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28 janv. 2013

Musikunterstadl: Heute und Danach

Photo: Irene Staub, in Heute und Danach (Prill Vieceli Cremers)
Après Hot Love, Lurker Grand et André P. Tschan sortent un nouveau livre sur la musique suisse aux Editions Patrick Frey, s’intéressant cette fois-ci aux années 80. Un travail essentiel balançant entre nostalgie et candeur, qui génère tellement d’attentes que, forcément, on est parfois déçu. 

Pierre : Vraiment, Heute und Danach vient combler un vide, comme l’avait fait Hot Love. Pour les plus naïfs et les moins initiés, c’est déjà une surprise de savoir que la Suisse ait connu une scène musicale riche dans les années 80. On est en plein dans ce mythe idéologique d’une Suisse si neutre qu’elle échappe à l’Histoire. Tout comme elle n’aurait prétendument pas connu de mouvements sociaux, de courants fascistes, son sol n’aurait pas été foulé non plus par des innovations culturelles. Avec Musikunterstadl, Think Tank a voulu démonter ce mythe en montrant la qualité de productions suisses contemporaines ou passées. On se réjouit que Heute und Danach arrive enfin comme preuve de la vivacité de cette scène, accumulant sur près de 700 pages des interviews de personnalités diverses, couvrant un spectre extrêmement large. Le livre se termine même par une tentative de discographie complète, archives impressionnantes tant graphiquement que quantitativement.


Julien : Hot Love avait placé la barre très très haut en 2006, raflant notamment le prix du jury du concours des Plus Beaux Livres suisses la même année. Tout était quasi parfait: la couverture avec la petite publicité Sinalco en bannière rappelant les affiches de concerts des années traitées (1976-1980), le titre qui claque, le grand format et les prints de fort belle facture, tous en noir/blanc (à l'exception des badges). Il n'y a pas à dire, Tania Prill et Alberto Viecelli avaient fait de cette somme monstre proposée par Lurker Grand (plus "many others") une pièce graphique de haut rang. Fin 2012 sort donc le successeur, toujours chez l'excellent éditeur zürichois Patrick Frey, Heute und Danach, en échos au titre d’un documentaire tourné en 1981 par Christoph Müller, alors chanteur du groupe F.D.P. qui « dénonçait notamment l’omniprésence de la surveillance étatique, le militarisme, la dictature policière et les oeillères de la bourgeoisie » notent les co-auteurs. Qui ajoutent, par rapport au titre a priori plus complexe que le Hot Love: « Le 30 mai 1980 marque le début d’une longue période de changements : c’est à cette date qu’a eu lieu la première émeute à l’opéra de Zurich, et après cela, pendant toute la décennie, dans de nombreuses villes suisses, on a continué à se battre pour obtenir de nouveaux espaces de liberté. Autrement dit : pour nous, l’« Aujourd’hui » a commencé avec les années 80 ». Comme tu le dis Pierre, la somme est plus qu'impressionnante, avec même des statistiques parlantes (Zürich arrive forcément en tête des contributeurs, les femmes représentaient 28% des musiciens, plus de 200 disques parurent sur un label Major, etc.)









Pierre : Hot Love avait gagné le Prix des Plus Beaux Livres et on le comprend aisément tant il avait réussi à adapter l’esthétique punk en la modernisant. Pour Heute und Danach, j’ai plus de doute mais je laisse Julien revenir sur cet aspect. De même, au niveau des textes, Heute und Danach ne jouit pas de la même cohérence que son prédécesseur qui, il est vrai, couvrait une période moins longue et une scène moins hétéroclite. On se trouve plutôt face à une addition de témoignages et d’essais épars. Cette accumulation est à l’image de la scène musicale de l’époque : impressionnante de richesses et de diversité. Rien n’est oublié, ni le punk, ni le début de l’électro, ni Stephan Eicher ou encore Les Reines Prochaines. On peut regretter ici que les textes de témoignages soient ceux qui n’ont pas été traduits. Le nombre de page est effectivement déjà impressionnant mais on aurait pu imaginer une édition française séparée. Ce livre reste une mine d’informations et d’anecdotes sur une époque et une scène musicale qui allaient dans toutes les directions. Les textes les plus intéressants restent sûrement ceux qui concernent le début des années 80 où la Suisse est marquée par des émeutes conduites par des jeunes qui n’en peuvent plus du conservatisme culturel helvétique et de l’absence presque totale de salle de concerts. Suivant le mot d’ordre d’autonomie, la scène musicale suisse connaît un début de décennie très politique, ce que Heute und Danach parvient parfaitement à retranscrire ainsi que l’évolution des années suivantes qui verront le culturel se refermer sur lui-même. C’est bien ce qui fait le côté inédit et passionnant de la scène suisse dans les années 80, ce télescopage entre une nouvelle scène musicale et des mouvements jeunes larges et revendicatifs.



