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30 avr. 2011

TT SPEACHES / AVRIL 2011

Illustration: vitfait
Nouvel épisode du Speaches. A chaque début de mois, l'écurie de Think Tank ouvre un post commun et le publie 30 jours plus tard. Avril n'a pas été des plus calmes: "vite sortons nos disques avant les festivals, on fera jouer nos poulains à Glastonbury!" semble–t–on entendre depuis ici certains commis de labels. Donc, plein de belles choses, d'autres plus quelconques, avec une légère teinte Domino Records.



Julien: traditionnellement, le mois d'avril est réservé aux sorties de programmes des principaux festivals européens. L'occasion de faire un bilan intermédiaire des scores et courants et de confirmer certaines consécrations latentes: WU LYF, un peu partout cet été, aussi proche de chez nous, à Belfort et très certainement à Montreux, Anna Calvi vraiment partout, Tame Impala qui repart pour un tour, pas vraiment surprenant, Paul Kalkbrenner plus gros que les Chemical Brothers, Queens of the Stone Age plus présent que jamais avec la réédition de leur premier album du même nom, leurs petits frères d'Arctic Monkeys qui se bonifient avec le temps, et puis bon, Arcade Fire qui fait même une date à Argelès–sur–Mer, là où j'allais en vacances quand j'étais petit (pour situer, ils côtoieront Two Doors Cinema Club, Cali ou… Aaron. Libre à chacun de prendre l'air de la Méditerranée cela dit), The Vaccines loupent juste le train des grosses dates hors Royaume–Uni, dieu soit loué, alors que James Blake sera le gros truc de cet été. Pour terminer, notons une certaine satisfaction de voir Portishead, Beirut, PJ Harvey et le projet Congotronics vs Rockers se mêler à la fête de Paléo. Jadis, avant qu'Internet n'agisse comme une super Encyclopédie pour les Nuls, ç'eut été un festival indé. Or donc, nous sommes en 2011, et Portishead fait dorénavant la tête d'affiche d'une manifestation grand public. Sociologiquement, c'est intéressant. Musicalement, on espère que le son soit à la hauteur (quand craintes et déceptions se croisent trop souvent…).  Personnellement, je m'attendais à pire cet été, on n'a pas été gâté (quid de tUnE–yArDs, Dodos, Keren Ann, Jamie Woon, Lower Dens, Papercuts, Lykke Li, Peaking Lights, Timber Timbre, Fujiya And Miyagi, Warpaint, Zoot Woman, par exemple? Tout n'est pas encore sorti du côté des petits festivals, prions alors… Qu'en dis–tu Pierre?

Pierre: Oui ce mois d'avril a été marqué par la folie des deux grandes kermesses musicales suisses de l'été. Et pour une fois, c'est plutôt qui le Paléo qui marque des points face à Montreux. Du côté du Paléo, les Strokes quand même, Tame Impala, PJ Harvey, Amy Winehouse, Metronomy, Congotronics vs Rockers et plein de groupes de potes qui font bien plaisir. Big Up à Überreel et aux Wellingtons Irish Black Warriors! Du côté de Montreux, pas grand chose à part James Blake et Arcade Fire. Vu le prix des billets, mieux vaut avoir une grand-mère généreuse pour nous offrir des places. Mais Montreux a encore dans sa manche la programmation des concerts gratuits. Tout n'est pas encore dit. Le mieux est cependant toujours de voyager pour voir d'autres festivals. A Barcelone, bien plus que le monstre indé Primavera, cette année c'est le Sonar qui me fait saliver. Des pointures (Aphex Twin, James Murphy et Dizzee Rascal) et surtout un showcase d'un des meilleurs labels du moment: Tri Angle avec How To Dress Well, oOoOO et Holy Other. De la grande musique hantée en perspective. Sinon pour ceux qui veulent faire le plein de love nordique, je recommande le Flow Festival à Helsinki. Ca se déroule dans une friche industrielle et les premiers groupes annoncés sont Kanye West, Lykke Li, Q-Tip, Iron & Wine, James Blake, Warpaint, Ariel Pink, Twin Shadow. C’est un peu ce que tu souhaitais Julien.






















Julien: après ce court aparté, reprenons nos affaires avec joie: le meilleur EP du mois est la bande–son du film Submarine réalisé par Richard Ayoade (1977), auparavant connu au bataillon comme acteur de séries. On n'en sait pas vraiment plus, si ce n'est que le film sort au mois de juin en Grande Bretagne et que, donc, c'est Alex Turner (Arctic Monkeys, Last Shadow Puppets) qui signe ces belles six pistes d'ambiance (sorti chez Domini, distribué par Musikvertrieb). Du classicisme à l'anglaise, très influencé par le grand et pourtant sous–estimé Richard Hawley (ils ont partagé la scène à quelques reprises lors de la tournée 2007–2008). "Hiding Tonight" n'est pas le titre le plus évident pour entrer dans ce SUBMARINE, mais putain qu'est–ce que c'est beau. Turner fait du stoner avec les Monkeys? Tant mieux, il se permet en parallèle de tracer sa propre voix. On pense ici à Elliott Smith détaché des brutaux Heatmiser ou de Troy Von Balthazar hors de Chokebore, toutes proportions gardées. Le EP procède par sous–couches, en petites escalades, passant de pures pop songs intimistes ("Glass in the Park" doit faire très très mal à Doherty) à du très orchestré: "Stuck on the Puzzle" aux fausses allures de Travis pour mieux s'ancrer dans cette tradition des grandes ballades rétros, et le final "Piledriver Waltz", qu'on sent proche dans l'esprit de "Fluorescent Adolescent" (2008). Tout cela est fort respectable.

Pierre: Autres groupes reconnus et attendus, TV On The Radio et Cold Cave sortaient leur nouvel album ce mois. Et pour les deux, si le résultat est respectable, il n'en est pas moins décevant. Alors qu'ils avaient réussi quelque chose d'assez bien avec leur précédent album (LOVE COME CLOSE) avec une cold wave racée et mélancolique à en pleurer, Cold Cave accélèrent à mon plus grand regret pour faire du sous–Cure. On a plus le temps de s'émouvoir et les synthés à force d'essayer de se rechauffer ont perdu leurs beautés glaçante pour n'être plus que de la neige toute molle. On sait pas si c'est l'emballement actuel que connait la cold wave qui leur a fait ça, mais les gars de Cold Cave ont perdu le sang froid qui faisait la qualité de leur son. TV On The Radio semblent eux aussi un peu dépassés. Tout est pas mal fait mais sans y croire. J'ai jamais été un fan du groupe mais là j'ai vraiment de la peine à m'emballer pour un disque que je trouve aussi daté qu'insipide. Après deux ans sans nouveau album et à force de produire des albums pour Scarlett Johansson, est arrivé ce qui devait arrivé, la magie a fini par retombé. Les compositions sont toujours intelligentes, la voix du chanteur toujours très bien, mais difficile de rentrer dans un album qui sent autant le réchauffé.























Julien: au rayon électronique et consorts, XI VERSIONS OF BLACK NOISE a pas mal tourné de notre côté. C'est en fait une réunion de remixes de titres issus de BLACK NOISE de Pantha du Prince et non une version réétudiée: seule une poignée de tracks ont été repris par différents DJ ou groupes. "Trop de "Stick to My Side, non?" m'avait–on fait remarquer; le duo avec Panda Bear est effectivement archi–présent sur ce 11–titres. S'il est repris par Lawrence (Dial) en version dub, par Four Tet en nettement plus affirmé ou par Walls en version pandabearienne, c'est pour la réalisation d'Efdemin (il vient par ailleurs de sortir CHICAGO chez le même Dial) qu'on penchera, en variante ici tech–house qui marche du tonnerre pour ceux qui trouvaient ce titre sinon passable mais surtout peu entraînante. A propos de Panda Bear, son bateau–mère, Animal Collective, signe–lui une reprise du super "Welt Am Draht", tout en échos traditionnels au groupe américain, très deep pour finir en simulacre de dubstep. Ce même titre s'est vu corrigé par le vieux loup Moritz von Oswald en mode after, placide et magnifique, alors que Die Vogel (un titre sorti chez Pampa, le même label que Robag Wruhme, album du mois de Think Tank en mars dernier) le transforme en bonhomme nettement plus agressif avec une belle et longue introduction. Pour terminer, petit regret concernant la track The Side Below, mettant pas mal d'adversaires au tapis, ici pas franchement embelli, illustrant bien malgré lui toute la difficulté d'un album de remix (et aussi son utilité parfois). Hommage poli donc à BLACK NOISE, avec 3–4 excellents titres (c'est déjà ça).

Julien: plus housy: Audiofly (Get Physical), composé des britanniques Luca Saporito et Anthony Middelton, sortent leur premier long effort, FOLLOW MY LIEBE. Y figure le petit tube "6 Degrees" avec Fiora Cutler au micro. A part ça, rien de très nouveau sous le ciel du genre house chantée, avec quelques incursions du (bon) côté de Matias Aguayo ("Fela") ou dans les frivolités fin de siècle. Les années 90 reviennent en force, Audiofly ne contredira pas ce constat. C'est pas pour autant qu'on s'en réjouit (notons que "Kiss and Tell" est sans doute le meilleur titre de ce long album, mixé et non pas simplement compilé). Toujours dans le registre duo, Art Department vient de publier chez Crosstown Rebels l'album THE DRAWIN BOARD. On n'est pas face à des inconnus: avec la légende canadienne Kenny Glasgow et l'étoile montante Jonny White, c'est un mix surprenant mais surtout performant: "Without You" fut un ras–de–marée l'an passé, notamment désigné Titre de l'année par le très influent Resident Advisor. Cette manie actuelle de faire sonner ses titres comme il y a 20 ans habite autant ce titre house pour pleurer et danser que ce nouveau LP. On y retrouve même Seth Troxler, récemment programmé au festival Electron, sur deux morceaux, le très martial "Living the Life" ainsi que le bien nommé "Vampire Nightclub" vachement plus ambiance fin de soirée attention la surprise. On préfère nettement ça aux turlurettes discos à l'instar de "Tell Me Why (Part I & 2)" qui risque pourtant bien de finir sur toutes les platines des clubs chics cet été. On retiendra aussi le Moroder "Roberts Cry" avec une certaine idée de Boy George en échos pour un hybride d'interlude de toute bonne facture. Pour terminer, le final "ICU" est vraiment horrible. Voilà c'est dit. De la difficulté de tenir son rang en format album, toujours le même constat. 

