passionnant où raga et musique électronique sont mêlés, ça s’appelle "Ten Ragas to a Disco Beat", c’est signé par Charanjit Singh, ça date de 1982 et c’est ressorti l’an dernier en vinyle chez Bombay Connection. Le musicien en question utilise des instruments plus habitués à la catégorie acid house pour jouer des mélodies Raga. Le résultat consiste en dix chansons bizarres et futuristes, où les vieux sages seraient d’anciens ordinateurs faisant claquer leur clavier et dont les mélodies charmeraient leurs câbles au point de les voir onduler dans les airs.


Je déborde un peu et fait fi des frontières pour passer au Moyen-Orient. Now Again sort une compilation de Kourosh Yagmei au titre très séducteur de BACK FROM THE BRINK : PRE-REVOLUTION PSYCHEDELIC ROCK FROM IRAN. Ce chanteur, qui mélangea musique occidentale d’un côté et irano-persane de l’autre, fut tenu au silence par le pouvoir dans les années 80 et 90. Si la compilation sur deux disques peut finir par lasser, elle affirme une nouvelle fois, après la magnifique compilation sortie chez Finderkeeper, la puissance mélodique de la musique persane, avec un titre comme "Gole Yakh" à fondre en larmes. Et c’est finalement cette incroyable mélancolie que l’on retiendra, plutôt que les titres s’essayant aux expérimentations et aux sonorités plus marquées du côté occidental. Au rayon concert, ce jeudi 15 septembre, le Bad Bonn de Düdingen peut se targuer de la venue de la star la plus cool d’un pays en pleine révolution : Omar Souleyman. Distribué par les très avisés Sublime Frequencies, le déplacement s’impose pour voir si le moustachu aux lunettes assure aussi en dehors des fêtes syriennes.


14 sept. 2011

Les Régions de fuite, l’ultime Opalka

Illustration: Roman Opalka, autoportraits





Tant que les jours chauds hoquètent encore, et qu’Opalka, lui, en a fini il y a peu, une petite traversée du Léman s’impose. Fumiste est même allé à l’église.

Toute en pente et en feuillages, la ville de Thonon accueille jusqu’en octobre la première des trois expositions rétrospectives prévues en France, mettant à l’honneur l’œuvre du peintre franco-polonais Roman Opalka (1931-2011). Ce dernier, décédé le 6 août, n’y assistera pas. Et pourtant, si.
1965, l’artiste raconte : « J’étais dans un café, j’attendais ma femme qui était très en retard. Je griffonnais sur une serviette des points et des lignes. C’est là que j’ai compris que je devais remplacer les points par des chiffres. » L’épiphanie servira de clé de voûte à sa démarche. Sur de grandes toiles grises, il se met à égrener au pinceau blanc, patiemment, religieusement, les nombres entiers. Il donnera par la suite à ce projet le nom générique de « 1965 / 1 - infini ». Puis, à partir de 1972 (et du premier million), il introduit 1% de couleur blanche au fond de chaque tableau et aux derniers jours de l’œuvre, on ne distinguait plus l’écrit de son support. L’immaculé du lin enfouissait la pureté du nombre. Le peintre lui aussi, blanchissait. Une fois atteinte l’encoignure dernière de la toile, il se prenait en photo : portrait vieillissant du passeur qui disparait peu à peu, s’évaporant dans l’œuvre. Une longue réflexion de 234 toiles sur le temps et son écoulement, tentatives de capture ou d’hommage à ce monstre incoercible qui nous broiera tous, mais peut-être un peu moins indifféremment, un peu moins cruellement, grâce à Opalka. C’est vers une demande de sens que s’oriente la démarche de l’artiste depuis 1965, et dont seule un exemple, échantillon évocateur condensant la recherche, est présenté à Thonon. Une demande que le curateur a choisi d’évoquer également par le lieu qui accueille la première partie de l’exposition, la Chapelle de la visitation. Un espace nu dont les murs scandent quelque uns des clichés photographiques de l’artiste et où sa voix s’élève encore, présence spectrale chuchotant les nombres. Déjà fameux, le geste d’Opalka trouve dans cette conjonction de l’image physique et de la peinture une certaine postérité et un rappel, celui que l’artiste vit et vivra à travers cette œuvre par laquelle il a travaillé à se faire engloutir.


Il y a plus, cependant. Il y a le Opalka d’avant Opalka : eaux-fortes, temperas sur bois, esquisses de jeunesses produites entre 1959 et 1964, exposées à la Chapelle et à la Galerie de L’Etrave, plus haut en ville. Sans crier à la préméditation, quelques signes permettent de retracer l’exploration, de recomposer à partir de ces premiers travaux, le caractère de cette obsession qui saisissait l’artiste et l’obligeait à peindre. À l’instar du privilège accordé à la série : qu’il s’agissent des Fonemats, déclinaison verticale de gestes fixés au racloir blanc sur plaque de bois noire, figurant une danse de stèles gauche et muette, ou de tableaux singuliers illustrant une dynamique des corps par la répétition à l’encre de Chine d’un même personnage squelettique, dissout dans un élan collectif global (ainsi L’Attaque, ouLa Traversée du Styx, 1959). Le plus significatif reste cependant l’engouement de l’artiste pour le vide. On évoquera ici les huit eaux-fortes réalisées en bordure du projet « 1965… ».


Si chacune montre encore le mouvement d’une foule, Opalka pousse sa représentation picturale jusque dans des régions où, par un effet de distance, même la perception de l’ensemble comme agrégat de visages et de corps s’estompe. Le tout se donne comme une zone neutre, où l’œil ne perçoit qu’une constellation abstraite de points et de lignes (dont l’agencement rappelle parfois le tracé d’une écriture, voir De Cronstadt à Vladivostok, 1967). Relégué au rang de signe sur le papier, l’individu s’aliène dans la masse de ses semblables. Représenté ainsi, l’homme côtoie alors par le tableau la seule destinée qui lui soit certaine : sa propre finitude (certaines foules se transforment même en ossuaire, flottant sur fond de néant cosmique. Voir De l’intérieur, 1968). Il ne subsiste plus pour le spectateur qu’une seule nuance, celle séparant la nébuleuse blanche des figures, des régions ténébreuses qui constituent le fond de l’estampe. C’est ce tracé, à la lisière des silhouettes indissociées et du néant, qui nourrit et dirige l’œuvre de Roman Opalka. Une frontière ontologique entre le créé et le non créé, qui appartient à l’art tout autant qu’à l’existence. Dès lors le travail du peintre se dévoile davantage comme une étude sur le moment : moment de l’inscription du chiffre sur la toile, moment du portrait photo, moment où le corps cesse d’être perceptible pour se diluer dans l’autre : moment où ce qui existe apparaît, où ce qui meurt fuit. La peinture d’Opalka à ceci de grave qu’elle nous confronte à l’être. Et cela de beau qu’elle nous y ouvre.