Couverture de
Heute und Danach

Julien : Tu le relèves, le graphisme est effectivement l'une des grandes déceptions de cet ouvrage - même s'il est difficile sur ces reproductions proposées par nous-même de se faire une réelle idée. Hot Love utilisait finement les références esthétiques et soulignait les 324 pages d'une intervention  graphique judicieusement dépouillée; avec des polices de caractères avec serifs dans les titres ou carrément très rondes dans ceux des chapitres ainsi qu'une distinction subtiles dans celles des textes (deux polices proches de la Times) français et allemands, une grille basique et sans sophistication offrant un excellent rythme de lecteur, ce livre se contemplait, révélait la richesse des visuels et des anecdotes de quatre ans cruciaux pour la scène culturelle helvétique. Pour Heute und Danach, c'est un peu plus compliqué, meme si on reste avec les mêmes graphistes zürichois (Prill,Vieceli et Cremers). Le format est ici nettement plus conventionnel (du A4 à 1mm près) et le choix de l'utilisation des couleurs - indispensable tout de même pour cette époque synthétique) finit par nous prendre à la gorge. On sent la difficulté de la tâche (700 pages couleurs, c'est beaucoup, trop?) de faire marcher autant de contributions hétéroclites et de visuels de natures diverses. Nous avions reçu une version du livre sans couverture ni les couleurs correspondants à ce orange fluo le parcourant, devant au dernier moment tenter de coller à l'original. Bon, le livre reste super, mais on a cette curieuse impression que là où son prédécesseur était subtile dans les références, celui-ci pêche par des choix convenus et surtout attendus. Tout ce qu'on peut attendre de cette époque se retrouve dans Heute und Danach, à commencer par la couverture en sérigraphie signée par feu Pierre-Alain Berthola. Les anciens adoreront et défendront sans réserve, les jeunes hésiteront; et c'est là le problème car - on va dire qu'on chipote - le petit frère d'Hot Love est lui aussi fait pour la nouvelle génération qui n'a pas vécu cette (double) époque flamboyant, à l'heure des productions culturelles politiquement correctes, récupérées voire aseptisées, cette même génération qui ne comprendra sûrement pas la couverture peu avenante et pourrait passer à côté de la chose… Dommage, parce que le contenu est plus qu'éloquent historiquement et culturellement parlant. Sinon rien à redire au niveau de la lithophotographie et du choix des images pleine ou double pages.











Pierre : Heute und Danach arrivant dans un domaine quasiment vierge, le souci est qu’il impose une vision des années 80 en Suisse et que cette vision pose certains problèmes et passe à côté de certains éléments. D’abord, malgré le caractère hétérogène des groupes et des individus, on sent parfois affleurer la construction d’une identité de génération. Or cette dernière se replie souvent sur une nostalgie rock assez paternaliste, faisant des années 80 le dernier moment de l’authenticité. Pire, les personnalités interviewées étant appelées à s’exprimer sur l’époque actuelle, on rencontre parfois des avis assez réactionnaires découlant de cette idéalisation des good old days. On aurait aimé plus de contradiction face à ce discours de bon père rockeur. De même, on peut regretter la faible qualité des traductions et surtout s’effrayer face à une introduction pour le moins maladroite qui scinde les différents styles derrière de mauvaises étiquettes, du niveau d’une présentation pour conseil d’administration de banque. Pire, Heute und Danach passe totalement à côté d’une des caractéristiques des années 80 : la chasse aux pépites musicales, la fétichisation de trésors méconnus. Le livre insiste sur les mouvements (prog-rock, art-rock, etc.) et sur les facettes qui jouissent d’une plus forte reconnaisse de ces années mais oublie tout ce qu’on aurait rêvé trouver. A cet égard, l’interview de Stephan Eicher fait figure d’exemple paroxystique. Alors qu’on se jette dans la lecture, en espérant enfin tout savoir de nos totems musicaux nationaux, de la composition de "Eisbär" au live "Spielt Noise Boys", l’interview ne cherche jamais à aller avant les premiers succès, rattachant directement Stephan Eicher au rôle de chansonnier. De même, si la techno ou des premières expérimentations électro (grâce à Yello) sont évoquées dans Heute und Danach, presque rien n’est dit des groupes plus confidentiels et pourtant excellents, comme Guyer’s Connection ou encore Starter. Heute und Danach s’affirme donc comme un livre indispensable, riche et comblant enfin un vide ; mais un livre qui demande à être contredit et complété pour donner une autre vision de ces années 80 musicales en Suisse.


Julien : Oui, et qu'il ne faut pas comparer à son prédécesseur, plus court, plus nerveux comme le voulait le sujet traité. Applaudissements pour ce travail de titan à l'heure où l'on a plutôt tendance à oublier le passé et chiller en clubs. Relevons certains auteurs comme Wolfgang Bortlik, Alain Croubalian, Michael Lütscher ou Sam Mumenthaler, relevons aussi l'index dantesque en fin d'ouvrage, de même que les vernissages qui se déroulèrent dans les lieux chargés d'histoire: Rote Fabrik, l'Usine de Genève ainsi que le Fri-Son qui fête ses 30 ans. Des lieux encore debout, fiers et récupérés aujourd'hui par des villes qui n'en demandaient pas tant dans les années 80. Malgré ses quelques imperfections, Heute und Danach, c'est cela que l'on retiendra, montre « la diversité de ce qui reste la période la plus marquante et qui a eu les effets les plus durables de toute l’histoire de la scène musicale suisse. (Nous) n’avons cependant pas la prétention de faire le portrait définitif de toute la scène underground des années 80 en Suisse romande et alémanique » expliquent les auteurs. Non définitif certes, mais difficile d'imagine une suite consacrées aux années 1990… Hot Love a profité de la parution de son petit frère pour se voir récemment réédité. Les deux exemplaires sont de toute façon plus qu'indispensables. Verra-t-on d'ici peu un coffret de disques complétant l'ensemble?