Pierre : Étonnement aussi assez housy, sort chez Mental Groove l’album du projet The National Fanfare Of Kadebostany. Derrière ce nom de compiation Sublime Frequencies, se cache en fait un projet regroupant des musiciens de différents pays de l’est, le Kadebostany étant un pays imaginaire. Ils seront d’ailleurs en concert au Paléo. Le côté multiculturelle et excentrique se sent d’emblée dans un son qui démarre comme de la musique slave, avec ces violons, accordéons et violons pour partir ensuite dans rythme saccadé sur des beats de garden party dans une friche de Minsk. Le résultat n’est pas loin d’être irréprochable mais finalement souffre peut-être de son identité éclatée. Tentant d’inventer une fanfare d’un pays rêvé, ce projet échoue dans la tentative d’y donner une véritable âme, ce truc vibrant qui semble relier organiquement les musiciens à la terre.

Julien:  Ils viennent d'ailleurs au Romandie le 14 mai prochain!

 






















Julien: à contre–courant, Jon Hopkins (cover ci–dessus) met de côté son arsenal électronique pour composer un album à quatre mains, aux côtés du très estimé King Creosote. Deux artistes signés chez Domino, tenants d'une certaine sensibilité, entre électro crépusculaire (INSIDES notamment, sorti en 2009) chez Hopkins et pop–folk intimiste et singulière chez Creosote (malgré le très remarqué "Two Frocks At a Wedding", entre The Notwist et David Byrne). Produit logiquement par Hopkins, DIAMOND MINE est un album grand format, OVNI et pourtant accueillant. Via l'ouverture "First Watch", on nous vendrait facilement cette collaboration comme étant au bénéfice d'une bande–son de film. Si tel n'est pas le cas, il faudrait sérieusement y songer. "John Taylor's Month Away" est une merveille de folk vaporeux à la Neil Young, moderne et bien éduqué; "Bats in the Attic" est plus classique mais tient son rang et "Running on Fumes" fait montre d'une grande attention à l'arrangement, dans une fausse–acoustique. On cherche des noms desquels on pourrait rapprocher ce duo construit sur le long terme, à travers les années et les temps–libres de ces deux britanniques. Franchement, il y pourrait autant y avoir de la chansonnette que du très complexe genre Aphex Twin. "Your Own Spell" en appelle à du Sigur Ròs humble. On pourrait afficher notre regret en considérant, à première vue, d'un trop de King Creosote au profit de l'électro de Hopkins. Seulement, rarement collaboration n'aura aussi bien fonctionné; la patte de ce dernier est sous–jacente, magnifiant le chant et offrant une nouvelle dimension à Creosote. A croire que ces sept titres auraient été composés d'une traite sur la Lune, avec bien belle vue sur la Terre. Voici un autre exploit de Hopkins: harmoniser les compositions, leur donner un statut sériel et non pas comme une simple collection de titres récoltés en long et en large. Faire de ce DIAMON MINE un vrai album quoi. Ce 7–titres se termine comme il a commencé, avec "Your Young Voice", ambiance fin de règne sereine et grande classe, pour un disque habité et hors du temps, entre folk et électronica, auquel il faut effectivement donner de son temps pour y rentrer. Ce n'est sûrement pas un disque de camionneur, mais voici l'un des deux disques du mois. En complément, je recommande aussi le nouvel album de Hauschka, SALON DES AMATEURS.

Julien: on respire un peu avant de passer à une autre signature Domino, Cass McCombs. WIT'S END fait partie des meilleurs sorties actuels sur Pitchfork. S'ils procèdent parfois de mauvaise foi ou d'un ton professoral, le webzine ne se trompe que rarement quant il faut honorer les grandes et belles choses. Dans le genre, ces braves gens ne seraient pas à même de classer le premier album de Austra dans cette catégorie, avec raison. Signés aussi chez Domino (belle production tout de même), les trois arty de Toronto auraient composé, selon leur label, "un chef-d’oeuvre propice tant pour des rites d’incantations que pour les clubs". Malgré tout notre bonne volonté, on y voit plus ici un de ces fameux avatars pillant dans l'héritage de Kate Bush, franchement plus nul que Fever Ray ou Telepathe, qui eux par exemple possédaient de vraies compositions et une certaine personnalité. Ici, on ne nous propose qu'une belle voix version 3ème millénaire, sans véritable fond et à mauvaise tendance divertissante donc, celle de Katie Stelmanis, sur la même base que Florence Welsh, de Florence and the Machine, avec quelques falsettos sur l'amusant "Lose It" qu'on aimerait pourtant sacrément remixer pour lui donner une vraie âme et de quoi pouvoir vraiment s'exciter en club. On ne nous propose aussi qu'un clip godiche avec "Beat and the Pulse", là aussi belle matière brut à passer au remixeur. Pourquoi tant d'incitation à cette pratique? Simplement parce que voilà, Austra possède toutefois quelques belles petites idées, se perdant malheureusement dans leur décorum pseudo New Wave Queer. Dans l'esprit, on préfère nettement le côté riot de Le Tigre ou son semi–avatar MEN. Par politesse, on garde de côté le plus ambitieux "Spellwork". Mais franchement, retiendra–t–on leur nom à l'heure des bilans? Pour rappel, on danse plus souvent en club sur du Smiths, du Kate Bush ou même du Joy Division – des gens qui avaient des choses à dire avant toute chose – que sur du Glasser ou du Goldfrapp, un vrai morceau pouvant habiter autant une discothèque que notre chambre. Délassant en cas de profonde procrastination. Oui, Cass McCombs donc, nous y revenons. Pierre, tu me disais du bien de son précédent album…


Pierre: Cass McCombs, je trouve ça vraiment joli et classe, à écouter main dans la main avec qui tu veux. Et c'est vrai que le single de l'ancien album "You Saved My Life" m'avait vraiment touché, avec sa mélodie parfaite et son joli clip. Mais bon dans le genre vraiment grandiose, je préfère nettement Panda Bear auquel je consacrerai tout bientôt une chronique spéciale pour son nouvel album TOMBOY.

Julien: J'ai récemment écouté WIT'S END sur la route, sous un déluge, en pleine nuit. C'était dangereux, et ce 8–titres n'a rien fait pour illuminer la situation. Et pourtant, avec l'ouverture "County Line", Cass McCombs lorgne du côté d'une soul brillante, ou bien propose une belle ballade avec le titre suivant, "The Lonely Doll". C'est ensuite que l'atmosphère se refroidit, alors que l'on entre dans le plus intime. "Buried Alive" est très 70's, proche des dernières compositions de Sean Lennon. "Saturday Song" partage un certain goût funèbre avec DM Stith. Certains verront les morceaux de Cass McCombs comme du Elliott Smith au cabaret, d'autres comme un avatar de Leorard Cohen ("Hermit's Cave, frappant de ressemblance). On termine l'album par le sombre contemplatif "Pleasant Shadow Song" puis par "A Knock Upon the Door", joué à la mandoline entourée de percussions, dans une petite déglingue rappelant Patrick Watson. Honnêtement, je trouve cet album dans un entre–deux trop présent, excellent au demeurant, mais d'un académisme m'embêtant. 

Pierre : Crystal Stilts nous avait habitué à la qualité d’un rock psychédélique austère, et IN LOVE WITH OBLIVION ne décevra pas ceux qui ont apprécié les premiers opus du groupe. Ici pas de soumission au tout électronique de l’époque, ça sent les vieilles cigarettes, c’est sombre et c’est réalisé d’une façon irréprochable. Les guitares sont puissantes, les mélodies envoutantes. Si l’album en entier peut finir par lassé par l’homogénéité de son style, les sommets s’approches du grandiose. Comme "Shake The Shakles" ou "Precarious Stair". Tout le contraire de Young Knives. Les anglais commencent à se faire vieux et se perdent dans un rock traditionnel qui restera pour toujours à des lumières de The Fall. C’est pop sans être entrainant, c’est rock sans être tranchant. Bref, ORNAMENTS FROM THE SILVER ARCADE est pas terrible.






















 
Julien: Un autre truc dément en ce moment, c'est la sortie de l'album éponyme de Jungle By Night. Le label de l'affaire est pas franchement connu, et pourtant: s'il est néérlandais, Kindred Spirits possède dans son catalogue une chaleur peu commune pour des blancs becs. Il y a même un super album de remixes de titres du Sun Ra! D'Amsterdam, Jungle By Night est vu comme la grande révélation de l'afrobeat par Chief Udoh Essiet, célèbre percussioniste du backing band 2.0 de Fela Kuti, Egypt ‘80. "Music should be warm, vibrant, soul- and colorful in our opinion. It’s all about the groove and the intention and that’s what we have been looking for making this EP" relève le groupe en sortie de studio. Enregistré en une prise, ce 6–titres possède effectivement cette touche live, assez bien produite également pour demeurer en tant que véritable album. L'influence majeure du Nigérian Fela Kuti est intacte, entre artistes hip–hop comme Talib Kweli, The Roots ou le raz–de–marée nord–américain récent (Fool's Gold et compagnie). Ici, quand on écoute "Great Wide Open", on entre vraiment dans cet afrobeat qu'on adore tellement chez Think Tank, précisée, flippante et passionnante. J'espère vraiment les voir tourner cet été; il faudra toutefois attendre l'hiver ou 2012, ce long EP sortant tardivement sur le market. Les membres de Jungle By Night sont au nombre de 9 mais parviennent à ne pas sombrer dans une certaine lourdeur et évite le grandiloquent. Futé, racé, l'album inaugural éponyme de ce groupe est à recommander!