Opalka, le vertige de l’infini, Thonons-les-Bains : Chapelle de la visitation et Galerie de l’Etrave, entrée gratuite, jusqu’au 2 octobre.

11 sept. 2011

TT Trip: Pérou-Bolivie-Chili : la musique qui m’est passée par la tête

Photo: Louis Morisod
Pendant 40 jours, j’ai jeté le papier de toilette dans la poubelle, bu et mangé des trucs gras, et surtout j’ai laissé iphone et disques à la maison, histoire de donner à mes oreilles un peu de repos et de les laisser se remplir des sons qui ont bien voulu y entrer. Entre reggaeton, chansons d’amour et retour quelques années en arrière, longer la cordillère des Andes, ça brille de tous les côtés.

Musique en route
La chose que j’ai le plus entendue, à force de passer dans des endroits touristiques, ce fut très logiquement de la musique censée plaire aux touristes. Dans ce domaine, sont encore rois Bob Marley, les Beatles et – ô horreur – Manu Chao. Ce fut peut-être un des moments les plus difficiles du voyage, entre nausée et évanouissement, que de se retrouver à prendre son petit-déjeuner avec comme double fond sonore, Manu Chao dans le café où l’on est assis et un autre Manu Chao encore plus fort provenant de celui d’en face. Mais là où les locaux sont passés maîtres, c’est dans l’art de proposer les différents classiques pop occidentaux dans des versions pseudo bossa nova, salsa, ou de type andine (avec flûte de pan et tout le tsoin-tsoin). Après quelques secondes de doute, on se retrouve bien obligé de reconnaître que cette chanson qui se secoue les maracas, c’est bien « Help » des Beatles, « Like A Virgin » de Madonna, voir carrément « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana. Mais si l’on veut bien dépasser ces façades pour backpacker peu curieux, il ne tient qu’à nous de tomber amoureux d’une chanson dans ces pays où la notion de kitsch ne semble plus exister et où l’amour veut sonner à chaque fois comme le plus beau jamais rêvé (genre Tony Parker-Eva Longoria). C’est ainsi qu’au petit matin, dans un bus entre Arequipa et Cusco, je suis tombé raide dingue d’un titre romantique à mourir sussuré par une blonde aux boucles soyeuses et à la robe improbable au milieu de fleurs ; il y avait peut-être bien carrément une cascade. Et qu’un autre soir, j’ai enfin su ce que cela signifiait un peu le mariage, quand dans un karaoké un vieux à moustache et une vielle très chic se sont levé-e-s pour entonner avec des voix incroyables les yeux dans les yeux un titre qui avait l’air de parler de mains et de poèmes. Bon, quand je suis tombé sur le clip de la chanson en question, la magie a pas mal disparu pour ne laisser voir plus que le kitsch.


Musique en boîte
Bon c’est pas tout de prendre le bus et de regarder ses potes chanter Elvis, il s’agissait aussi d’aller voir comment cela se passait de nuit. En avant pour un petit tour subjectif et alcoolisé via trois boîtes pour trois villes qui secouent du booty. On commence avec Cusco et le club à la musique la plus latino. La bouteille de bière fait forcément un litre, le dj crie constamment "Cusco, Cusco, Machu Picchu!" : bienvenue au Mythology en plein sur la place centrale. Que ce soit mercredi, samedi ou lundi, peu importe, il y aura toujours du monde, toujours la même musique, une ambiance de folie et beaucoup de bière. Dans une foule mi-touriste mi-locale, les tubes latino défilent et tout le monde chante les chansons, tandis qu’on se contente d’ouvrir la bouche à la Chirac en espérant que ça passe. Le reggaeton tape dur. Sur Shakira, il est conseillé d’arrêter de faire des vagues avec ses mains pour se déhancher, sur Pitbull, mieux vaut avoir une bouteille à agiter au-dessus de sa tête. Ça a l’air horrible comme ça mais la vérité est qu’on n’a jamais dansé comme ça. Pour ce qui est de la sélection internationale, on a été encore plus décontenancé. Ainsi, si bien sûr les Black Eye Peas imposent leurs gros beats, on a failli mourir de plaisir sur "Last Nite" des Strokes comme à nos 17 ans, avant de diagnostiquer la folie du Dj lorsque celui-ci a enchaîné sur Scatman Jones. Sisi. Bon ça suffit mes oreilles sifflent pour deux jours.

Bien plus au Sud, au Chili, Valparaiso abrite une boîte qui répond au doux nom de Mascara. Comme l’impression d’avoir traversé une faille temporelle qui nous ramenait dans un club rock à son apogée du bon goût, au milieu des années 2000. Mais en mieux. Les gens sont beaux, les moustaches de sortie, les clips passent tout en haut des murs et ici tout le monde danse. Une odeur des soirées thématiques dans l’ancien Romandie. Que ce soit dans la veine gay avec une électro bien radicale avec Madonna comme reine de soirée et "Crimewave" de Crystal Castles en moment d’orgasme, ou dans une ode au rock nineties, avec les incontournables Blur et Supergrass, à la limite de l’intégrisme quand entre 2h et 4h, ne passèrent plus que Suede et les Smith, alternativement. Pas bien loin de là, à Santiago, on nous promettait une soirée des plus branchées au Bar Constitution. Si on a passé une belle soirée, la musique fut elle des plus décevantes, ce qu’on entendait il y a deux ans, mais sans originalité et avec même plein de répétitions ; plusieurs chansons des Daft Punk ça passe encore, mais plusieurs des Ting Tings ça fait roter sa caïpirinha.


Musique en Chile
Malheureusement, pas facile de tomber sur un concert au Chili, à part dans un concours inter collège et bon ben normal, c’était pas terrible. Par contre, c’est l’occasion de revenir sur quelques groupes rock d’origine chilienne. Je commence avec Aguaturbia, actif au début des années 60. Du bon rock psychédélique, qui fait un peu penser à Alpes (l’excellent groupe qui accompagnait Catherine Ribeiro). Leurs fourres d’album sont belles et puent les fleurs chimiques, leurs chansons aussi : "Crimson and cover" et "Heartbreaker". Puis dans les années 90, leur nom est cool, leur chanteur troublant, La Banda del Pequeno Vicio sortent le saxophone, il paraît que ça commence à agacer, tant pis, j’en rajoute une couche avec "Ciuda Multicolor". Pour finir et à l’attention du Lonely Planet. D’accord, le dernier Strokes est pas terrible voir carrément puant, mais dire que Teleradio Donoso ressemblent beaucoup au quintet de New York, c’est quand-même fort de café. Ou alors, ce serait vraiment ça du rock pop à la sauce latino : des instruments et des garçons avec en plus ce je ne sais quoi de lover en costume. Je vous laisse juger avec le clip de "Amar en el campo".