Toutes les reproductions ©Think Tank sauf l'illustration de l'article (Prill Vieceli Cremers)


Lürker Grand et André P. Tschan, Heute und Danach
218 x 285 mm, 672 pages, Softcover
Edition Patrick Frey 
N° 121 ISBN: 978-3-905929-21-8 
EUR 62 | CHF 78

26 janv. 2013

Pour le week-end : Black Movie 2013

Photo: L de Babis Makridis (Grèce)
Après les projections notables de Pieta, Tabu ou encore Post Tenebas Lux, le festival Black Movie attaque son dernier week-end avec une pléthore de pépites à découvrir dans quatre différentes salles de la cité de Calvin. Vous n'arrivez pas à vous décider parmi la soixantaine de films que propose la méduse de l'affiche? C'est là qu'intervient Think Tank! En cette fin de samedi après-midi, il y a encore de belles choses à voir du côté asiatique avec le très gore et drôle Dead Sushi (21h30) ou l'excellent dernier film de Johnnie To Life Without Principles à 22h. Le film de Hong Sang-soo est encore d'actualité (In Another Country) avec une dernière projection à 22h. Demain, entre le ciné-concert à l'Usine de Saul Williams sur le film Aujourd'hui d'Alain Gomis et plus d'une vingtaine de films pour les grands et les petits avec le fameux Petit Black Movie et ses projections matinales qui comprend entre l'autre le très beau Letter to Momo dimanche à 13h30. Pour votre dimanche, la fable adolescente et chilienne Joven y alocada a séduit tous les spectateurs de la semaine (voir le trailer ci-dessous) ! Un film grec, le très absurde L vaut le détour avec son histoire de road-movie sur place et de pots de miel. Enfin, bien sûr, Outrage Beyond (21h30, Langlois) de Takeshi Kitano précèdera le film primé qui sera projeté à 22h à Grütli Simon. Tout le reste du programme sur Black Movie.ch ! Il y a pire comme fin de week-end...


 

24 janv. 2013

Jeu de forces, The Master de Paul Thomas Anderson

Photo: Baker Wardlaw

Cinq ans après le chef d’œuvre There Will Be Blood (à coup sûr l’un des trois meilleurs films de ses quinze dernières années), le réalisateur né à Studio City et élevé aux tétines de l’Hollywood de la fin des années 90s, propose un sujet à double tranchant, le père de la scientologie – un terme jamais utilisé dans le film. Mais PTA (appelé ainsi intimement par ses pairs), y voit plutôt un « film d’amour, entre deux hommes » (Le Point).

PTA est d’abord un réalisateur de l’intérieur, du dedans et du studio. Hard Eight et Magnolia sont les films urbains par excellence, sans oxygène et sans issue. Boogie Nights va même plus loin en étant le long-métrage de studio par excellence, de l’intérieur, à un niveau proprement sexuel (le monde du porno). Punch Drunk Love est encore un film sur l’enfermement, ou sur l’incapacité de trouver du libre dans la vie de Barry (ses sept sœurs qui l’étouffent, l'ouverture dans le garage et sa folie vagabondant dans les couloirs glauques d’un immeuble à la recherche de sa dulcinée). Puis vient 2007 et l’immense There Will Be Blood où les espaces prennent une importance disproportionnée et étourdissante face à l'homme avec un petit "h", aucun personnage féminin n'étant présent dans le film. Le décor naturel se transforme en objet, en un sujet fondamental de l’histoire, comme le souligne la bande-originale orchestrée par Jonny Greenwood (qui revient dans The Master) dont le titre d'ouverture s'appelle tout simplement "Open Spaces". PTA passe un cap, gravit un échelon, sans tomber, à l'inverse de son personnage principal Daniel Plainview qui lui tombe plusieurs fois, au début du film (physiquement) et à la fin (mentalement). Ce long-métrage étonne par son rapport à la matière, à la terre et au feu (lire l’excellente analyse sur Objectif Cinéma) ; The Master en est tout naturellement une continuation. 



Le large 
C’est d’ailleurs le premier plan qui marque ce continuum : une eau de mer bleue azure, presque verte, agitée par la dérive d’un bateau hors-champ. L’image, légèrement au ralenti, magnifiée par la large pellicule 70mm (réduit à 65mm), impose le lyrisme qui accompagnera l'histoire tout au long de la bobine. A un niveau purement photographique, PTA réalise une imagerie à la puissance d'un Orson Welles comme le montre la dernière scène avec le face à face dans le bureau entre le Maître et l'élève, qui fait irrémédiablement penser à certaines scènes de Citizen Kane. PTA et son chef opérateur réussissent à filmer des objets filmés déjà 1000x dans l’histoire du cinéma en leur donnant une envolée lyrique nouvelle, un point de vue exceptionnelle et poétique.

Toute la première partie du film (sa musique, ses couleurs, son mutisme et la présence des corps) ainsi que son ouverture raconte comment est vécu le retour à la vie normale des soldats et marins américains qui quittent la guerre. Anderson filme le traumatisme, et ce que les hommes sont devenus après les horreurs qu’ils ont vécu durant la 2e Guerre Mondiale. C’est le portrait d’un marin agressif, Freddie Quell (Joaquin Phoenix), instable et qui boit tout ce qui lui passe sous la main afin de ne pas céder et de retrouver une force qu’il a complètement perdue durant son exil. Quand Freddie retrouve une occupation de photographe aux Etats-Unis, c'est avec peine qu'il retrouve une attache normale avec le monde du travail et des relations humaines. Freddie ne peut que photographier les gens, et quand il s'approche d'eux, il les terrorise (la séquence où il prend en photo un homme d'affaires sous des néons qui le surchauffe !). Avec une utilisation de la musique très présente mais jamais pesante, c'est Get Thee Behind me Satan que Ella Fitzgerald chante. Une nouvelle fois, l'enfermement dans les espaces étouffe le protagoniste : la liberté que Freddie recherche est utopique, et c'est peut-être sur un bateau qu'il trouvera un chemin vers une délivrance. Le Freddie redevient marin et prend le large.