Pierre : Metronomy, je trouve que c’est un groupe compliqué à juger. Beaucoup de gens n’aiment pas, il y a quelque chose d’agaçant dans leur son, mais il n’empêche que quand je retombe sur certaines chansons de leur précédent album, NIGHTS OUT, comme « Holiday », je suis chaque fois en train de secouer la tête, la basse est bandante. De l’excellente pop sous acide post-punk. Pour leur nouvel album, THE ENGLISH RIVIERA, le désormais quatuor de Metronomy a eu la très bonne idée d’abandonner ce genre mort-né qu’est l’electropop pour se concentrer sur les mélodies. Le résultat n’est pas loin du mieux de ce qu’on pouvait attendre de la formation. Les gimmicks pénibles pour hipster ont disparu pour laisser place à des belles chansons épurées, à l’ambiance spleen du bord de la mère du nord, comme "The Look" ou "The Bay".

Julien: De Hot Chip, Alexis Taylor est un fan avéré d'afrobeat et de funk. En 2009 déjà, il a monté un super–groupe nommé About Group, plus proche de Broken Bells que de Jungle By Night remarquez. Avec Charles Haywards (This Heat), John Coxon (Spring Heel Jack, Spiritualized) et Pat Thomas (musicien pour Derek Bailey et Tony Oxley), Taylor signe un LP de classic rock taillé légitimement moins pour les grands airs que pour une belle installation hi–fi. Sorti également sur Domino, START AND COMPLETE est une de ces curiosités aux multiples têtes comme savent si bien le faire les nord–américains, respectant le dogme du super–groupe. C'est beau, mais c'est chiant aussi. Et Coxon devrait arrêter avec ses effets immuables. On lui préférera nettemment la pépite 60's CAT'S EYES, premier album éponyme du duo improbable formé de Faris Badwan et de Rachel Zeffira. Un leader d'une formation proto–cold wave gothique, The Horrors, en mal de reconnaissance (on lui attribue plus souvent les étiquettes de frimeur, mini–gothique, supra–emo que celles de musicien respectable, à tort), en collaboration avec une soprano canadienne, muti–instrumentaliste classique. Si l'on ne s'est pas plus documenté sur leur rencontre ainsi que la gestation du disque, on a pas mal écouté Cat's Eyes, alors que, pour être honnête, on s'attendait à un objet relevant plus du marketing que du réel intérêt artistique. Hyper bien arrangé ("I'm Not Stupid" à faire déprimer Björk ou encore "The Best Person I Know"), fier comme une signature Motown ("Face in the Crowd"), acéré comme un extrait d'Ennio Morricone (le fantômatique "Bandit"), dantesque où Badwan se lâche ("Sooner Or Later", génial), avant de faire cueillette sur "The Lull", même pas niais. Voilà la grande réussite de CAT'S EYES: à l'instar jadis du duo Nick Cave – Kylie Minogue, cette formation signe un 10–titres archi–référencé, bon enfant, optimiste, mais jamais prétentieux ni maniéré – et pourtant combien tombent dans le panneaux ? –  tout en sortant des tubes platinés et affolant, comme "Over You" ou, dans une moindre mesure, "Face in the Crowd". La grande surprise du mois.

Julien: le mois d'avril a décidément été très généreux au niveau qualitatif et on serait bien bête de passer à côté du nouveau Timber Timbre, présent sur le fameux label Arts & Craft, abritant aussi bien Gonzales que Ra Ra Riot. CREEP ON CREEPING ON avait été joué en partie l'automne passé lors du festival suisse, Heartland, en Suisse. Aux côtés de pointures comme The Acorn ou le duo Snowblink, Timber Timbre avait effectué un concert très remarqué, dans sa pop baroque, avec un Taylor Kirk chantant comme un dieu dans une cathédrale, tout en échos, qu'on pourrait placer à côté de Patrick Watson, autre valeureux guerrier déglingué à l'instrumentation audacieuse (entre percussions de récupération, saxophones et violons). On retient aussi "Black Water" au refrain à reprendre par un chœur de hooligans désolés, le putassier "Woman", excellent, l'étonnant "Too Old to Die Young". Ce LP représente la parfaite bande son pour la fin du monde. On tient d'ailleurs son épilogue, "Souvenirs", bien nommé et sacrément ironique. D'ici 2012, on a juste le temps d'apprendre les paroles. Dans un autre registre, si sombre destin il y a, on s'inquiétera pour celui de The Kills, bien trop caricaturaux de ce qu'a pu être leur flamboyant passé (deux premiers albums aussi bruts que définitifs) et complétement à l'est quand on repense à leurs ambitions pop sur MIDNIGHT BOOM, audacieux et réussi. Quand les années passent… 


Disque du mois
Pierre: Panda Bear: TOMBOY
Julien: King Creosote & Jon Hopkins: DIAMOND MINE

Singles du mois
Pierre: Personna La Ave: "Soulmates"
           Pictureplane: remix de "Baptism" de Crystal Castles
Julien: tUnE–yArDs: "Wooly Wooly Gong"


Et ce dont on n'a pas pu parler ce mois, notamment:

Alela Diane, Alela Diane & Wild Divine [Rough Trade/Konkurrent]
Bass Drum of Death, GB City [Fat Possum]
Explosions in the Sky: Take Care, Take Care, Take Care [Temporary Residence]
Fucked Up: David's Town [Matador]
Gorrilaz, The Fall [EMI]
Guillemots,Walk The River [Geffen] 
J.Rocc: Some Cold Rock Stuf [Stones Throw]
Jamie Woon: Mirrorwriting [Candent Songs/Polydor]
James Pants, James Pants [Stones Throw]
Kode9 & the Spaceape: Black Sun [Hyperdub]
Little Scream, The Golden Records [Secretly Canadian]
Low: C'Mon [Sub Pop]
Prefuse 73: The Only She Chapters [Warp]
The Feelies: Here Before [Bar/None]
Times New Viking: Dancer Equired [Merge]
Vivian Girls: Share the Joy [Polyvinyl]

Young Galaxy, Shapeshifting [Smalltown Supersound/Konkurrent] 

Le mois prochain: Fleet Foxes, Beastie Boys, Elysian Fields, Tyler, The Creator, Morrissey, Micachu & The Shapes, The Antlers, Man Man, Chad VanGaalen, Glasvegas etc.  

Clip du mois: Black Lips, "Modern Art"

28 avr. 2011

LP: WILD BEASTS – SMOTHER

Illustration: Giom
La plupart des fans de Wild Beasts ont pris l'affaire en marche, alors que le quatuor britannique sortait son deuxième album, le fameux TWO DANCERS. Le groupe est des plus discrets et, pourtant, il pourrait vraiment parader. Avec SMOTHER, Wild Beasts allonge son collier de perles et autres pactoles, avec dix morceaux à la cohésion renversante. En mars, Think Tank avait lancé un coup de fil à Benny Little, guitariste émérite entre autres qualités. Extraits. 

"Désolé, je n'entends pas très bien, je sors d'une séance de répétition avec le band et il y a du bruit à Londres. En plus il pleut, tu vois…". Co–fondateur du groupe, Benny Little possède ce flegme si britton. Il faut s'y faire, ainsi qu'à cet accent hors–norme, aussi rapide qu'un citoyen de la Capitale et couplé à un natif de Kendal. Wild Beasts répond de ce certain exotisme: groupe singulier, qui dure (formé en 2002 sur les bancs d'école) et qui produit vivement depuis son premier fait d'arme, LIMBO PANTO en 2008. Trois album en moins de trois ans, même pas peur: "nous avons fait une longue tournée consécutive à TWO DANCERS, entre 2009 et 2010. SMOTHER aurait pu sortir l'an passé déjà si nous avions pu rejoindre le studio plus rapidement. Et puis, tu passes d'une folie de la tournée au calme du break, il a fallu être efficient et pro actif, ne pas se laisser tomber dans cette routine tournée–break. Au final, on s'en fichait des conseils qu'on nous donnait". Avant l'arrivée en 2005 de Tom Flemming en tant que batteur, le groupe s'appelait alors Fauve. Si le nouveau nom reste bestial, il a pris des allures acérées: "cette référence au mouvement artistique a fini par nous lasser avec le temps. Surtout, Fauve n'était pas aussi cool que Wild Beasts. C'est anglais, lyrique, punchy, spontané et triste en même temps". Il est vrai que Wild Beasts serait un nom tout trouvé à un groupe maniant la violence directe, cheveux longs et grosses bottines. "C'est clair, on n'est pas si sauvages si tu prends la signification première du nom. Mais il y a un rapport d'affection, surprenant aussi". Dans "Bêtes sauvages", il faut y voir une toute autre violence: celle du courage, introvertie, cette recherche du beau, l'audace, et les intentions mélodiques revendiquées. 