10 sept. 2011

TANKINO NEW-LOOK : Cowboys vs Aliens / This Must be the Place / Medianeras

Illustration: Burn

Afin de vous donner un meilleur aperçu des films actuellement dans les salles en Suisse et sans asphyxier d'un nombre de lignes indigestes notre cher lectorat, TT s'est décidé de lancer une nouvelle formule TANKINO qui paraîtra à peu près tous les 10 jours : vous y trouverez chroniqués deux à quatre films, d'horizons différents, que nous avons aimés ou que nous vous conseillons d'éviter. Pour lancer la rubrique new-look, parlons de cowboys et d'aliens, d'un road-movie italo-hollywoodien et d'un film argentin.


Aliens chez les cowboys
Début août à Locarno, l'équipe-ciné de TT avait eu la chance de voir Harrison Ford, Daniel Graig et la ravissante Olivia Wilde en chair et en os, répondant aux questions peu motivantes des journalistes venus de toute l'Europe pour voir l'équipe du film au complet pour l'avant-première du film dans le vieux continent. Stars et paillettes semblent être la nouvelle direction prise par le nouveau directeur artistique du festival, Olivier Père. La venue de Indiana Jones et James Bond aura sans doute pesé sur la balance pour palier à la médiocrité du western s-f réalisé par Jon Favreau (le réal de Iron Man pour recadrer). On était presque parti pour l'aimer ce film, tant la vision de voir Harrison Ford chasser de l'alien avec un chapeau de cow-boy nous amusait. Malheureusement, si la première demi-heure tient assez bien la barre, le film dégringole très vite. L'impressionnante scène de nuit de l'attaque incomprise des vaisseaux dans la petite ville du Far West est réussie et la réunion Ford-Graig avait soudain de la gueule. Mais une fois le jour levé, une fois les premières images kitsch de flash-back vues, le film se met plus à ressembler à une mauvaise série B franchement chiante qu'à un western originale. Car mélanger ces deux genres (western et s-f) n'était pas si débile que ça et on aurait voulu croire à une aventure mieux construite et plus sauvage peut-être, avec un humour décalé qui aurait été le bienvenu. Dommage, les aliens étaient chouettes.

Cowboys vs Aliens de Jon Favreau (1/5)


Sean Penn fait ce qu'il peut
La bande-annonce et le synopsis de This Must Be The Place avaient tout pour que ça claque : un des meilleurs acteurs du siècle (Sean Penn), un réalisateur italien qui avait gagné le Grand Prix du Jury à Cannes en 2008 avec Il Divo (Paolo Sorrentino), des bonnes chansons (Talking Heads) et le tout empaqueté dans un road-movie à travers les States. Un peu comme Antonioni quand il a voulu tourner son premier film US en 1970, les cinéastes italiens ont parfois du mal à s'acclimater au climat hollywoodien qui pourtant les attire. Sergio Leone, que toutes les majors américaines convoitaient au début des années 60, avait accepté de tourner pour Hollywood tout en restant sur le sol européen, comme pour ne pas se faire bouffer trop vite par les vautours de l'Ouest. Sergio voulait tout contrôler ; il avait tout compris. Paolo Sorrentino semble malheureusement être tombé dans le panneau, il semble même le dire lui-même dans ses interviews : "Je me suis adapté facilement ; et puis, c'est tellement beau de tourner là-bas que tout devient facile. La culture et les mentalités sont complètement différentes." Ah le rêve américain ! Avouons d'emblée que la prestation de Sean Penn va lui valoir une nomination certaine aux prochains Oscars et que le couple qu'il forme durant la première demi-heure avec Frances McDormand est plus que réussi, tant la femme est masculine, tant l'homme est féminin. Le début du film est assez agréable avec la face de corbeau de Sean Penn en gros-plan quatre plans sur cinq, qui fait tantôt rire, tantôt pitié, à chaque fois sourire. Cet équilibre est parfaitement maîtrisé et on se réjouit de le voir quitter l'Irlande pour les Etats-Unis. Ensuite, on ne va pas dire que c'est la dégringolade, mais les minutes se transforment en heures et les plans de caméra (la photographie est très belle) font plus penser à une excursion safari au cœur de l'Utah qu'à un road-movie. Farfelu et dramatique, c'est ainsi que le film devrait être et c'est ainsi qu'il se présente pourtant dès le début. Malheureusement, il n'est que farfelu et on a peine à comprendre vers quoi Sorrentino veut nous mener : vers le film d'auteur ? vers le road-movie mainstream à l'américaine ? vers du Wim Wenders ? On ne sait plus trop quoi penser. Les slow-motions sont inutiles et ne veulent rien dire, la musique devient agaçante et l'intrigue qui a mis près d'une heure à se mettre en place est devenue inintéressante au possible. Envie d'un petit somme dans un bon fauteuil ? This must be the place…

This Must Be The Place de Paolo Sorrentino (2/5)


Le Manhattan argentin
Alors oui, jusqu'ici, vous pourriez imaginer que la nouvelle formule TANKINO c'est un peu de l'arnaque puisqu'on ne parle que de films qui cassent pas vraiment la baraque. Mais le messie était attendu avec un film argentin. Le premier long-métrage de Gustavo Taretto, natif de Buenos Aires, qui aime et déteste sa ville, son architecture, sa grandeur et ses murs. Il raconte l'histoire de Martin et Mariana, tous deux phobiques, qui habitent l'un et l'autre à un numéro d’adresse différence de la même rue et qui ne se sont jamais croisés. L'histoire en elle-même n'est pas folichonne et on craint tous les quarts d'heure que le film tombe en mille morceaux tellement le choix du sujet semble faible. Et pourtant. Il y a de l'assurance certaine dans cette mise en scène épurée composée majoritairement de plans fixes. Il y a du talent certain dans la photographie, dans la construction de l'espace et chez ces deux comédiens qui font à eux deux avancer le film sans le faire trébucher. Les voix-off de Mariana et Martin soutiennent chacun leur tour le récit de façon simpliste et virtuose. Ces deux jeunes souffrant entre autres d'agoraphobie sont obligés de rester cloîtrés chez eux et découvrent le monde sur Internet. La scène où nous les voyons "chater" ensemble alors qu'ils habitent à cent mètres l’un de l’autre prend une tournure encore plus attrayante. Le film est destiné aux 25-35 ans, à ceux qui ont grandi avec les jeux vidéos, Internet et la drague en ligne. Chacun s'y retrouvera, à coup sûr.