La majorité des critiques se met d’accord sur une perte de contrôle du scénario en cours de route. Mais comment le reprocher à PTA puisque son œuvre poursuit toujours une idée de l’éclatement, du non-contrôle ou encore de l’inattendu. Le film traite peut-être du père de la scientologie. Mais avant tout, c’est le portrait d’un pays après la 2e Guerre Mondie, meurtri et en rodage. La deuxième partie du long-métrage se concentre sur le couple Maître/élève et moins sur les premières réunions sectaires de la scientologie qu’un regard évasé fait resurgir, celui de Freddie, lorsqu’il voit les femmes nues danser à côté de Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman) - image terrible, kubrickienne à tomber. Mais là où le film est trop maîtrisé (l'image), le scénario vient tordre ce travail trop appliqué. PTA avouait à la sortie de son précédent long-métrage, qu’il n’aimait pas aller au cinéma et se sentir perdre par l’histoire. C’est pourtant ce qui arrive avec The Master, où les personnages courent après une ligne narrative qu’ils ne trouvent jamais. C’est le destin de l’élève, qui a besoin de se trouver et qui n’y arrive pas, qui a besoin de retrouver un amour perdu qui l’a quitté. 


Tension et âme en fuite 
C’est donc plus la rencontre entre deux solitudes (et non pas deux solitaires) qui vont dépendre l’une de l’autre : c’est la puissance rhétorique et intellect qui recherche la force de la nature et de la folie. Et c'est à ce moment qu'on peut se demander qui est véritablement le maître ? Ne sont-ils pas chacun maître de l'autre ? Mais Lancaster le sait : cette union est une force, et il ne va pas hésiter à faire confiance à cet inconnu revenu de la guerre pour compléter son équipe d’attaque. Chacun va défendre l’autre, mais chacun va aussi prendre ce qu’il peut de son compagnon, quitte à laisser le reste à la poubelle. Ce combat, c’est une phase de The Master inaugurée avec panache mais peut-être, malheureusement, un peu vite évacuée. Nous restons ainsi dans une période d'attente de confrontation, une tension qui explosera par moment (la scène dans les cellules) et lorsque l’élève ne pourra plus suivre les limites qu’imposent le maître : « Vas-y, à toi, dis Lancaster lorsqu’il veut que Freddie monte sur sa moto, tu vas de là à là, et tu reviens ! ».

Freddie, âme en fuite, ne reviendra pas. Paul Thomas Anderson reste ainsi extrêmement distant sur le sujet de la secte et n’ira ni dans la critique, ni dans la satyre, ni dans la profondeur de ce motif de l'histoire et préfère rester parfaitement à distance de cet objet. Il fait simplement évoluer ses deux personnages dans une atmosphère magistralement mise en scène et jouée par une lutte d’acteurs impériaux. On y voit Brando (Phoenix en est le parfait descendant dans ce film), mais aussi Welles ou Bogart. The Master, film mature et lyrique, est à coup sûr la plus belle facture de ce que peut faire Hollywood dans le petit réservoir de cinéma d’auteur de qualité qu’il contient.






7 janv. 2013

TT SPEACHES: 2012

Illustration: Julien Fischer & Giom

Revenir sur la série des Speaches permet d’observer la globalité des albums chroniqués cette année, avec ses coups de cœur éphémères, ses amours grandissants et ses oublis impardonnables. Au delà de cet exercice d’autoévaluation de notre évaluation mensuelle, c’est aussi l’occasion de revenir sur une des séries d’illustration les plus fortes. Cette année, Julien Fischer et Giom ont fait très fort.

Janvier 2012


Illustration: Julien Fischer
Disques du mois
Pierre: Evian Christ, KINGS AND THEN
Julien: First Aid Kit, LION'S ROAR
Raphaël: John Talabot, ƒIN

Singles du mois
Pierre: Sophia Knapp, "Close to me"
            Francis Bebey, "The Coffee Cola Song"
Julien: Leonard Cohen, "The Darkness"
           Amy Winehouse feat Nas, "Like Smoke"
Raphaël: Raime, "Hennail"





Pierre : Comme souvent dans ce premier mois, on passe plus de temps à écouter tout ce qui nous était passé à côté l’année précédente plutôt qu’à découvrir de nouvelles choses. Pour janvier, à part le Speaches, il y eut juste une chronique Musique Hantée, avec un Andy Stott, qui allait devenir un des hommes de l’année. Au début de l'année, il y a cette attente un peu futile de découvrir le premier nouvel artiste super et dans le Speaches de janvier, j’avais mis Evian Christ comme premier album du mois. La qualité de KINGS AND THEN mettait la barre haute pour le reste de l’année. De même, en single du mois, figure le très sensuel "Close To Me" de Sophia Knapp qui donnait  le ton de l’année et reste un des titres que j’ai le plus écouté en 2012 et que j’ai aussi souvent passé en set.

Julien : En janvier sortait aussi le second album de l'Autrichienne Soap&Skin (NARROW) Anja Plasch avec le clip/plan séquence d'une beauté fatale ainsi que la reprise "Voyage Voyage" de Desireless. Vue au printemps à Leipzig, Anja Plaschg est sans doute l'une des artistes les plus dramatiques vues sur scène. Un contraste saisissant avec la ballade apathique d'une Cat Power larguée sur scène au Victoria Hall lors de Antigel 2012. Sorti quelques mois plus tard, son album SUN confirmera l'ampleur de la catastrophe… Toujours chez les artistes féminines, j'avais placé le LION'S ROAR de First Aid Kit comme album du mois, pris en étau par Evian Christ et John Talabot et reste convaincu qu'il s'agit d'un  des rares bons albums folk sorti en 2012. 