Alors, forcément, on ne pouvait éviter le rapprochement avec The Smiths. Avec sa voix haut perchée, rivalisant de falsettos et autres lyrismes luxuriants, Hayden Thorpe n'a pas son pareil dans le monde de la pop, hormis peut–être le fou furieux Spencer Krug, leader génial de Wolf Parade et Sunset Rubdown. Se revendiquer de Steven Morrissey, maître artificier des Smiths, ne se fait pas à la légère, cela se mérite et peut radicalement changer votre destin. "En Angleterre, The Smiths représentent bien plus qu'une influence. C'est un point de départ. Un peu comme Radiohead. Ces groupes ont indiqué la voie à suivre, celle d'une écriture exigeante, de compositions surprenantes et de mélodies éclatantes. Blur est aussi un exemple à suivre, d'autant plus qu'ils sont très drôles. Je les ai toujours adorés". On y vient: Wild Beasts est un groupe à qui on pourrait lancer des fleurs à défauts d'offrandes païennes, un groupe qui devrait déjà figurer sur le trône d'Angleterre si le cruel destin réservé à cette pop intrépide ne reproduisait pas son éternel schéma, celui d'un culte voué par une petite frange d'initiés. Il s'agit ici d'un constat, non d'épate; une plus large diffusion serait profitable à l'ensemble de la population surtout depuis que undeground (relatif) et mainstream s'entrecroisent (lire notre article à ce propos). Nous méritons tous mieux qu'une Lady Gaga alors que l'on cache tous ces trésors émérites. 


"Nous avons adoré enregistrer ce nouvel album, sans sentiment de dur labeur. On y a mis beaucoup de chaleur et de bonnes énergies. A l'époque de TWO DANCERS en 2009, nous ne savions pas encore trop où nous allions. Cette fois–ci, la difficulté était de se dégager de cette pression inhérente aux bonnes critiques du dernier album. Je crois qu'on a réussi, enfin, on n'est pas encore sorti de la machine. Ah, tu me dis que tu l'as écouté vingt fois déjà, alors qu'il ne sort que dans deux mois? Me voilà rassuré, ça ne doit pas être si mauvais que ça (rires). Tu sais, c'est toujours difficile de réécouter ses propres albums a posteriori". Nous avions effectivement bien préparé l'interview, comme il se doit quand on a affaire un un gros calibre. Seulement, SMOTHER a mis du temps à se révéler, alors que son grand–frère TWO DANCERS était vachement plus direct, rempli de tubes immédiats à l'instar de "We Still Got The Taste Dancin' on Our Tongues" ou "All The Kings Men", avec quelques petites baisses de régime ("When I'm Sleepy" ou "Underbelly"), à la limite du hors–champ de l'album. SMOTHER gagne en densité, en profondeur et en finesse. Notre patience n'eut d'égal que notre ravissement au final. Little et Thorpe gardent leur art de l'ouverture, avec "Lion's Share en échos à "The Fun Powder Plot" (précédent LP), les chordes vocales plus que préservées, renforcées. Un petit peu de piano aussi, c'est nouveau. On pense à Editors: Wild Beasts vole au–dessus de la masse New–Wave pour se rapprocher d'un Echo and The Bunnymen moderne, à l'heures des rythmes digitaux. L'électronique est elle sous–jacente, il suffit d'écouter ce sample de fin de titre ouvrant sur "Bed of Nails", morceau brave et luxuriant, valsant sur fond d'arpèges et de rythmes tribaux en second plateau. 


Tom Fleming (basse) prend lui aussi la parole, comme d'habitude, en dompteur de Thorpe l'extatique, notamment sur le très raffiné "Deeper".  "Loop The Loop" vaque dans le même environnement, intime, presque angélique. "Plaything" en appelle aux productions récentes de James Blake. "Si nous sommes avant tout des musiciens, nous considérons l'apport de l'électronique avec beaucoup d'attention. C'est une nouvelle expérience dans notre laboratoire. Mélanger percussions digitales et vrai batteur: en voilà une nouvelle piste pour nous. Malgré tout, nous resterons toujours un vrai groupe, un 4–piece". Et de poursuivre: "James Blake est devenu un artiste majeur, il joue une musique de machine avec une rare candeur". Plus classique, "Albatross" est le premier single de l'album, parfait morceau introductif même si un peu trop prévisible. On lui préférera "Reach a Bit Further", tortueux, chanté à quatre voix, aux multiples textures, réunissant cette douce froideur à la XX et la croisière mélancolique de Beach House, autres groupes majeurs d'une pop alternative. Finir sur "End Come Too Soon" et envisager un final royal sur scène: voilà un bel épilogue sous forme d'espoirs, alors que leur passage à Lausanne en 2009 nous avait laissé sur notre faim. Trop tôt? Avec SMOTHER, le quatuor est prêt pour l'épreuve du live, les morceaux en suffisance, comme des joyeuses munitions, bariolées, à la trajectoire imprévisible. " Nous n'avons jamais voulu être ces quatre types blancs jouant encore et toujours de la guitare. Nous aimerions être ce genre de groupe qui ne devrait pas exister". En précisant particulièrement apprécier le travail de Talk Talk, leur métamorphose graduelle, leur vista imprévisible. Benny Little le concède: il est possible de détester Wild Beasts comme nos ancêtres ont pu haïr Talk Talk. Il est toutefois fort probable que le groupe ne cessent de gagner des intentions de vote, avec un nouveau chapitre trépidant à son carnet de voyage.

27 avr. 2011

TT TRIP: Elita Festival, Milan

Photo: Julien Gremaud

Deuxième chapitre de notre tournée milanaise du mois d'avril. Outre le mobilier et les expos, nous étions accrédités au festival Elita (quel drôle de nom tout de même). Au menu de nos deux soirs de présence: Battles (à moité convaincant), Dan Deacon (incroyable), Gold Panda (peu relevé), Discodeine (vain) ou encore Is Tropical.

Wild in the City prédisait l'affiche. Outre ces noms, présents au Teatro Franco Parenti, étaient annoncés au line–up: le commissaire de la techno Carl Craig, l'institution du hip–hop Grandmaster Flash, le néo–berlinois Seth Troxler du label Souvenir, le David Guetta de la minimale Paul Kalkbrenner,  les français de doP, les anglais de Fujiya And Miyagi, le projet DJ Kicks de Wolf+Lamb avec Soul Clap ou encore les italiens de Ex–Otago dont les locaux ne cessent de nous dire le plus grand bien. Évidemment, de tout cela, on ne pourra rien vous raconter, étant donné qu'on avait déjà assez à faire – et à se ruiner en bières – du côté du théâtre de la via Pier Lombardo. Peut–être aurions–nous dû tenter l'aventure des têtes d'affiches plutôt que de jouer la carte valeurs sûres électro–rock. Vendredi 22h, assez loin du QG du festival, le Franco Parenti. Les apéros se sont prolongés, on s'est bien marré, notamment du côté de l'Office du tourisme norvégien; taxi vite fait, n'empêchant pas l'irréparable. Is Tropical en finit avec son concert, devant une petite assistance. Ces mecs viennent de Bournemouth, côte sud britannique, sont produits par un Klaxons, sont signés chez Kitsuné et remixent Two Doors Cinema Club. Toutefois, quand on écoute le joyeux foutoire "Tan Man", on se prend à rêver d'un groupe fréquentable. Difficile cela dit de juger en un morceau et demi. Mais un constat s'impose rapidement: il va falloir cravacher dur pour apprécier les groupes à leur juste valeur sur ces planches de théâtre. Son désastreux (frontaux, peu enclin à l'amplitude des spectres exigés par la musique électronique, basses inexistantes), scène naine, grosses réverbes, et par dessus le marché des DJ crétins passant de la house au meilleur de sa forme dans le hall d'entrée, autorisant ainsi le pire soit le mélange des genres.


Battles est attendu comme le gros truc de la soirée par des Milanais bon public, enthousiastes et prêt à en découdre avec le trio new–yorkais. Salle comble, grosse pression. Ici et là, on apprend que "Brani dei Battles sono stati usati per il game LittleBigPlanet e nella colonna sonora di Eclipse, l’ultimo capitolo della saga di Twilight". Ah c'est donc cela. "Atlas", tiré de l'album MIRRORED (2007) n'est donc pas le seul argument commercial du groupe. Décidément, l'effet Twilight… Premier constat: Beaucoup de morceaux du nouvel album à paraître, GLOSS DROP, (le 6 juin prochain sur Warp, avant sur Internet), avec pas mal de voix. C'est à dire que Battles ne jouera aucun morceau issu du précédent LP. Ça, on ne le savait pas, il faut le souligner car c'est relativement rare de nos jours. Le Math–Rock du groupe ne passe pas inaperçu, même s'il y a un problème de taille: on n'entend rien, mais alors rien du tout, et pourtant nous sommes bien placés. Le théâtre est totalement inadapté, ici Battles ressemble à Razorlight ou aux Kooks. La puissance sourde du trio est annihilée, comme mise en sourdine par une mauvaise sonorisation ou, pire, un plantage total de l'ingé son, mais comme cela paraît hautement improbable, restons sur cette première et triste impression de foutage de gueule de la part des organisateurs niveau équipement. On aurait préféré deux ou trois têtes d'affiches de moins et un meilleur investissement dans un matériel probablement loué à d'illustres incapables. Dans ce foutoir, seul Dan Deacon s'en sortira, mais gardons le meilleur pour la fin. Battles donc. C'est navrant, mais rien y fait, pas moyen de se concentrer. En plus les Milanais sont relativement sages, le concert aurait vraiment pu se dérouler dans d'excellentes conditions. Enfin, passons… Première partie de concert moyenne: "Africastle", "Sweetie & Shag", "Dominican Fade" ou encore "Wall Street", impression mitigée forcément biaisée par le son.  Cela dit, seconde partie nettement supérieure, avec plus d'envergure jusqu'à ce final complétement fou ("Sundome" (Featuring Yamantaka Eye, à paraître avec le nouvel album), partant en échos pour imploser en une kermesse électronique. Mon meilleur rappel de l'année, pour l'instant. On retient aussi ce morceau avec Matias Aguayo – il est partout le salaud – "Ice Cream", titre qui devrait rencontrer un franc succès. Le nouveau Battles est donc plus centré sur les voix – à regretter toutefois ce curieux et très laid dispositif composé de deux projecteurs avec des énormes talking heads représentant les artistes invités sur le GLOSS DROP. A posteriori, avec un peu de recul, on aura tout de même assisté à un très bon concert.