La séance d'ouverture du film dure près de six minutes présentant des plans fixes d'immeubles de Buenos Aires, portée par la voix-off de Martin, comparant l'irrégularité de l'architecture de la ville à l'état d'âme de ses habitants. Ce qui pourrait paraître un peu pédant prend au contraire toute sa classe grâce au style léger et sans prétention du film. Cette introduction confirme un véritable talent d'écriture, plaquant les mots sur la pellicule et l'image, sur le mur et les façades gigantesques des gratte-ciels. Attractif et universel, Medianeras est un grand petit film, rassurant, drôle juste ce qu'il faut et surtout très bien filmé. En furtive apparition dans le film, Jaques Tati et Woody Allen ne sont en fait pas si loin que ça ; on serait alors tenté de dire que Medianeras est le Manhattan argentin de Allen. Rien que ça. Pour enfoncer le clou, la musique de Daniel Johnston fait son apparition dans une séquence qui réunit par le montage les deux tourtereaux. Taretto prouve facilement à Sorrentino et Favreau qu'il est possible de faire du grand avec presque rien.

Medianeras de Gustavo Taretto (4/5)


9 sept. 2011

LP: The Horrors – Skying

Illustration: Adrien Chevalley










































Mai 2009: nous quittions The Horrors sur le formidable "Sea Within A Sea". Un changement radical dans la direction musicale du groupe de Southend on Sea. Ligne de basse martiale, batterie exécutive et voix du tréfonds de la cave, et final extatique. Expérience faite, ce titre est passable dans n'importe quel club du monde. Seulement voilà, à plus y regarder, on retrouvait ici, avec pas mal de gêne, le même stratagème érigé trois décennies plus tôt par CAN ("Mother Sky"). Pas de procès conforme intenté aux britanniques; simplement un procès moral, que le groupe se devait de défendre. Ou plutôt un devoir moral. Celui d'afficher sa bonne foi. Et ses véritables desseins. Leur troisième album, SKYING, devrait permettre d'y voir plus clair.

La scène indie connaît davantage Faris Badwan, Rhys Webb ou encore Joshua Hayward pour leurs affronts vestimentaires, les médias se délectant de leur cassées de gueule respectives, conséquences de leurs habitudes textiles, plus proches du triangle sacré Robert Smith–Mercredi Addams–Micheline Calmy–Rey que de James Blake. Les salles de concerts retiennent moins leur brillance scénique que leur maniérisme fatigant, fait de grand–guignolesque et d'inexactitudes techniques. Enfin pas de quoi s'en épouvanter, d'une façon ou d'une autre: non, Faris Badwan, malgré ta taille, tu ne fais pas peur. De même, The Horrors resteront à jamais un groupe d'outsiders, malgré l'énorme hype relative à STRANGE HOUSE (2007). A l'époque, on se disait, bon dieu, tous les kids vont finir par s'habiller en gothique, ce qui, d'une certaine manière, était toujours plus intéressant qu'en fluo. Après le ras–de–marée fait de morceaux garages secs et tendus, descendant des Cramps, on passait à un Horrors shoegaze façon The Jesus and Mary Chain, avec, heureusement, plus de sérieux que les (ré)orientations musicales de Madonna. En 2011, The Horrors entament leur troisième mue en autant d'abums. De quoi s'interroger; trop vénal pour être crédible? Dépêché pour l'occasion, notre illustrateur qui a mis la pâtée sur son coup de pinceau, n'y est pas allé avec des pincettes: «elle (l'illustration ndr.) est un peu hardcore, mais j'aime bien. Ce groupe c'est un peu naze par contre».


«Les deux premiers albums étaient rapides, il y avait peu d’espace, on allait à mille à l’heure. Cette fois, on a voulu démonter, déchirer, étirer tout ça tout en conservant la mélodie» témoignait le bassiste Rhys Webb à propos de SKYING. Notre illustration le montre bien: pas de séances de conciliabule pour le quatuor vivant désormais à Londres, mais, au contraire, un gros foutoir, sans arbitrage. Au final, eux seuls sont leur propre producteur. De Portishead, Geoff Barrow avait aidé le groupe lors du dernier album, pour mieux leur indiquer la voie à suivre, celle faire tout, tout seuls. Car, s'il doit bien rester un élément essentiel des Horrors, c'est leur grande qualité sonique, sur galette. Pour la production live, c'est encore une autre histoire. Enfin, nous tenterons de le vérifier le 28 novembre à l'Usine PTR de Genève. Sur SKYING, rien de nouveau donc dans la fausse fraterie britannique: beaucoup d'hommages transgenres, de bonnes (pré)dispositions, et quelques chansons d'envergure, comme à leur habitude. Avec cette fois–ci une plus grande densité et donc moins de répétitions. Après le gothique c'est chic, la tête dans l'ampli ça chie, place à l'éloquence néo–romantique, période New Wave, avec moins de mièvrerie, forcément, tout n'est plus permis, encore heureux d'ailleurs.


Ouverture: "Changing The Rain", au son énorme, qui n'est pas pour autant du Bronski Beat dans la nouvelle orientation du groupe mais plutôt du Siouxsie and the Banshees ou du Smiths façon "How Soon is Now", grosse production donc. "You Said" est pas mal non plus, dans sa manière délicate de déposer une rythmique imposante, en duetto avec des plans harmoniques archi–proches d'Orchestral Manoeuvres in the Dark j'ai écouté Kraftwerk et Roxy Music, "I Can See Through You" tient lui aussi largement la route, même si on préfère à ce Horrors speed un groupe plus halluciné comme sur l'intro de "Endless Blue", proche de Brian Eno, Blur ("Sing"), ou encore Letfield ("A Final Hit"); dans ce sens, "Still Life" est des plus intéressants, prenant son temps, celui de laisser chanter Badwan avec plus de classe, se rapprochant des intonations entendues sur son projet parallèle Cat's Eye, dont nous parlions en avril dernier dans le TT Speaches. Excessivement New wave, ce titre fait toutefois partie des réussites de SKYING. Que les Horrors période "Sheena is a Parasite" paraissent loin! Deux conclusions possibles, selon les interprétations: en 2011, The Horrors tracent leur route et gagnent en intérêt ce qu'ils perdent en extravagance. Ou: notre illustrateur a quelque part raison, The Horrors devraient retourner à leurs vinyles de Psychedelic Furs et My Bloody Valentine. Lançons une piste: et si The Horrors étaient les plus belles victimes, à l'insu de leur plein gré, de ce revival rock des années 2000, incapables de se défaire de cette scène–là, aussi maudite soit–elle, et voué à un oubli non pas médiatique mais bien historique? Y–a–t–il de la place pour une scène New wave N°1 et une scène New wave N°2?