Pierre : Chaque mois donne aussi son lot de sorties très vite oubliées comme Perfume Genius ou Lana Del Rey. Mais janvier fut aussi le mois où le Speaches a accueilli un nouveau chroniqueur en la personne de Raphaël. Ce dernier a développé toute l’année une fâcheuse tendance à être toujours en avance sur moi. Cela commence déjà en janvier avec John Talabot que je n’avais même pas eu le temps d’écouté. Fort. 

Julien : John Talabot, présent un peu partout dans les tops 2012 en électronique. Concernant ce style, quelques titres et LP à mettre de côté dans ses bacs, notamment Sepalcure ou Pictureplane. Côté flippé, c'est surtout l'incroyable MU.ZZ.LE de Gonjasufi paru fin 2011 qui fait trembler nos structures, de même que M.I.A. et son "Bad Girls” ultra cool et iconique réalisé par Romain Gavras.

Lire le Speaches de janvier 2012 ici




Février 2012

Illustration: Julien Fischer
Albums du mois 
Pierre: Musette, DRAPE ME IN VELVET
Julien: Tindersticks, THE SOMETHING RAIN
Raphaël: Young Magic, MELT

Singles du mois
Pierre: Nite Jewel, "This Story"       
            Mi Ami, "Time of Love"
Julien: Quilt, "Penobska Oakwalk"    
Raphaël: Sidi Touré, ''Ni See Say Ga Done''






Julien : Février ne permet toujours pas d'y voir plus clair. Au contraire, il s'agit sans doute du mois le plus hétéroclite et inégal qualitativement. Au rayon des bonnes sorties,  Islands tient le cap avec le solide A SLEEP & A FORGETTING et signe encore pour quelques années d'un parcours passionnant mais bien trop sous-estimé. Speech Debelle aussi, qui confirmera tout au long de l'année sa place dans le renouveau Hip Hop britannique. Et Django Django explicite mieux qui quiconque l'affranchissement des styles avec son premier LP du même nom, citant tant Caribou, du rockabilly qu'une house pervertie. S'en dégagent des titres qui aujourd'hui prennent des allures de tubes indie ("WOR", "Waveforms", "Storm") donnant à l'album une importance encore supplémentaire.

Pierre : Le vrai single du mois de février, plutôt que ceux que j’ai choisi à tort (Mi Ami et Nite Jewel), qui sont certes de qualité mais pas de vrais tubes, c’est le "Climax" de Usher avec Diplo à la production, dégoulinant de sexualité qui confirmait une année 2012 très sensuelle séduction. Au delà de ce titre, février fut un mois de bizarreries délicieuses avec l’inclassable Musette, que j’écoute souvent quand je veux écouter un album qui change, la réédition de la synthwave à accordéon d’Andreas Dorau et la rencontre Hype Williams/Shangaan Electro. Un Speaches qui alla donc dans tous les sens et c'est tant mieux.

Julien Tindersticks aussi, avec THE SOMETHING RAIN qui n'est franchement pas loin du classique (l'ouverture "Chocolate”, "Show Me Everything" à lever haut son col, le Free Jazz "Frozen"). En neuf morceaux étirés et distingués, la formation de Stuart Staples surprend par tant de vigueur. Douze mois plus tard, l'album n'a rien perdu de son envergure.

Lire le Speaches de février 2012 ici




Mars 2012


Illustration: Julien Fischer
Disque du mois 
Pierre:  Buvette, PALAPA LUPITA
Julien: Julia Holter, EKSTASIS

Singles du mois 
Pierre: Danny Brown, "Grown Up" 
           Xander Harris, "The Driver" 
Julien: THEESatisfaction, "Queens"








Pierre : Mars, ce fut vraiment le mois de Grimes, qui eut droit à un des rares articles consacré à un seul album sur Think Tank. Avec le recul, sans crier au génie, je continue à défendre cet album, surtout après l’élan de haine antihipster qu’il a ramassé. Avant de donner naissance à un tube définitif, la K-pop était appropriée avec talent sur VISIONS avec de grands titres et un clip puissant.

Julien : Claire Boucher qui se prend début 2013 pour Nicolas Cage sur Twitter ("apparently there is a rumor on the internet that i am dead. im still alive, i have just taken a different bodily form"et visite à tour de rôle Philippines, Chine, Taiwan ou Malaise. Quelques titres plus faibles, mais un LP de grande envergure, vernis par des bombes atomiques ("Oblivion"). Si elle n'en fait pas trop, Grimes pourrait s'instituer comme la Mariah Carey d'un début XXIème Siècle soumis aux secousses de la Korean Pop.

Pierre : Ce mois, j’avais mis le nouveau Buvette. PALAPA LUPITA, je n’ai su l’apprécier qu’après plusieurs écoutes avant de l’adopter définitivement. Cet album prouve encore la qualité de la scène locale, qui n’a que rarement à rougir de la comparaison. Reste à espérer que cette qualité se maintiendra et se transmetera à de nouvelles formations.

Julien : Pas franchement éloigné des productions de Buvette, EKSTASIS de Julia Holter était mon album du mois. Si nous avions effectuer un classement des sorties musicales de l'année, il est certain que je placerais ce LP dans le top 3. Un choc en dix morceaux baroques et synthétiques, aux structures incroyablement élaborées, où la voix s'impose comme un instrument à part entière. Holter a déçu sur scène, mais pouvait-il en être autrement après une telle gifle sur platine?