Le lendemain, on aborde un gros programme avec une affiche audacieuse que n'aurait pas renié certains festivals typés indé. Avec une surprise: quand on voit Gold Panda ouvrir la soirée, on croit voir le monde à l'envers, à s'imaginer que l'artiste électro représentait plus une tête d'affiche qu'une simple première partie. On aura tout faux, car Dan Deacon fut invraisemblable et parfaitement à sa place en fin de soirée. Mais gardons le meilleur pour la fin (re). Le fameux "You" pour ouvrir le bal puis "Snow & Taxis", "Marriage", génial, ou encore "Vanilla Minus" voyant ce londonien anciennement résident japonais (une influence majeure dans son album LUCKY SHINER sorti chez Ghostly International) s'adonner à une drôle de danse céphalique, proche de celle jadis célèbre de Flat Eric, mascotte et fond de commerce de Mr. Oizo. La nuit n'ayant aidé ni nos facultés auditives ni celles du soundsystem milanais, on se retrouve encore une fois navré devant la médiocre amplitude du son. Ici, Gold Panda semble livrer un singulier showcase et non un vrai concert. Dommage, encore une fois. A la suite, mais vraiment à la suite, le duo parisien Discodeine entre sur scène avec d'autres dispositions. Et des enceintes supplémentaires, appliquant avec merveille le bon plan de leurs compatriotes de Justice. Des enceintes frontales, oui! Ouverture avec "Singular", titre en collaboration avec… Matias Aguayo. On attend beaucoup du duo, l'album éponyme nous ayant ravi. Une version club du titre, quelques tracks moins accessibles comme "Antiphonie" ou "Relaps", ayant du mal à passer la rampe version théâtre. A écouter en espace approprié pour véritablement juger. Arrive, après une très longue intro, "Synchronize" morceau chanté sur l'album par… non pas Aguayo, Jarvis Cocker, ici servi en dessert bariolé, power house, faisant se lever les milanais comme après un but contre la Juventus. Si si, première escarmouche et premiers pas de danse pour le public. Pas vraiment le temps de souffler que, une fois le concert dignement bouclé, de la italian electro sort des enceintes visiblement plus musclées du hall d'entrée, où de rigolos clubbers s'agittent, entre canapés, bars Nastro Azzuro–cocktails et guichet d'accréditations. Il faut le voir pour le croire, c'est vraiment le bordel et on n'ose imaginer pareille disposition en Suisse ou en Allemagne, ce serait un scandale assuré – relevons pour terminer que la musique transperçait les maigres portes séparant ce hall disco de la salle, ce même pendant les concerts, payant faut–il le rappeler. Pas le temps de choper une bière que Dan Deacon lance son bal des réjouissances.



Dan Deacon a sorti un très bon album en 2009 intitulé BROMST, (chez Carpark) où, outre le tube électro–hippie Build Voice ayant fait fureur, on y retrouvait dans le booklet une photographie d'illuminés effectuant une arche que n'importe quelle mariée envierait. En vis–à–vis y figurait une image du Deacon entouré des siens, dans une version bigarrée. Pas mal de références religieuses et cela, Think Tank l'avait déjà vérifié une semaine auparavant au festival Super Mon Amour à Paris, je cite: "concours de danse, tout-le-monde-se-met-à-genoux-et-montre-du-doigt-ceux-restés-debout, on se met en cercle et tout le monde doit imiter un danseur, etc". Là où le public Parisien s'était montré moyennement enthousiaste à l'idée de se taper sur les cuisses et de froisser ses habits, les Milanais n'ont pas hésité une seule seconde (même nos amis suisses s'y sont mis, c'est dire). A vérifier sur la photo ci–dessus. Epique et drôle, sur fond de "Red F", sorte de happy hardcore, intelligent, foutraque, jovial. Comme à Paris malgré tout, il y a des problèmes de sons (non?), en partie résolus par la colonne d'enceintes trônant fièrement sur scène, soit au–dessus du performer de Baltimore. Son future shock (nom donné à sa musique, sorte de Animal Collective sous acide ou de Buvette sous amphétamines), nous fait toutefois oublier les déceptions vécues tout au long du week–end. C'est le Bronx à Milan, finalement on se fichera éperdument de cette apparente saturation durant 90 minutes de concerts – au gré de deux courts repos obligatoires dans pareille situation – et on se réjouira d'avoir pu entendu certaines nouvelles compositions à paraître espérons–le sur un éventuel futur album. Ensuite? Distraction dans une piscine vidée et désaffectée, avec pour BO du rap italien antifa ou grindcore, c'est selon, mais c'était très drôle. Wild in the City: on y était presque, enfin pas du tout. Mais on y a cru, c'est l'essentiel.

24 avr. 2011

KINO KLUB: Wild Beasts – Albatross



SMOTHER, le troisième album des britanniques Wild Beasts, sera disponible dans moins de trois semaines. Au sein de Think Tank, nous avons dû nous armer de patience: ce génial 10–titre tourne sur notre platine depuis des semaines, nous avons eu le guitariste Ben Little au téléphone récemment, et enfin le premier titre issu de SMOTHER, "Albatross" vient d'être clippé par Dave Ma, de Pulse Films. Le quatuor se bonifie avec les années et prend le risque de ne pas répéter un TWO DANCERS, aussi bon qu'il fusse. Moins de tubes mais un savoir faire toujours aussi probant. Chronique et interview à paraître la semaine prochaine.

23 avr. 2011

MUSIK TANK: Musique tamoule

Illustration: Pierre Girardin
Voilà qu’un petit label français, Cartilage Consortium, dégaine PLAY THAT BEAT MR RAJA, une sélection de chansons issues de l’industrie cinématographique tamoule entre 1985 et 1991, ce monde magique où toutes les filles sont jolies et tous les hommes ont des moustaches. Onze titres qui semblent presque faux tant ils sont géniaux, bizarres, improbables, et qui nous font nous demander comment un compositeur aussi génial que Illaiyaraaja peut être aussi méconnu en dehors de l’Inde.

A vrai dire, ca faisait un moment que j’attendais ce vinyle. Deux chansons avaient percé en 2010, et c’est sans hésiter que j’en avais mis une, "Vikram Vikram", au sommet de mon top chansons de l’année. Mais voilà suite à des « plantages dans la presse », le LP a pris du retard et est enfin distribué via Honest Jon’s Record. A l’instar du travail grandiose que fait Sublime Frequencies aux Etats-Unis, c’est un petit label occidental, basé cette fois à Paris, qui s’occupe du travail de sélection et de diffusion de chansons que nos oreilles n’auraient pas pu connaitre autrement. On n’en serait mort plus pauvre. Ce label, c’est Cartilage Consortium, qui avec PLAY THAT BEAT MR RAJA sort son troisième LP et qui s’occupe aussi d’un blog défrichant dans les terres incongrues des différents continents, avec des groupes français, italiens ou tropicaux. Au début, je pensais les contacter pour savoir comment ils avaient fait cette compilation, où ils avaient trouvé les titres et s’ils étaient des connaisseurs de culture tamoule en générale. Mais au fond, ce n’est pas vraiment cela qui est important. Au contraire, ce qui fait le délice d’une telle compilation, c’est justement son côté trésor découvert presque par hasard. Au fond, on ne sait pas grand chose de cette musique qui semble sortie de nulle part, les quelques présentations de la pochette suffisant pour l’écoute. Au final, ça me va très bien de garder le caractère mystérieux de cette présence de musique tamoule dans ma boîte aux lettres par l’intermédiaire d’un label.


Tout dans PLAY THAT BEAT MR RAJA fascine. C’est étrangement génial et génial d’étrangeté. Tous les sons semblent incongrus, fous. Ca donne même envie de voir les films. Ces titres délurés finissent parfois à ressembler à de l’hyper pop incroyable, sorte de mélange improbable et bizarre des grands maitres de la pop sci fi ou absurde, de Giorgio Moroder à Frank Zappa en passant par Space. Sur les onze chansons, huit sont composées par Illaiyaraaja. On ne peut que s’incliner face à ce génie mélodique et expérimental, totalement exubérant. L’instrumental "Title Music" est une fanfare délirante, "Vikram Vikram" un Michael Jackson sous acide frelaté. Véritable touche à tout, ses chansons explorent l’ensemble des possibles musicales, traversant le cabaret, la musique électronique, le funk, la pop, dans la passion de renouveler la musique par tous les moyens disponibles ou à inventer, que ce soit sur des thèmes musicaux jouissifs ou des chansons pop efficaces. Une chose qui m’émeut dans la musique indienne et tamoule, c’est la force émotionnelle des duo masculin/féminin, une bande son kitch de l’amour mais exécuté avec une foi dans son caractère absolu qui fend le coeur. Dans ce registre, "Thakkum Thalaangu Thattom", "Puthiya Utagille" et surtout "Chittu Kuruvi" font office de brise glace, mon cœur fond. A part Illaiyaraaja, notons aussi l’excellente "Cola Cola Coca Cola", avec une voix féminine, délice psychédélique où la partie instrumentale balance entre amateurisme et grandiloquence. A écouter en secouant la tête sur ses rollers.