7 sept. 2011

Primal Scream à Lausanne

Illustration: Markus Marys


Primal Scream profite des 20 ans de la sortie de SCREAMADALICA pour tenter un retour aussi improbable que vénal: réédition dudit album, avec T–Shirt, affiches et tapis de platines en superpack, puis, dans la foulée, pour ne rien oublier, une tournée mondiale. Histoire de se relancer/témoigner.

Autant le dire de suite: Primal Scream n'atteindra jamais un quelconque statut mythique. Coincés à Glasgow, alors bien plus paisible que maintenant, en pleine bourre artistique, anciens petits soldats d'imposants groupes – The Jesus and Mary Chain, The Stone Roses, cools mais pas autant que les Happy Mondays. Dès le début, ça partait assez mal pour  Bobby Gillepsie, Mani et Jim Beattie. Influences archi–classiques (Byrds, Stones), son pas franchement novateur, virtuosité ordinaire et inspirations bas du front. Avant eux, des intouchables. Débuts: 1982, autant dire la mauvaise passe des eighties, Joy Division fini, adolescence des frères Gallagher, Margaret Thatcher, Michel Platini, etc… Et puis, THRILLER de Michael Jackson était une bombe. De quoi se décourager. Il faudra d'ailleurs quelques années à Primal Scream pour se lancer véritablement. Les membres du groupes se font éjecter les uns après les autres. Seulement voilà, le groupe signe chez Creation, label d'un proche, Alan McGee (Oasis, Ride, Teenage Fanclub), deux albums pour se mettre en patte, et puis SCREAMADALICA.


Parmi les producteurs, un certain Andrew Weatherall aux commandes. De Windsor, le DJ est passé de la scène Madchester à celle, plus viable, de la techno. Nous sommes en 1991. Weatherall est un habitué des soirées acid house. Gillepsie les découvre par l'entremise de McGee. Le choc est radical, même si le Glaswegian s'en défendra longtemps. A l'insu de son plein gré, Primal Scream se révèle comme une redoutable machine à danser, et à looper. C'est l'ère du baggy et cela s'y prête bien: si l'ouverture "Moving on Up" sent salement le Rolling Stones, "Slip Inside This House" change radicalement la donne. Samplant du 13th Floor Elevators et du Sly Stone, le moreau est un dub archi–efficace, à l'apparente bonhomie. Surtout Gillepsie se sort avec brio de ces nappes psychés. Avant de bifurquer sur le house "Don't Fight It, Feel It". Là aussi le tempo est traînard mais ça tire allègrement vers la disco italienne. Denise Johnson y chante et c'est un tube qui passera sur toutes les platines des DJs. De cette électronique, le groupe en garde son squelette sur d'autres morceaux: "Higher Than The Sun" ou "I'm Comin' Down" auraient pu être de banales ballades de secondes zones, la production les place comme pures injections planantes."Inner Flight" fait aussi partie de cette famille, lorgnant vers du Brian Eno, "Damaged" la joue lui avec plus de classicisme. Entre ces deux titres, "Come Together" sample un discours de Jesse Jackson sur un dub éloquent, les chœurs complétant le délire fluo. "Loaded" tape lui dans Les Anges Sauvages en y extirpant un dialogue de Peter Fonda, sur fond de loop d'Edie Brickel ("What I Am"). 


La suite? On l'a forcément un peu oubliée. Ou bien simplifiée. Primal Scream jouera longtemps avec ces fameuses trouvailles soniques, méthode que, au hasard, leur compatriote Fatboy Slim utilisera avec pas mal d'aplomb et de culot, restera dans ce grand écart entre rock classique, gospel, acid house, dub et tentatives électroniques. Au fond, rien de très révolutionnaire: cela avait été dans l'ère du temps, certains avaient fait plus fort mais moins longtemps (Underworld), d'autres la jouaient plus classique (Oasis ou Blur, des héritiers quoi qu'on en dise), mais avec plus de succès. 1991, le grunge arrivait dans toutes les supérettes. Les raves investissaient les champs. Problème de tempo, encore une fois? C'est certains, même si, preuve d'une certaine qualité artistique, SCREAMADALICA est encore écoutable en 2011. C'est indéniable: il faut aller voir la formation britannique aux Docks de Lausanne.

3 sept. 2011

TT Speaches / été 2011

Illustration: vitfait

Réunissons deux mois d'été allegés en sortie pour deux correspondants moins alertes que d'habitude. Voici donc un TT Speaches version estivale, juillet et août additionnés. Allons–y en douceur.






















Julien: En douceur, et en format réduit: Wooden Shjips viennent de sortir un EP intitulé WEST (Thrill Jockey / Konkurrent). De San Francisco, ce quartette ne pratique pas vraiment la mandoline en fait. En sept morceaux, de quoi prendre sa (bonne) dose de fuzz, de drone et de stupéfiants décibels. C'est surtout la deuxième moitié de WEST qui marque son territoire, avec salves psychédéliques "Flight" et "Rising", entourant le garage tip top de "Looking Out". D'une formule banale, mainte fois déclinée, le groupe – qui en a vu d'autres –  réussit son tour de passe et se positionne dans le catégorie "remplaçants de luxe des Warlocks". Splendide musique de route / déroute, WEST est cette côte Ouest fantasmée, à l'aise et pourtant tellement dangereusement classe. Le single extrait de ce EP sortant début septembre en Europe, "Black Smoke Rise", possède déjà son clip. Une question: va–t–on enfin assister à une rentrée rock? 

Pierre: Pas sûr. Je sais pas si c'est le fait de n'avoir rien écouté durant 40 jours mais depuis que je suis rentré, il y a très peu de trucs rock qui m'ont marqué. A nouveau, c'est plutôt des côtés électro et hip hop qu'on tombe sur des nouveautés qui claquent. A la rigueur, il y a cette chanson de Thee Water MoccaSins: "Stay Here". Directement de Kansas City, cet énième groupe à cheveux longs n'en délivre pas moins une chanson brumeuse à souhait, lorgnant du côté des Spacemen 3. Les guitares sonnent parfaitement et une fois de plus le psychédélisme ressort plus fort lorsqu'il utilise moins d'effets. Pendant ce temps-là, Julian Casablancas tourne une pub pour un parfum: sisi.  