Pierre : Mars fut aussi un mois avec de très nombreuses sorties illustrant cette masse d’albums moyens aussi bien tirés vers le haut par des voix féminines portant la pop à une qualité parfois froide (Chairlift, Nite Jewel, Chromatics) que vers le bas par du folk pompeux de vrais (ou faux) anciens héros (Spiritualized, Alabama Shakes).


Julien Michael Kiwanuka, arrivé quand même de nulle part il faut l'avouer, réhausse le niveau des titres FM avec "Tell Me A Tale" avec sa soul que les médias décrivent comme sépia. Ce mec se revendique d'Otis Redding et tente le coup du classicisme. Tout pour se vautrer splendidement: sauf que Kiwanuka, chic type humble et cultivé, est réellement l'une des rares bonnes surprises de l'année dans le registre musique mainstream. Sinon, THEESatisfaction signait avec AWE NATURALE un album d'époque, fait de titres ultra-courts – frustrants pour bon nombre d'observateurs – sombres, frimeurs, durs, Jazz ou clinquants ("QueenS", titre du mois). 

Lire le Speaches de mars 2012 ici



Avril 2012

Illustration: Julien Fischer
Disques du mois:
Pierre: Paco Sala, RO-ME-RO 
Julien: The Dandy Warhols, THIS MACHINE
Raphaël: Sand Circles, MOTOR CITY


Singles du mois:
Pierre: Nicki Minaj, "Beez in the Trap"
            Dean Blunt feat Inga Copeland, "The Narcissist"
Julien: Tristesse Contemporaine, "I Didn't Know"
Raphaël: Ryat, ''Totem"



Pierre : Mon album de ce mois, RO-ME-RO de Paco Sala, confirme la présence forte en cette année 2012 de disques totalement inattendus et sortant des sentiers battus. Ici une romance chantée en français avec accent sur des nappes cosmiques. En single du mois, c’est clair que c’est autre chose. Mais "Beez in the Trap" de Nicky Minaj prouve que le rap US reste le seul territoire musical où la musique destinée à un public de masse peut produire des titres énormes. C’est le hip hop à travers le monde qui fut à la fête ce mois-là avec l’excellents album de Danny Brown et l’encore plus fort de La Gale, le disque suisse de l’année sans aucune hésitation. T’es d’accord Julien ? 

Julien : 82 millions de vues pour le clip de Nicki Minaj sur You Tube; des concerts de feu pour La Gale et un EP plus que décevant pour 1995 (LA SUITE). Un Speaches du mois d'avril où l'on parcourt aussi les sorties musicales francophones, souvent minoritaires dans la rubrique. J'en retiens plus "Voyage sans Retour" de Bertrand Burgalat que l'entier de l'album (TOUTES DIRECTIONS); par contre, huit mois et pas mal de (a)battage médiatique plus tard, MY GOD IS BLUE de Sébastien Tellier s'impose comme l'un des grands disques 2012. Technikart, souvent éclairé à l'heure du choix final, l'a consacré au sommet du son classement. C'est clair qu'avec des titres comme "Pepito Bleu", "Russian Attractions", "Yes, It's Possible", Tellier avait tout pour faire chier / marquer l'année. J'écrivais: " il y a quelque chose. Peut-être pourra-t-on l'expliquer concrètement dans dix ans". Un an a suffit. 

Pierre : Décidément chaque mois a eu le droit à ce moment de sensualité cette année et le Speaches en transmets la cohérence. Pour avril, ce fut l’album de Kindness. Certains s’en sont lassés et il est vrai que l’album est inégal. Néanmoins, quelques titres n’ont rien perdu de leur piquant et leur chaleur est venu faire suer à domicile ou en boîte tout au long de l'année.

Julien : Avril 2012 fut aussi une cible facile pour le circuit rock: Dandy Warhols, fidèles à eux-mêmes, à moitié compréhensible et quelque peu surestimés ici (THIS MACHINE), BLUNDERBUSS de Jack White qui rassurera les fans du type mais qui sidérera par tant d'immobilisme. "Plus que jamais, Jack White semble regretter d'être né blanc mais, étrangement, semble incapable de lâcher les bombes groovy dont il était pourtant spécialiste" avais-tu relevé dans ces colonnes. A+E de Graham Coxon nettement supérieur à ses contemporains, prouvant qu'il y a une vie après Blur. Lower Dens et Tristesse Contemporaine jouent placés avec des sorties plus qu'honorables (et quelques tubes du côté des seconds, notamment "I Didn't Know"). Et Spencer Krug livre, avec un nouveau groupe parallèle appelé Moonface, l'album que personne n'aurait dû louper. Et pourtant, l'avertissement n'a pas marché. Restent les concerts du groupe, avec les Finlandais de Siinai, grands moments psychés.

Lire le Speaches d'avril 2012 ici



Mai 2012

Illustration: Julien Fischer
Albums du mois:
Pierre:     Peaking Lights, LUCIFER
Julien:     Liars, WIXIW
               Peaking Lights, LUCIFER 
Raphaël: Jam City, CLASSICAL CURVES
                Peaking Lights, LUCIFER 

Titre du mois:
Pierre:    Baauer, "Harlem Shakes"
               Psycho-Horses, "The Youth" 
Julien:     Here We Go Magic, "Make up Your Mind"
               Four Tet, "128 Harps"
Raphaël: Nathan Fake, ''Iceni Strings''


Pierre : En mai, j’ai inauguré la nouvelle rubrique Trash Love pour parler de la musique qui travaille sur des déchets sonores. Le choix de Death Grips fut des plus judicieux, ces derniers ayant fait fort en fin d’année : cover d’album avec une bite tatouée, diffusion de l’album en avance, licenciement du label. Death Grips s’affirment comme une des rares formations à succès et sans compromis. Big up. Reste à savoir si cette rubrique et ce genre de musique perdurera en 2013.