Pour finir cet article, j’aimerai dire quelques mots du sort qui est réservé aux Tamouls dans certaines parties du monde. Rappelons que ce groupe ethnique, présent surtout en Inde et au Sri Lanka, est souvent réprimé et ses membres font partis des populations les plus pauvres et les plus exploitées. Au Sri Lanka, on compte ainsi 1'000 meurtres pour la seule année 1983 selon SOS Racisme. Les Tamouls se réfugient alors dans le nord du pays et les Tigres de Libération de l’Îlam Tamoul (LTTE), groupe armé révolutionnaire d’influence marxiste, prend le contrôle de la région de Jaffna et exige l’autonomie du peuple tamoul. Après 26 ans de dures et héroïques années de résistance marquées par les assauts incessants du gouvernement raciste cinghalais, en 2009, l’armée défait les LTTE dans toutes leurs villes et les pousse à la reddition, tuant dans le même temps plusieurs dizaines de milliers de civils tamouls. Ces massacres se sont passés il y a seulement deux ans. Ils ont été peu reportés dans la presse occidentale et semblent déjà oubliés. Cette compilation est un prétexte de dénoncer une fois de plus cette injustice et ces crimes et comme le rappelle le tigre sur la pochette de PLAY THAT BEAT MR RAJA : vive les tigres de libération de l’Îlam Tamoul.


22 avr. 2011

TANKART: Tony Oursler à Milan

Illustration: Artificial Hazard, Tony Oursler, 2010


Deuxième escapade à Milan pour le grupetto Think Tank, ciblée cette fois–ci Foire du Meuble (ou Semaine du design selon les traducteurs), festival électro–rock Elita, puis quelques galeries et musées, dont le Padiglione d'Arte Contemporana qui présentait une large rétrospective de l'art vidéo biscornu de l'Américain Tony Oursler. 

Milan n'est plus Milan lors de la Semaine du design nous dit–on. C'est en partie vrai: c'est très international, on s'amuse à croiser des têtes connues, à déambuler dans des showrooms aussi fantaisistes qu'épatants, on visite les stands d'écoles d'art allemandes, néerlandaises ou suisses (à noter l'excellente présence de la HEAD de Genève, avec un projet supervisé par Matali Crasset, fort remarqué et confirmant le retour en force de cette institution du bout du lac, alors que d'autres se ghettoïsent dans le quartier chic par trop d'arrivisme), mais une chose reste. On apprend à connaître cette ville avant tout par ses terrasses, ses petits apéros bienvenus, sa bonne ambiance, enfin l'Italie quoi. Notre fidèle guide locale Natalie nous a proposé cette fois–ci une exposition de haut–vol: l'artiste new–yorkais Tony Oursler (1957), au Pavillon d'Art Contemporain, le PAC, sous le nom Open Obscura, curaté par Gianni Mercurio (deux belles monographies sur David LaChapelle et Keith Haring notamment) et le critique d'art Demetrio Paparoni. «De même que la technique du collage a évincé la peinture à l'huile, ainsi le tube cathodique remplacera la toile». Fort de ce constat signé Nam June Paik, Tony Oursler s'ancre dans ce concept a priori abstrait d'installation vidéo, où l'image se maque à la forme, à l'objet, des poupées sculptées ici. Bien des situations rappellent des scénographies de théâtre ou de cinéma dans lesquelles des hommes opressés, dérangés, marginaux, s'expriment sur leur destin*.

Au PAC, Tony Oursler exposait une série d'installations de ces dix dernières années, tout comme ses projets musicaux et liés à Internet. Première pièce et premier fait d'importance: "Untitled", réalisé en 2010. Une sculpture hybride, en matériaux de récupération, des bijoux fait de bric et de broc qui y pendent ainsi que des petites fenêtres à projection, où la vidéo se perd, y effectue des applats multicolores. A droite, un billet de 5 Dollars américain avec un Abraham Lincoln bavard ou encore des tickets de lotto à gratter, à gauche des cigarettes se consumant (Marlboro, Camel, Winston, Parliament, Salem, Marlboro Light, American Spirit), pièce de 2009, puis l'ouverture dans le grand espace du PAC, avec le grand–œuvre de Oursler: Open Obscura donc, reprenant ce concept de vidéo installation pour le pousser à l'extrême dans une focalisation sur l'œil, un œil ici aussi bavard, dérangeant, barré que forcément fascinant. Des yeux, il y en a ici une dizaine, ça fout les jetons dans ce brouhaha surnaturel. Il y a du Big Brother, mais aussi du Otto Dix (Les Joueurs de Cartes), du Freud, du Gary Hill ou encore du Kubrick. En voisinage direct, Pet Series ne manque pas d'arguments. Rarement la frontière entre représenté et spectateur n'a été si étroite. Plus qu'un Jeff Koons, on a envie de toucher ces petits bonshommes psychédéliques, comme un bon trip au LSD que seul Radius apaisera. Une ampoule, un bruit sous–jacent. On pense ici à l'exposition de Simon Depierraz au CAN à Neuchâtel où il avait créé une pièce entière appelée StardustHotel N°2, en miroirs cassés, Mag–Lite et boule à facette. Tony Oursler laisse aussi respirer et c'est tant mieux, nous voici presque dans un étrange film, acteur et spectateur en même temps, amusé devant ces grandes pièces fixes sur lequel s'animent des images, ces animations fantomatiques, cette joyeuse confusion portant le nom de Extrude Lock (2011) magnifiée par le sens du détail et de la citation de Oursler. On fut cependant stupéfait devant la série de petites installations Peaks (2010), proche de la perfection, avec ces mini–beamers astucieusement disposés sur des tiges de métal face à des petites scénettes. Complétement dément. Un théâtre miniature à l'ancienne, comme ces boîtes à musique qu'on remontait inlassablement, une salle d'opération miniature, psychanalyse ou, du moins, une légère descente dans la psyché humaine; comme ça donne vachement moins en photo, allez jeter un coup d'œil au site de Tony Oursler, bien documenté et alimenté en vidéos. Peak parle de cette obsession de la technologie, son fétichisme, son isolation conséquente; librement inspirée des théories de Masahiro Mori sur la robotique, Tony Oursler semble parti dans une nouvelle exploration des tréfonds de notre âme version Internet, où, si tout est plus rapide, l'accumulation rend l'analyse d'autant plus difficile. Et l'œuvre plus fascinante.


Open Obscura propose finalement de redécouvrir une série de clips désaxés tournés par Oursler: "Empty" pour David Bowie (2000), "Master Mix" pour Beck (1998) mais aussi des séquences pour et avec la fine équipe de Sonic Youth, toujours dans les bons coups, avec Kim Gordon sur "Singing Dummy" (1995) et "Tunic" (1990) ou "Solo" (2005) avec Thurston Moore. La meilleure façon de prendre congé d'une exposition dont on a autant à apprendre qu'à fantasmer, dans un délire Pop Art, muti–référencé mais sacrément osé et irrévérencieux, à la limite du kitsch pour mieux s'assumer en tant que pièces singulières, sans queue mais avec une tête et de gros yeux. Et aux manettes du projet, une tête bien faite, celle de Tony Oursler, qui a l'âge de nos parents mais démontre par A+B qu'on peut être un vieux limier artistique et encore avoir le cœur et l'envie d'un gamin de 20 ans. 
* tiré d'un ouvrage introductif que l'on recommande: Art Vidéo, Sylvia Martin, Editions Taschen, Cologne, 2006




TT Trip : tankart à la capitale

Illustration: "Edible Artificial Girls (Mi-Mi Chan)" de Makoto AIda
Entre les concerts, il y a des journées. Et dans ces journées, il y a des musées. Deux expositions donnent deux métaphores de l’artiste : un cochon pour l’exposition Tous Cannibales à la Maison Rouge, un caniche pour le trio General Idea au musée d’art moderne.

Peu en forme après une nuit agitée, le choix de pénétrer dans l’exposition Tous cannibales, c’est un peu comme le kebab. Soit ca te sauve de ta gueule de bois, soit ca casse. Souvent conquis par l’originalité des expositions présentées à la Maison Rouge (je pense notamment à Warhol TV en 2009), j’étais sur que c’était la première option qui serait de mise. C’est donc parti pour une exposition sur le cannibalisme dans l’art, presque exclusivement contemporain, seules quelques gravures de Goya et d’autres du XVème siècle sortant du XXème siècle. Tout commence avec un tapis rouge, tapisserie réalisée à partir de charcuterie par Wim Delvoye, artiste chez qui la figure du cochon est associée à celle de l’homme, les deux partageant la même chair. Chair ! On touche là à la véritable question du cannibalisme : l’appréhension violente par l’homme de sa propre chair. On ne peut faire mieux ici que de citer Jacques Lacan : « Il y a une horrible découverte, celle de la chair qu’on ne voit jamais, le fond des choses, l’envers de la face, du visage, les secreta par excellence, la chair dont tout sort, au plus profond même du mystère, la chair en tant qu’elle est souffrante, qu’elle est informe, que sa forme par soi-même est quelque chose qui provoque l’angoisse. Vision d’angoisse, dernière révélation du Tu es ceci. » L’exposition de la Maison Rouge réussit à faire exploser la chair et à en explorer toutes les dimensions, dans des créations parfois très dures, parfois drôles, presque toujours fascinantes. Que ce soit l’horreur délicate de parties du corps transformées en gâteau de Phillipe Mayaux ou de mets comestibles à l’apparence de femmes de Makoto Aida, la souffrance affreuse du sang et des organes qui transpercent le sol chez Adriana Varejo, la cruauté terrible des toiles de Jerôme Zonder, l’horreur cauchemardesque du corps pétrifié ou pourrissant ou encore la magie associée au cannibalisme, tout y passe. Face à tant d’œuvres autour d’un thème aussi dur, on ressort retourné et un peu dégouté mais franchement subjugué. L’exploration des mystères de notre propre matérialité ne se fait pas sans quelques haut-le-cœur.