Julien: à écouter avec autant d'attention que le EP de Wooden Shjips: The War On Drugs sortent leur nouvel album, SLAVE AMBIENT, et tous les critiques le placent en rubrique "sortie de la semaine", voire mieux. Nettement plus élancés que leurs compatriotes ricains, ils ne manquent toutefois pas d'idées, en livrant un album lumineux et classieux au possible. L'ouverture "Best Night" colle aux basques, mené à un régime atténué, où l'on ne sent pas les turbulences. Signé chez l'excellent label Secretly Canadian (Antony and the Johnsons au hasard, ou encore Jason Molina et jj), le groupe de Pensylvanie livre en cette fin d'été son véritable deuxième album. La grosse locomotive rappelle aussi d'autres collègues d'écurie, Magnolia Electric Co. ("I Was There") ou encore The Helio Sequence de Sub Pop ("Brother"), et, de fait, un demi–siècle de tradition américaine. Le style The War On Drugs est toutefois fièrement représenté sur "Your Love Is Calling My Name", psychédélique débonnaire mais pas pédant. Proche de Kurt Vile, le meneur Adam Granduciel extirpe avec autant de talent que ce dernier sa voix des multiples textures de ce morceau pour en faire un classique du genre. Presque sidérant. Pour preuve, il aurait la même stature qu'un Richard Ashcroft de la grande époque, faisant de ses Verve un groupe acceptable. Après un court – et bon – interval, "Come to The City" lance la grosse sauce, version stadium rock. "Oh que ça va plaire aux ricains" peut–on entendre ici et là. Assez prévisible parfois ("It's your Destiny"), le groupe sait toutefois faire une chose rare: jouer avec les atmosphères et livrer un vrai album, avec des titres–clés ("Baby Missile" par exemple) entourés d'instrumentales, sans  à–coups, pour s'élever jusqu'à ce morceau dément en fin de LP, "Original Slave". Entre Wooden Shjips, The War on Drugs ou encore Ganglians (STILL LIVING paraîtra en septembre), nous tenons en cette rentrée des excellents groupes. 























Pierre: C'était quand même l'été alors au milieu de ces groupes psyché, un peu mélancolique quand même, je place l'EP qui a fait suer des miches cet été: ELECTRONIC DREAM d'AraabMusik. Ce producteur de dipset originaire du Rhodes Island laisse pour une fois le hip hop de côté pour y aller franchement du côté de la house et de la trance, bref les sons qui réchauffent l'épiderme. Même si l'album flirte constamment avec le kitsch, et que les voix féminines hyper suaves en rebuteront plus d'un, il n'en reste pas moins qu'on se laisse volontiers aller sur ces hymnes langoureux. "Streetz Tonight", ça t'enlace, te tourne autour, comme une bombe à l'indice de séduction élevé. De toutes façons, il fait déjà moite alors pourquoi ne pas ouvrir le haut de sa chemise et suer sur ses beats . De plus, AraabMusik a tout prévu et une fois qu'il est temps d'accélérer, il balance des titres trance comme "Lift Off". Si tu te prends ce titre dans les jambes sur la piste de danse, mieux vaut avoir bu assez pour ne pas tomber tout déshydraté. 


Julien: Tout un programme! Cela me rappelle le "bonker" Dizzee Rascal avec son grime fluo et ses archi–tubes. Forcément, ces deux artistes nous place fait à un constat amer: on espérait éviter le retour des années 90, se disant que non, il n'y avait rien à en retirer. Et puis, c'est d'abord la techno minimale qui depuis quelques temps pioche abondamment dans son passé glorieux, remettant ici et là de la couleur, ce qui n'était pas si mal tout compte fait. Pour autant que cela serve le propos. Est arrivée Lady Gaga et toute une flopée de spécimens R&B tapant dans le même registre, plus intéressant sociologiquement que musicalement. Certains en profitent pour enjamber les référentiels, à l'instar des new–yorkais de The Rapture, eux aussi emmené dans cette vague de fond nineties, avec plus ou moins de veine. Pour rappel, The Rapture a livré au début du XXIème Siècle un EP puis un LP, ECHOES, demeurant comme un passage–clé à toute une génération née dans les années 80 avides de reprendre l'affaire Post Punk là où les pionniers l'avaient abandonnée, c'est–à–dire pas très loin du caniveau. Avec The Rapture, c'était la fête à la maison, les années 80 dans leur bel apparat (parce que tout ne fut pas rose, je me souviens des séances d'aérobique auquel on greffait, outre des tenues vraiment stupides, un habillage sonore des plus déprimants), un quatuor de musiciens aux prédispositions largement au–dessus de la moyenne. Et puis, forcément, l'affaire s'est gâtée dans la spirale des tournées, PIECES OF THE PEOPLE WE LOVE (2006) possédait certes des pépites, mais ça sentait déjà mauvais. Trop beau pour être vrai? Voilà que cinq ans plus tard, autant dire un gouffre intersidéral dans le commerce musical moderne, le groupe revient à trois, sans bassiste à plein temps. IN THE GRACE OF YOUR LOVE (paru chez DFA, label de James Murphy) tape donc dans ces foutues années, avec plus ou moins de gêne. Si l'ouverture "Sail Away" pourrait faire danser une horde de hooligans britanniques, c'est superbe, "Blue Bird" une assemblée de clones de Jimmy Summerville, c'est intéressant, "Roller Coaster" n'est pas des plus délicats, "Children" est une europop absolument magnifique pour le genre, ce qui veut dire à bannir rapidement. "Can You Find a Way" est étonnant, avec ses contre–temps, entre musique hantée et rythmiques dance. Du nineties royal, en voilà avec "How Deep is Your Love?". Si j'étais la personne concernée, je me vexerai de suite. Entendu en concert récemment (review à venir, sous forme de débat), il va sans dire que le morceau met mal à l'aise comme un malheureux malentendu. Je pense Pierre que tu n'as pas eu le temps d'écouter ce IN THE GRACE OF YOUR LOVE. Si tu aimes les choses house, il y a ce "Come Back to Me" que je trouve excellent. J'imagine très bien ce titre légèrement remixé passer dans de nombreux clubs. Alors, à ce jeu–là, oui, The Rapture n'ont pas à rougir. Dans la même veine, "In the Grace of Your Love" est sacrément bien foutu, jouant aussi sur le passé du groupe. Car, voici le vrai problème: qui va écouter The Rapture pour se retrouver face à une relique passéiste pointant la mauvaise année – ou période – sur le calendrier? Cette formation, si elle n'a jamais rien renouvelé, s'est servi de ses qualités techniques, optant pour l'efficacité plutôt que la subtilité, avec suffisamment de bonne foi pour être apprécié des sceptiques. On regrettera néanmoins ces premiers méfaits, ECHOES en tête, de même que quelques titres crève–cœurs, quasi acoustiques, là où s'exprimait véritablement les sentiments d'un groupe désormais englué dans son décorum, ou dans le piège qu'il s'est lui–même construit.  