Julien : Je pense que oui, ce d'autant plus que l'indie n'est plus qu'un terme dépassé et surtout cocufié.  Fin mai, je publiais un article sur BLOOM, quatrième album de Beach House, si humbles et pertinents jadis, carrément pompiers et prétentieux en 2012. Liars présents aussi ce mois-ci, avec un album (WIXIW) que j'ai un peu trop rapidement encensé, répondant un peu trop synthétiquement au flippé SISTERWORLD et pourtant bien plus prégnant quelques années après.

Pierre : Quand je me repenche sur ce mois-ci, je me sens comme quand je repense à un film génial mais dont j’aurai oublié l’intrigue. Ainsi, je me souviens et ne doute pas de la grande qualité des albums de Mi Ami et surtout Peaking Lights mais je me rends compte qu’ils ne m’ont pas véritablement marqué et que je n’ai les écouté que peu de fois. Julien, t’as les mêmes symptômes ? Comme souvent, l’album que j’aurai du mettre en album du mois fut celui chroniqué en avance par Raphael : CLASSICAL CURVES de Jam City. Ce dernier accroche autant qu’il trouble par ses contrepieds et se laisse difficilement oubliés.

Julien : A moitié d'accord, ayant oublié plus que la moitié des albums chroniqués (Tu Fawning, Dntel, Japandroids, Here We Go Magic - hormis un titre, "Make up Your Mind"). Bobby Womack et son THE BRAVEST MAN IN THE UNIVERSE du grand retour n'aura pas ce statut d'album classique malgré d'honnêtes intentions et une production luxuriante. Par contre, dans un tout autre registre, je reste encore complètement soufflé par GALAXY GARDEN de Lone, qui fait aussi selon moi partie des meilleures sorties électroniques de l'année. Un grand album à caser entre les nouveaux Flying Lotus et Andy Stott. De quoi terminer parfaitement les mois frais.

Lire le Speaches de mai 2012 ici



Summertime 2012

Illustration: Vincent Tille
Pierre:   Cooly G., PLAYIN' ME 
             John Maus, A COLLECTION OF RARITIES (…)
             Compilation: THIS AIN'T CHICAGO (…)
            
Julien:  Dirty Projectors, SWING LO MAGELLAN
            BEAK>, BEAK>
            Frank Ocean, CHANNEL ORANGE

Raphaël: Gel Set, 'CELL JETS
                CAN, THE LOST TAPES
Com Truise, IN DECAY

Pierre : Pour se mettre à la bien, chacun de nous avait choisi trois albums pour rythmer l’été. Pour ma part, je dois dire que la compilation de raretés de John Maus a fini par me lasser. Non que la qualité ne soit pas au rendez-vous, mais l’absence de cohérence et de titres rend le tout très vite insipides. Ce n’est pas le cas du très bon album de Cooly G et surtout de la compilation, cette fois-ci cohérente, de house et acid britannique, THIS AIN’T CHICAGO, qui promettait une fin d’année hyper house. Avec 24 titres hallucinants, elle gagne haut la main le titre de compilation de l’année.

Julien : Pour ma part, j'avais associé étrangement krautrock moderne, postpunk arty et grosse crème R&B. Finalement, c'est ce dernier style qui s'est imposé sur la durée et a consacré Frank Ocean comme l'un de ses héros. On avait tous envie d'être bien love en cet été, Ocean nous en a donné des tonnes. Et vendu pas mal de rêve avec sa facilité arrogante à aligner les titres à faire craquer n'importe quel austère personnage. Léger mais subtile, la langue déliée, le buste saillant mais le groove conséquent. Ocean évite le piège de l'emphase et s'emboîtera parfaitement avec le premier LP de Kendrick Lamar, sorti quelques mois plus tard. 

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Rentrée 2012

Illustration: giom 
Disque du mois
Pierre:     Animal Collective, CENTIPED HZ
Raphaël: Vessel, ORDER OF NOISE
                Lukid, LONELY AT THE TOP
Julien:      Flying Lotus, UNTIL THE QUIET COME
            Nitty Scott, MC, THE BOOMBOX DIARIES 

Singles du mois 
Pierre: Flume, "Insane"
            Zsa Zsa, "Something Scary"
Julien: Andy Stott, "Numb"
            Laetitia Sadier, "Find Me (…)
Raphaël: Fatima Al Qadiri, "Ghost Raid" 


Pierre : La remise en route fut un peu difficile pour moi et peu de disques chroniqués pour cette rentrée. Deux albums présents méritaient sûrement plus de lumière : Animal Collective décrié et souvent passé inaperçu, CENTIPEDE HZ fourmille néanmoins d’inventivité et de titres ultra denses. Fini les tubes et les fulgurences pour un groupe qui semble être passé du côté des formations expérimentées. De son côté, l’EP de Group Rhoda est un des grands oubliés des top de fin d’année. Un superbe album composé avec plein de délicatesse.


Julien : Difficile à dire pour Animal Collective. J'étais assez convaincu lors de sa sortie mais il m'a manqué une petite dizaine d'écoutes supplémentaires. Ou ces mois de recul qui me permettent de nuancer mon propos: cette "zouk à l'envers", trance pop, tend plus vers le raffut que la symbiose mélodique. Par contre je reste totalement convaincu de UNTIL THE QUIET COME de Flying Lotus, qui pour moi est dans les cinq meilleures sorties de l'année. Et ce même s'il est possible que ce 4ème LP du Californien soit l'un de ses moins salués. Abouti dans tous les cas toutefois, avec une ligne de conduite solide mais une incursion fabuleuse dans l'âge d'or des productions soul.