On change de registre avec General Idea au musée d’art moderne de la ville de Paris. Derrière ce nom de collectif, il s’agit en fait d’un trio d’artistes canadiens fondé en 1969. Ce qui impressionne dans cette exposition, c’est la capacité qu’a eu le trio de développer tout le long de leur travail une œuvre cohérente travaillant autour de différents thèmes, avec au premier plan celui du glamour. Celui-ci s’incarne à travers la figure du caniche, lui-même allégorie de l’artiste. Vous l’aurez compris, avec General Idea, on ne se situe pas tout à fait au niveau du premier degré. Le glamour est en même temps utilisé pour ce qu’il a de jouissif, de beau mais aussi dans ce qu’il a de ridicule. Ce détournement d’un univers pour en faire ressortir les côtés risibles, les gars de General Idea le font comme il faut, c’est-à-dire en mêlant plaisir performatif et sérieux de la posture et du discours. Dans toutes leurs œuvres, on retrouve les mêmes slogans et une forme de discipline de pensée autour des thèmes, comme l’art, la communication de masse ou encore la sexualité. Et à chaque fois, ces mêmes œuvres font hyper plaisir : organisation d’un concours de Miss General Idea, invention d’un Pavillon Miss General Idea qui n’a jamais existé mais dont des faux vestiges seront créés, avec comme emblèmes des caniches et des verres à cocktail. Si certaines œuvres ont un peu vieillies, on est étonné par la capacité de la plupart à fonctionner encore aujourd’hui. Par exemple, la conception d’une boutique du Pavillon de Miss General Idea présente différents objets manufacturés par le trio, qu’un public fictif pourrait acheter pour un prix modique. Ce thème paraît même en avance sur son temps, tant aujourd’hui il n’existe presque plus de musée où on ne puisse (doive) pas se procurer je ne sais quelle carte postale, miniature ou sac pour être bien sûr d’avoir un souvenir matériel de l’investissement culturel qu’on a fait en allant visiter une exposition. General Idea excelle dans l’art du détournement subversif. Ceci se vérifiera dans une œuvre puissante et plus tardive du trio. Alors que deux de ses membres sont atteints du Sida dont ils mourront quelques années plus tard, ils ont l’idée de détourner la forme d’une image pop, le LOVE de Robert Indiana, pour la réécrire en AIDS. Le trio utilise ainsi la puissance d’une forme connue et appréciée pour opérer un rapprochement entre les mots aids et love. A un moment où le sida est encore perçu de manière très négative et homophobe, ils opèrent une repositivation de la maladie en l’associant à l’amour et surtout en montrant que le sida n’est rien d’autre qu’un fruit noir de l’amour.

L’exposition Tous Cannibales dure jusqu’au 15 mai 2011, General Idea jusqu’au 30 avril.

21 avr. 2011

KINO KLUB: BUVETTE – INNER WARS (CH)



Une demi–année après la sortie de son premier LP, HOUSES AND THE VOICES (chroniqué par nos soins à l'époque), Buvette tient son rythme infernal fait de promo de son label, Rowboat, d'élaboration de la cinquième compilation de ce dernier, de concerts et d'escapades en montagne pour enregistrer, encore et toujours, de micro–tubes. Ici, voici moins une chronique litigieuse qu'une ode à la fonte de la glace, pulvérisée ici à coup de pixels. Buvette goes techno? Think Tank applaudit de nos huit mains!

Musik Tank : DEERHOOF VS. EVIL

Photo: Ryan Slack / TT
Comme souvent dans notre petit pays, les meilleurs évènements ont lieu en même temps. Ce week-end, alors que Electron va faire danser une « horde sauvage » sur Genève, l’Impetus Festival se déplace à Lausanne et propose quelques noms très intéressants avec notamment un groupe que la petite équipe de TT vous déconseille fortement de rater : Deerhoof. Un groupe si unique et particulier qu’ils auraient d'ailleurs très bien pu être programmé à Electron. Mais c'est le Romandie qui a la chance de les accueillir ce samedi (23 avril) et le détour pour découvrir leur dernier album en vaudra à coup sûr la chandelle.

Deerhoof contre le Mal. C’est le titre de ce qui devrait à peu près être le 11e album du groupe après une existence d’une bonne grosse douzaine d’années. Et oui, Deerhoof n’est pas né de la dernière pluie et ce groupe de San Francisco après avoir ouvert autant pour Malkmus, Sonic Youth et Radiohead, en a chié dur pour en arriver jusqu’ici. Il faut dire aussi qu’ils n’ont pas choisi la voie de la facilité à en voir les membres du groupe qui ressemblent à une bande de doctorants universitaires trop intelligents pour passer dans la vie active. Et la comparaison n’est pas poussée puisqu’il s’agit justement d’étudiants en composition à l’Oberlin Conservatory of Music. De la formation initiale, il ne reste plus que Greg Saunier. On peut dire aussi que John Dieterich fait partie des meubles puisqu’il a rejoint le groupe en 2002, lorsque sort Reveille le premier album réussi du groupe. Donc ces mecs, trop concentrés sur leurs instruments, leurs effets et la structure de leur chanson, se sont mis à réfléchir (longuement avec des dictionnaires antiques et des traités de mathématique) pour se dire qu’il leur fallait une belle gueule pour porter leur séminaire sur scène. Ils ont alors dégoté une charmante japonaise fraîchement débarquée de Tokyo à San Francisco pour étudier le cinéma. De l’étude, des cordes, un batteur génial (qui a probablement le jeu de batterie le plus intéressant du XXI siècle), du café, des graines, des répétitions et un zeste de Japon ; mélangez le tout et vous obtenez Deerhoof.

Donc, Deerhoof se bat contre le Mal. Faut-il vraiment essayer de comprendre ? Parce quand on observe la pochette, on a pas envie de fouiller plus loin tant elle ressemble à un groupe qui essaye de reprendre les thèmes musicaux des plus mauvais films de vampires des années 80. La galette, par contre, c’est autre chose. Comment ne pas dire qu’il y a de l’inventivité ? Comment ne pas dire « Ah super ce passage là quand ils font ce truc bizarre » ? Comment ne pas taper du pied sur « The Merry Barracks » ? Comment ne pas sourire pendant le superbe « No One Asked to Dance » ? Chanson sur laquelle il est impossible de danser. Par contre, volontiers que j’irai me déhancher sur « Super Duper Rescue Heads ! » : on se croirait lancé au beau milieu d’un Tokyo déjanté et surréel. « Let’s Dance the Jet » nous confirme la volonté première des lutins. Car finalement, si Deerhoof est fabriqué par des intellos de la musique, leur seul but semble bien simple et universel : faire danser, encore et toujours. Et une fois de plus, après les étonnants THE RUNNERS FOU (2005) ou OFFEND MAGGIE (2008), Deerhoof nous embarque dans une univers de rébellion, perturbant et féerique, dans lequel il faut « casser les fenêtres » et voir « la lune s’évader dans l’ombre ». L'ensemble est parfaitement harmonisé et n'importe quels sons ressort avec une justesse et une délicatesse surprenante. Le son général du disque est vraiment bluffant et Dieu sait que ça ne doit pas être facile de produire ce grand bordel symphonique !

Il semble donc bien qu'on tienne entre les mains un majestueux bric-à-brac scintillant qui paraît compliqué mais qui se focalise à simplement plaire et amuser. Impossible à aimer à sa première écoute, DEERHOOF VS EVIL est un album étonnant et imposant, qui s’affirme au fil des écoutes entre guitares flamenco, wah-wah, en japonais ou catalan avec refrains bucoliques (« I Did Crimes For You ») et surprises pop détraquées : « Secret Mobilization », « Hey I Can ». En fait, ce disque est à l’image de sa pochette : ça a l’air immonde, mais quand on l’ouvre, c’est beau. Très beau. Dansant, intelligent et puissant. Et en plus, il paraît qu'en concert, c'est complètement fou. Alors à samedi !


19 avr. 2011

KINO KLUB: LOWER DENS / SUPER MON AMOUR (FRA)



"Des concerts, des spectacles vivants, on vous les apporte sur un plateau en live". Dans le cadre de son programme très poussé de streaming, la chaîne franco–alllemande Arte a la bonne idée de retransmettre en direct certains des très bons concerts de l'année. Ainsi, pour compléter notre article sur le festival Super mon Amour à la Gaîté Lyrique, voici le concert de Lower Dens. Sous ce lien, vous trouverez aussi le concert de Deerhunter qui n'avait pas complétement convaincu notre reporter.

15 avr. 2011

TT TRIP: LA JAVA

Illustration: Pierre Girardin
Chronique d’un dimanche soir à Paris. Deux concerts géniaux, Mi Ami et Dona Donze. Des looks. Quarante personnes dans la jolie salle de la Java. Y avait même Pedro Winter !

Il fait beau et chaud à Belleville ce dimanche 10 avril, les terrasses te font de l’œil mais on ne regrette pas un instant de descendre dans la Java. Après avoir passé une cour intérieure des plus charmantes, tu descends les escaliers à vitraux pour finalement entrer dans la salle décorée de peinture de vues de Paris et de bancs ensoleillés. Y a pas grand monde mais ceux qui sont là, au maximum une quarantaine de personnes, sont super contents. Derrière la scène, les vidéos habituelles flashent, genre pixellisation d’un chien qui court, manga porno et autres chats qui ouvrent la bouche. La musique est irréprochable. Bref c’est assez le love. Quand Dona Donze entrent en piste, difficile de savoir quoi penser et à quoi à s’attendre. Les deux filles de Los Angeles se sont fait des looks : maquillages, collants dorés et paillettes partout. Loin du truc branché avec un beat facile qu’on pouvait craindre, on est vite séduit par le groupe. Tout semble hyper naïf. On a l’impression de voir deux copines, un peu folles il est vrai, qui dansent dans leur chambre. Les chorégraphies sont toutes imprécises et drôles, les filles se mettent de déguisements entre les chansons. Trop bien ! On se sent comme dans un film où soudain un duo absurde et sexy viendrait interpréter différentes chansons. Mais là, c’est en vrai et en plus ça paraît tout à fait sincère. Les chansons oscillent entre comptines, pop paillette à la Michael Jackson et ballades tropicales, sorte de bande-son rêvée du film érotique parfait. Bon quand les chanteuses viennent dans le public pour le final, tout le monde a assez peur. Le vinyle est lui aussi couleur paillette.