Julien: Récemment aperçus au Montreux Jazz Festival, les cé-fran de Housse de Racket pourraient bien voler la vedette aux Rapture. Normalement, ce genre de groupe qui kicke sec a tendance à me faire partir en courant, l'écurie de Kitsuné en tête. Je n'y peux rien. Ce TOC ne va pas me lâcher avec ce duo de Chaville, leur deuxième album ALESIA sous le bras (chez Kitsuné donc). Mais putain, quelle puissance sur l'ouverture "Human Nature"! La production de Philippe Zdar (Cassius) colle. Même producteur pour Housse de Racket que pour The Rapture mais pas même cohérence. Question de pédigrée. La suite? Un petit tube "Chateau", moyennement sérieux, au refrain ultra–efficace, des guitares fièrement tendues sur "Chorus", du synthé eighites sur "Alesia" (Moroder? Tellier? Vous êtes là les gars?). Les titres sont aussi rigolos que ceux de Naive New Beaters ("TGV", "Les Hommes et les Femmes", z'ont craqué). On reconnaîtra d'ailleurs honteusement un certain "Echoes" des Klaxons. Ou du Balavoine? Nous en reparlerons le mois prochain: Abel Tesfaye, de The Weeknd, vient de faire paraître sa deuxième mixatpe, THURSDAY, fait de remixes et de compositions personnelles. Pas mal pour un petit gars né en 1990, livrant ses productions gratuitement sur son site web. Alors oui, il y a une alternative à Philippe Zdar et compagnie. A se demander si ce dernier et ses compères pépères connaissent son existence… Il suffit d'écouter "Life Of The Party" pour s'en convaincre; de convenance R&B pour péter en dubstep méchante. La parfaite transition après du Shabazz Palaces? Avec The XX, The Weeknd prouve qu'il est permis de s'épancher de toute étiquettes, de toute école. Nécessaire!


























Julien: On reste aux Etats–Unis avec Jonathan Wilson de Forest City, Caroline du Nord. Actif depuis une quinzaine d'année, cette signature de Bella Union reste toutefois bien peu connu en Europe et pour cause: GENTLE SPIRIT n'est autre que son premier vrai album. Et quel album de pipe! Dans son studio de Los Angeles, Wilson a produit durant des années de superbes choses comme les albums de J. Tillman (Fleet Foxes), ou des titres de Will Oldham ou de Chris Robinson (The Black Crowes) ou a joué pour une liste d'artistes à en déprimer plus d'un: Erykah Badu, Vetiver, Elvis Costello, Bonne "Prince" Billy etc… Wilson profite de son carnet d'adresse pour convoquer une grande famille autour de son premier album, d'une rare justesse musicale. L'ouverture éponyme rappelle la période blanche de Lennon, ou, plus proche de nous, Elliott Smith, forcément, ou Jason Lytle de Grandaddy. Avec ces gens de bon goût, Wilson partage une voix à chialer dans sa bière, d'une clarté sidérante. "Can We Really Party Today?" pose la bonne question: avec un chant dépouillé d'une telle beauté, n'a–t–on pas affaire à un spécimen de la classe des beautiful losers? Rarement placé en tête de liste sur Think Tank, le folk des grands airs de Wilson (quel patronyme sacré!) est toutefois inratable. La bonne surprise de l'été déclinant. Parmi nos recommandations, le stratosphérique "Natural Rhapsody" montrant bien ici à qui nous avons affaire: un gros morceau. Wilson se place instantanément dans le très haut du panier. Pas le dernier des manches non plus, Fionn Regann sort lui son troisième album et replace la Grande–Bretagne dans notre Speaches. Il en était temps. Avec 100 ACRES OF SYCAMORE, l'Irlandais poursuit son joli bout de chemin, pas ridicule du tout face à ses modèles revendiqués, Dylan et Cohen en tête. 


Pierre: Voilà, voilà, on discute de toutes ces sorties internationales, mais sur Think Tank, on n'a même pas encore parlé de la sortie de la cinquième compilation signé Rowboat. Ca a beau être des amis, la vérité, c'est qu'avec une telle qualité, c'est pas cela qui fait qu'on en parle. Franchement, avec cette cinquième sortie, Rowboat tient tout-à-fait la comparaison avec tout ce que j'ai pu entendre comme compilation indé sur l'internet. Avec une équipe presque inchangée, Rowboat arrive une fois de plus à nous bluffer à coup de titres dont l'originalité et l'indépendance artistique font à chaque fois la valeur, que ce soit à coup de guitares tonitruantes ou de nappes épiques. La palme revient sans aucun doute pour ce volume 5 à Kurz Welle qui avec "Pritzkerprize and hay fever" n'a pas fini de charmer tout le monde. Une comptine où se côtoient grandiose et bricolage. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de "Inner Wars" de Buvette. Par contre, à force d'être scotché à chaque concert, il était temps de pouvoir aussi s'extasier dans son salon en écoutant "Fighting Love" des Awkwards. Au milieu de toutes ces réjouissances, brillent aussi l'électro orientale de Dam Mantle, la langueur de Ghostape et la houle de guitares de Vinci Vince. Bref clap, clap, clap et en plus en vinyle c'est encore plus beau.


Julien: on peut d'ailleurs écouter la version digitalisée de cette compilation sur le Bandcamp dudit label. J'ai moi aussi pris mon pied à l'écoute de cette nouvelle version; à mon avis, il s'agit de l'édition la plus achevée, tant au niveau production que choix des morceaux. Ce qu'il y a de bien avec ce label helvétique, c'est qu'il possède une telle identité qu'il tire tout le monde vers le haut, choisissant drastiquement les titres d'artistes (vous ne verrez par exemple jamais le Post Punk habituel des Awkwards sur une de ces compiles). Oui, Kurz Welle risque bien de mettre tout le monde d'accord. Merde, comment fait–il?

