Julien : Quant à l'indie, on notera les sorties de xx, Get Well Soon, Purity Ring, Grizzly Bear ou encore Tame Impala. Le second xx confirme à moitié ce que l'on craignait avec le debut album, celui d'avoir affaire à un groupe d'un seul album (sans enterrer Jamie xx au contraire). Grizzly Bear gagne en densité ce qu'il perd en subtilité, ce que l'on regrette car VECKATIMEST avait su en 2009 jouer sur les silences et les nuances. Sinon, Tame Impala légèrement en-deçà du premier LP, mais LONERISM réussit presque à raffler la mise dans les classements 2012. Reste des compétences scéniques hors-normes. Pour terminer, Raphaël place Vessel et Lukid et leurs LPs respectifs dans ton top du mois: bien vu pour le petit nouveau de la rubrique qui prouve avoir souvent un temps d'avance. Préférence personnelle au sophistiqué ORDER OF NOISE de Vessel.


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Novembre 2012

Illustration: giom
Disques du mois
Pierre: Andy Stott, LUXURY PROBLEMS
           Kendrick Lamar, GOOD KID M.A.A.D. CITY
Raphaël: Lorenzo Senni - QUANTUM JELLY
               Andy Stott, LUXURY PROBLEMS
 Julien: Andy Stott, LUXURY PROBLEMS

Singles du mois
            Fatima Al Qadiri, "War Games"
            Stay+, "Crashed"
Raphaël: Holly Herndon, "Fade"
Julien: Mac DeMarco, "Ode to Viceroy"


Pierre : En cette fin d’année prétendument apocalyptique, on a connu une masse d’albums de très bonnes factures, heureusement qu’on était trois pour n’en rater aucun (How To Dress Well, Fatima Al Qadiri, Soft Moon et Lorenzo Senni). Malgré cette abondance, il y eut, ce qui est heureusement rare, unanimité quant à l’album du mois. Ce n’est pas un hasard tant LUXURY PROBLEMS d’Andy Stott est un des albums les plus aboutis et réussis de 2012. Au point de dépasser d’une courte tête la bombe Kendrick Lamar.

Julien : Oh oui, Andy Stott au-dessus du lot; c'est presque une surprise de retrouver le Mancunien aussi fort avec ce disque qu'on peut décrire comme parfait et (car) d'époque. La production est sûrement ce qui fait ce de LP la pièce maîtresse de ce disque entre techno et dub avec une finesse associée à des coups de massue. J'aurai la chance d'aller expérimenter LUXURY PROBLEMS au Berghain de Berlin début février, avec son sound-system unique. Sinon, hormis Kendrick Lamar et son album poids lourd mais futé, on retrouve un mois de novembre bien électronique, avec l'Italien Lorenzo Senni présenté par Raphaël et qui pourrait bien crever l'écran en 2013, tout comme le Russe Monokle archi-prometteur, Legowelt avec un album-leçon d'histoire du genre, entre house et électronica, Ital, Raime ou encore Hauschka. L'un des mois les plus denses de l'année. 

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Décembre 2012 (non publié)

Illustration: giom




Pierre: En décembre, en plein rush de fin d'année, on a plus pris le temps de faire le bilan de 2012 dans notre Good Times que de réfléchir aux albums sortis ce mois-ci. Les différents best-of sont aussi l'occasion de découvrir des albums qui nous étaient passés à côté tout au long de l'année. Pour moi, ce fut la découverte de KALEIDOSCOPE DREAM de Miguel, du r'n'b' de rêve, ou encore le rap dark de Haleek Maul. Encore quelques titres de rattrapage et c'est parti pour 2013.

Julien : Toujours hip hop avec le nouvel LP d'A$AP Rocky, LONG LIVE A$AP, sorti à la toute fin de l'année. Grosse résonance pour cet album que semble-t-il tout le monde attendait depuis longtemps, featurings d'enfer avec Drake, ScHoolboy Q ou même Skrillex. Histoire aussi de reprendre ton "certaines choses ne sont toujours possibles qu’aux Etats-Unis" avec cette dernière collaboration. Mais nous en parlerons largement lors du premier Speaches 2013. Presque aussi massif (et global), GUTEN TAG signe le grand retour de Paul Kalkbrenner, roi du stadium electro – bien que Skrillex ne soit pas loin derrière le Leipziger. Ici aussi nous y reviendrons, avec quand même pas mal de réserve sur cet album – au point de revoir à la hausse la BO de Berlin Calling. 

Julien : Plus fins, les suisses de Sinner DC sortaient en octobre dernier l'excellent FUTURE THAT NEVER HAPPENED que l'on a malheureusement loupé. Dernière petite preview avec LET IT ALL IN de I Am Kloot, tête de proue des groupes les plus sous-estimés des dix dernières années – aux côtés de Clinic dont nous parlions de FREE REIGN en novembre. Pour terminer, ELEMENTS OF LIGHTS indique la réapparition de Pantha du Prince, qui s'était illustré avec le remarquable BLACK NOISE en 2010. Hendrick Weber collabore avec The Bell Laboratory pour un EP de longues longues tracks, ennuyeuses pour pas mal d'observateurs – "Photon" prouve que le propos sur quatre minutes suffit largement à l'expérimentations entre ces deux entités a priori antinomiques.