Après cette féérie absurde et une introduction bizarre (un mec torse nu qui crie « you are fucking animals »), arrivent enfin Mi Ami. Désormais un duo, suite au départ du batteur, il est clair que leur son allait vraiment être différent de ceux de leurs précédents concerts et que la setlist allait en gros se limiter aux titres de leur dernier et excellent EP, DOLPHINS. Ca commence fort avec un « Hard Up » monstrueux, les beats tabassent, les cris du chanteur passent par la reverve et les sons déstructurés dessinent des plages complexes et psychédéliques aux milieux des chansons incroyables. Quelque chose comme la musique idéale d’une fête underground. C’est dansant, déconstruit, fou, en un mot grandiose. Que dire sinon que toutes les chansons étaient aussi démentes les unes que les autres, « Dolphins », « Echo », « Sunrise » et une nouvelle au rythme groovy. Le public, aidé aussi un peu par la MDMA, entre en transe. Ça se déhanche de tous les côtés. Les quelques doutes qui restaient au moment de l’écoute de l’EP sont bel et bien envolés. La transformation électro de Mi Ami est parfaitement réussie et cela fait bien longtemps que je n’avais pas entendu un concert avec une telle intensité, une telle puissance et en même temps un tel degré de déstructuration sonore. Merci Mi Ami et merci la Java !

13 avr. 2011

TT Trip : super mon amour

Illustration: Lucie Sgalmuzzo
Du 6 au 10 avril se déroulait le festival SUPER MON AMOUR à la Gaîté lyrique de Paris. Si on n’a pas pu y aller tous les soirs, on vous raconte comment c’était beau jeudi et samedi. Au programme: Dan Deacon, Deerhunter, Baths, quelques belles découvertes et le fantôme de Jamie XX.

Il est 19h, il fait chaud, le square est charmant et les canettes Heineken rafraichissantes. De devoir se diriger vers la salle de concert semble déjà bizarre. Cette impression ne va faire que se renforcer une fois les portes de la Gaîté lyrique passées. Cet ancien théâtre, après avoir été occupé par un parc d’attraction Inspecteur Gadget, qui n’a pas marché (mais pourquoi ?, ça avait l’air super), a été presque entièrement rénové. Tout est hyper propre, les murs imitent l’alu, des structures cubiques servent de sièges, et la boite qui accueille les concerts est hyper insonorisée. La première impression est un peu froide, on se croit plus dans un vernissage que dans une salle de concert. Mais d’un autre côté, on n’est pas mécontent de se retrouver dans un endroit hyper beau, où tout est en place pour qu’on puisse allégrement ronronner. Le bar est dans une salle d’époque magnifique avec portrait de Molière, dorures, colonnes, et donne sur le parc sur lequel scintillent les néons du Little Palace Hôtel. Ouah ! Tout est si beau qu’on se laisse même tenter par un hot dog végétarien, où une carotte cuite a remplacé la saucisse. Voilà le décor posé, entrons maintenant dans la programmation très réussie du festival SUPER MON AMOUR.


Jeudi : Duth Uncles, Baths, Factory Floor et Dan Deacon
. La session chips et bières dans le parc ayant été difficile à arrêter trop tôt, on a raté tout le début du concert de Duth Uncles mais, à vrai dire, les dernières chansons ne nous ont pas vraiment convaincu, du pop rock de facture assez habituelle. Après c’est au tour de Baths d’entrer sur scène avec peut-être le meilleur set de tout le festival. Le petit joufflu de Los Angeles se la donne sur sa console avec une énergie folle. Alors que trop souvent, les musiciens électro adoptent une pause froide et désintéressée, là c’est tout le contraire et ça fait franchement du bien. Baths fait se trémousser le public avec une chillwave sous perfusion dancefloor. S’il avait été moins tôt, c’est clair que ça aurait dansé du tonnerre. Mais en même temps, les plages sonores fines s’accordent parfaitement avec ce début de printemps et s’annoncent comme la musique parfaite pour la prochaine beach ou lake party. On pense à Passion Pit, période CHUNK OF CHANGE EP, une électro fraiche et agréable. Suivent Factory Floor. S’ils sont anglais, leur son est vachement allemand, avec des moments répétitifs très kraut mais aussi des beats qui font penser à D.A.F.. Bref, c’est du bon mais le contraste avec Baths est violent, les mecs de Factory Floor sont concentrés, ont le regard fixé sur leurs instruments. Le dernier concert de jeudi est assuré par le très attendu Dan Deacon. Malgré un précédent album réussi, BROMST, le mec de Baltimore a encore fait peu de dates en Europe. Après l’avoir vu à Los Angeles il y a deux ans, on se demandait comme le public parisien, moins propice à la participation enthousiaste que les Californiens, allait réagir à toute la partie « entertainment » du set de Dan Deacon. En effet, il faut savoir que celui-ci a décidé de garder dans ses concerts un esprit fête sauvage et ludique. Ses machines ne sont pas sur la scène mais au niveau du public, il joue sur trois colonnes saturées et le set est composé de plusieurs petits jeux : concours de danse, tout-le-monde-se-met-à-genoux-et-montre-du-doigt-ceux-restés-debout, on se met en cercle et tout le monde doit imiter un danseur, etc. Si c’est vrai que c’est cool d’injecter une dynamique aux concerts, que les gens qui participent sont contents, il faut avouer que ce dispositif a aussi ses limites. Déjà le public parisien réagit moyennement (la règle 1 vs 1 du concours de danse aura tenu moins de trente secondes), mais aussi le tout a un côté entre la secte et le club med (c’est la même chose, me glisse-t-on) qui nous ennuie rapidement surtout, quand le côté spontané se trouve être une mise en scène répétée à chaque fois de manière identique. Mais surtout le plus gros point noir de ce concert, c’est le son. C’est bien joli de jouer sur trois colonnes comme dans un garage, mais le rendu dans une grande salle est juste horrible. La saturation fait perdre à la musique son énergie et tout se fond dans une bouillie sonore. D’ailleurs quand Dan Deacon nous dira après le concert avoir joué 4 nouveaux titres, on doit bien avouer ne pas les avoir tous remarqués. Bon à part ça, le concert était quand même bien, vraiment sauvage à des moments, les premiers rangs suaient et les chansons plus lentes du set, surtout "Snookered", très réussies.


Samedi(I) : Gallops, Nelson, Lower Dens et Deerhunter. C’est reparti. Pour bien débuter la soirée, la bonne surprise du festival : Gallops. Si au début on a un peu peur d’être devant des sortes d’Arctic Monkeys essayant de jouer du Battles, on est très vite détrompé. Ça envoie, le son est à la fois intelligent et puissant, surtout grâce au batteur. Ce dernier balance à fond, on a l’impression que c’est lui qui a perverti les autres mecs du groupe pour diriger leur son de synthé et guitare sur un chemin plus hard rock. Après un set aussi cool et méchant, on se disait que ce serait dur pour le second groupe. Ce fut pire que ça. Il suffira de deux mots pour décrire la prestation des Français de Nelson: tout mou. Histoire de relever le niveau, Lower Dens, qui font la première partie de Deerhunter sur leur tournée européenne, entrent en scène. Pas grand chose à redire à ces chansons portées par la voix assez Cat Power de la chanteuse et des mélodies superbes. Parfait pour se préparer à l’arrivée de Deerhunter. Comme il semble loin le temps des concerts où le groupe était fâché (remember Pully For Noise 2009) ou timide, et le chanteur Bradford Cox, torturé. Le groupe sonne maintenant beaucoup plus rock. Les chansons de l’album sont toutes reboostées et la voix se fait volontiers cri, d’inspiration quasi grunge. Il faut bien l’avouer, ça chie pas mal et on ne compte plus les chansons monstrueuses du concert : "Helicopter", "Don’t cry", "Desire Lines". Mais il n’empêche que le dernier album du groupe, HALCYON DIGEST, nous a beaucoup moins convaincu que les précédents opus du groupe. Et on continue de penser que les meilleures titres de ce concert restent ceux issus de RAINWATTER CASSETTE EXCHANGE et MICROCASTLE : "Agoraphobia", "Rainwatter Cassette Exchange", "Little Kids" et surtout "Nothing Ever Happened". Bref, un concert super mais un peu trop propre et trop rock, le son de basse faisant presque penser parfois au dernier Strokes. On regrette la période plus expérimentale du groupe, encore présente dans les chansons plus longues.


Samedi(II). La deuxième partie de la soirée de Samedi était le moment clubbing du festival. Ambiance on vide le bâtiment qui se reremplit d’un public plus jeune et plus looké. Autant le dire directement, cette nuit était un échec presque complet. La console son a pété, ce qui fait qu’il n’y a pas eu de son entre 2h et 2h30 et que donc on a pas pu voir D/R/U/G/S et que le reste de public était tout mou au moment où Jamie des XX est passé derrière les platines. Grosse déception et difficile de juger ce set, qu’on attendait de pied ferme, dans de telles conditions. Heureusement qu’au tout début, la soirée a été vraiment sauvée par un DJ dont on ignore le nom mais qui faisait juste beaucoup trop plaisir. A vrai dire, son set est celui qu’on a toujours rêvé de passer. Des chansons méconnues, bizarres, drôles, et surtout hyper biens. De la soul, du disco en passant par de la surf pop et Konono n°1. Vraiment un set génial. Après c’est vrai qu’on n’était pas très nombreux à danser mais on dansait pour toute la salle. Les clubbers tout proprets, pensant trouver des beats faciles et habituelles, étaient totalement décontenancés. Un jeune blondinet, n’en pouvant plus, finit par traiter le DJ de sale gauchiste. Le rêve!