Julien: cet été est aussi celui du retour très très attendu de Beirut et de la révélation d'un de ses outsiders les plus intéressants: Son Lux. Logé chez le remuant label Anticon, Ryan Lott aura mis trois ans à donner un successeur à AT WAR WITH WALLS AND MAZES, remarqué par quelques indépendantiste. Si "Rising" ou "Flowers" renvoient à Sufjan Stevens période ILLINOIS, il ne faudrait pas voir en ce Nord–Américain un petit numéro: avec WE ARE RISING, Son Lux tient son programme à la lettre près: monter haut, très haut, dans ses ballades huilées à la douce folie et infiltrée électroniquement, domestiquées, puis éclatées en pièces détachées somptueuses. Efficace. Je préfère toutefois nettement quand Lott se détache de ces sonorités parfois bas du front à la Efterklang pour renvoyer à Troy von Balthazar (”Claws”) ou à des pistes très électronica (”Let Go” et surtout le final ”Rebuild”). Et Beirut donc? En neuf titres, Zach Condon poursuit son petit marché idoine aux rayons  magic folk, musique de l’Est et jolies trompettes, épuisant tous les codes du genre, d’un genre qu’on appellera pop country. Pour mieux situer le méfait, il suffit d’écouter l’ouverture de son nouvel album, THE RIP TIDE, ”A Candle’s Fire”. En deux mots: du Calexico grand public, honorable et surtout convenable.. Heureusement, il y a des titres pour rattraper ce manque d’intérêt, comme le un peu plus original ”Santa Fe”, qui possède au moins cette qualité de croiser, allez, electronica avec sunshine pop, ou l’excellent ”The Peacock” qui évitera d’y voir constamment cette même structure intro–voix fluette–trompette–violons–choeurs–break–bis. Heureusement que d’autres artistes mettent les moins dans le cambouis, pendant que Beirut grignote ses tartines naïves et tellement prévisibles. Au hasard: Atlas Sound qui vient de faire paraître un nouveau titre, ”Terra Incognita”, en prévision de PARALLAX (à sortir début novembre 2011 chez 4AD). Nettement plus humble, nettement plus visionnaire, s’évaporant au bout de six belles minutes. Ce mec est le chanteur des Deerhunter, et il s’appelle Bradford Cox. Je vous suggère, quand l’heure des comptes aura sonné, de privilégier ce bonhomme. Ou un certain Spencer Krug, membre des canadiens de Wolf Parade ou Sunset Rubdown entre autres. Sous le nom Moonface, il vient en effet de sortir un EP sur son label habituel, Jagjaguwarhttp://jagjaguwar.com/onesheet.php?cat=JAG168. ORGAN MUSIC NOT VIBRAPHONE LIKE I'D HOPE est une ballade lo–fi de haut rang, avec un Krug toujours aussi en pattes. Pour amoureux de folk bricolée, d'électro organique et de psychédélisme kraut. A chaque nouvelle sortie, Spencer Krug signe un excellent travail, que ce soit avec Wolf Parade, Sunset Rubdow, Swan Lake, Frog Eyes ou en solo. Pour toutes ces excellentes contributions, j'en profite pour placer ce EP dans le rang des meilleurs albums du mois. Aussi parce qu'il le mérite pleinement.























Pierre: Un label qui n'a pas chaumé cet été, c'est une fois de plus Tri Angle, notre chouchou des chroniques musique hantée. Avec tout d'abord, le premier album de productions inédites de Clams Casino: RAIN FOREST. On en avait déjà un peu parlé sur TT (ici). Sur la longueur, le jeune prodige tient toujours la route avec des beats toujours aussi profonds et une texture sonore habitée de mille bêtes invisibles comme sur "Treetop". Des voix de fantômes n'ont même plus besoin de la compagnie de rappeur pour peupler des titres tous plus étranges les uns que les autres, avec ce style reconnaissable entre tous. Pour le clip de Natural, pas trop de recherche, juste des images de Aguirre de Herzog et la production terrible de Clamsy Clams. Autre sortie du label, Holy Other est en passe de dépasser toutes les autres en terme de qualité. Leurs concerts au dernier Sonar m'avait juste mis une énorme baffe. En cinq titres, WITH U fait presque aussi bien. La musique hantée et Tri Angle commencent à exister depuis un petit moment et cela se sent. La production est au poil, les rythmes assassins et les rares voix sont parfaitement placées. Les côtés un peu folklorique du genre sont laissés de côté pour aller directement à l'essentiel: une électro qui puise sa puissance dans une lenteur profonde et des sons spectraux. En plus, Holy Other seront au Romandie de Lausanne le 10 septembre dans le cadre d'Electrosanne. Pour finir, Tri Angle ne s'arrête plus et sort ce mois un nouvel album de Balam Acab. N'ayant pas encore eu le temps de bien l'écouter, je vous laisse avec les non moins excellents remix du même Balam Acab: "My Boo" des Ghost Town Djs et "Romantic Streams" de Sleep Over. 


 Julien: Tu ne seras pas surpris si je t'annonce que cet album de Balam Acab est d'un très bon cru. Fer de lance de cette musique qu'on appelle aux USA Witch house, Alec Koone, 20 ans seulement, mène son projet vers une esthétique très étudiée: du dépouillement, on en retire une électronica luxuriante sans pour autant être abondante. Ici, pas de trémolos à la Sigur Ròs, par exemple. J'ai été très surpris pas cette bonhommie sous–jacente à WANDER / WONDER. On se retrouve le mois prochain pour en discuter plus pleinement.


Disque de l'été
Pierre: Va, ROWBOAT VOL.5
Julien: Moonface, ORGAN MUSIC NOT VIBRAPHONE LIKE I'D HOPE

Singles de l'été 
Pierre: Kurz Welle, "Pritzkerprize and hay fever"
           Ghost Town Dj's, "My boo"(Balam Acab remix)
Julien: Kurz Welle, "Pritzkerprize and hay fever"
            1995, "La Source". Ah, c'était avant l'été?


Et ce dont on n'a pas pu parler cet été, notamment:
CSS, La Liberacion (Co-op)
DJ Diamond, Flight Muzik (Planet Mu)
Fruit Bats, Tripper (Sub Pop)
I Break Horses, Hearts (Bella Union)
Lil Wayne, Tha Carter IV (Cash Money)
Luke Temple, Don't Act Like You Don't Care (Western Vinyl)
Oupa, Forget (Fat Possum)
Patti Smith, Outside Society  (Columbia)
Red Hot Chili Peppers, I'm With You (Warner)
Tinariwen, Tassili  (V2)


A venir le mois prochain: 
Alias, Fever Dream (Anticon)
Azure Ray: Drawing Down the Moon [Saddle Creek]
Balam Acab, Wander / Wonder (Tri Angle)
Baxter Dury, Happy Soup (EMI)
Bear in Heaven: Beast Rest Forth Mouth [Hometapes]  
Crystal Antlers, Two Way Mirror (Recreation)
Fucked Up: "Year of the Ox" single [Merge] 
Junip: Fields [Mute] 

Les Savy Fav: Let's Stay Friends [Wichita] 
Male Bonding, Endless Now (Sub Pop)
Megafaun, Megafaun (Crammed Discs)
Of Montreal: False Priest [Polyvinyl]

No Age: Everything in Between [Sub Pop]
Peter Wolf Crier, Garden Of Arms (Jagjaguwar)
PG Six, Starry Mind (Drag City)
Sun Araw, Ancient Romans (Drag City)
The Drums, Portamento (Moshi Moshi)
Thundercat, The Golden Age Of Apocalypse (Ninja Tune)
The Acorn: No Ghost [Bella Union]

The Black Angles: Phosphene Dream [Blue Horizon]
The Clientele: Minotaur [Pointy] 
Violens: Amoral [Static Recital]
Women: Public Strain [Jagjaguwar]




La vidéo du mois: Clams Casino, "Natural"