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20 févr. 2013

TT Interview : Carlos Reygadas

Illustration : Post Tenebras Lux (screencaps)
Rencontré en janvier dernier lors de l'édition 2013 de Black Movie à Genève, le réalisateur mexicain Carlos Reygadas nous parle de ses débuts en tant que cinéaste, de Cannes et de son dernier film qui sort aujourd'hui sur les écrans en Suisse : le très étrange et angoissant Post Tenebras Lux.

Il faut voir la chose au cinéma, sur grand écran, à un volume élevé. Sentir le vent dans les arbres, les coups de pistolets. L'objet est étrange. Décrié par les critiques et pourtant palmé à Cannes (prix de la mise en scène), Post Tenebras Lux porte les signes du film fantôme, qui ne se logera qu'une petite semaine dans un multiplex citadin mais que l'on reverra sans doute dans des salles d'un cinéma indépendant plus tard, pour survivre. Certains le comparent à Malick, dans sa façon de filmer la nature et les êtres. Mais Reygadas se défend de ce type de comparaison, lui qui a suivi des études de droit sans passer par une école de cinéma et qui préfère savoir que son destin est entre ses mains et non pas structuré dans un bureau fermé d'un homme de lois. Il préfère parler d'éléphants, de lumière et de la guerre de Crimée.


Avant de vous mettre à réaliser, vous exerciez le métier d'avocat. Aviez-vous déjà quelque part dans votre tête l’envie de faire du cinéma ?

Oui je crois que c'est à 16 ans que j'ai eu pour la première fois envie de faire du cinéma. J’avais vraiment envie de faire des films mais ça ne voulait pas dire que je voulais forcéement être cinéaste. Je voulais faire un film comme si un jour je voulais écrire un livre. Ca serait peut-être venu avec le temps. J’aimais le cinéma, mais aucune envie d'en faire en fait. Le droit était plus ouvert, j’ai beaucoup aimé mon travail, j’étais dans le domaine du Droit internationale public, quelque chose de moins aride que les procès, les litiges classiques, etc. A un certain moment, vers 26 ans, j’ai commencé à vraiment avoir envie de faire un film. J’avais envie de changer ma vie. Ce n’était pas que j’avais une histoire à raconter aux autres, mais la vie ne me plaisait pas beaucoup : aller au bureau, les costumes, du lundi au vendredi, un shéma droit et savoir où je serai quand j’aurai 40-50 ans. Cet autoroute tout droit devant moi ne m’intéressait pas et donc le cinéma était un prétexte pour changer de vie, parce que je ne savais pas quoi faire, comment faire. J'aurais pu écrire un livre sur la guerre de Crimée, ça aurait été super d’habiter à cette époque et de raconter des histoires de sous-marins par exemple. Mais c’est trop simple, trop classique, ça m’énerve quelque part. Qu’est-ce que je peux faire ? Il faut aussi gagner sa vie. J’avais vu énorméement de films et j’avais l’intuition de savoir comment faire un film. J’ai arrêté le droit et j’ai voulu voir…

A l’époque je travaillais comme avocat en Belgique. C’est là que j’ai pris la décision, c’est là que j’ai fait mes premiers courts-métrages. A un moment donné, on se rend compte qu’il faut le faire avec quelqu’un ; ce n’est pas comme l’écriture. Alors je suis allé à l’école de cinéma de Bruxelles, je parlais très mal français à l’époque malgré le fait que je travaillais à Bruxelles. Mon français était mauvais, mon travail était tout en anglais et ma copine était espagnole. J’ai rencontré mon chef op, un mexicain, Diego Martinez, et je lui ai expliqué mon histoire. Il était brûlant comme moi pour faire le film. Il était au premier rang à l’Insas et m’a dit de faire un court-métrage pour passer les examens d’entrées de l’école. "Faisons-le le week-end prochain, m'a-t-il dit, je peux prendre du matériel ici et des gens, tourner en super 8...", et une semaine après on était en train de tourner.

J’ai écrit mon premier court-métrage tout seul. Je dessinais sur du papier comment l’écran devait fonctionner. Je dessinais un plan du point de vue zénithale pour expliquer comment ça allait se faire, puis en bas les dialogues et même le minutage et c'est comme ça que j’ai appris et que ça a été facile de découper. J’ai toujours écrit un scénario technique, je n’ai jamais fait de littérature pour le transformer en langage cinématographique, mais j’écris toujours mes plans, depuis mes premiers courts-métrages. Mon école c’était de regarder des films, donc je me disais que c’était comme ça qu’un film se faisait : on tourne des plans et après on les met les uns après les autres.


J’ai l’impression que vous aimez filmer des instants, des moments précis, qui ne débouchent pas forcément sur quelque chose. Est-ce que pour votre dernier film, Post Tenebras Lux, il y a un scénario très précis ou est-ce que vous vous laissez aller par des ambiances, des idées inattendues ?

Non, c’est super précis. C’est écrit très clairement, tout est calculé. Sauf que, évidemment, je laisse dans ce bâtiment structuré de la place aux gens pour qu’ils puissent bouger comme ils le veulent. C’est comme un documentaire sur un éléphant : maintenant il faut qu'il aille boire de l’eau, alors on le rapproche du fleuve, puis il boit. Mais on ne sait pas exactement comme l’éléphant va aller vers l’eau, s’il va faire un tour ailleurs avant. Il y a des choses qu’on ne peut pas contrôler. Comme je l’ai fait dans mon film avec les chiens et aussi les enfants, il n’y a pas vraiment de communications d’adultes avec eux, mais ça ne veut pas dire qu’il y ait de l’improvisation.


En parlant des enfants, je trouve qu’ils ont un rôle très important, ils sont peut-être la base du film. Comment s'est passé le tournage avec les enfants ? Etait-ce difficile ?

Oui, elle avait 18 mois à l’époque ! Mais on avait déjà une très belle communication ! Elle cours après les animaux et crie, mais c'est ce qu'elle fait dans la vie réelle, donc elle a recréé sa propre vie dans ces moments-là. Nous on jouait avec les animaux en les chassant. Après, quand elle dit "Maman !" en pleurant, c’est simplement parce que c’est la fin de la journée et qu’elle est fatiguée. Il n’y a pas eu besoin de la diriger, mais tout était calculé. On a dirigé les animaux, derrière, pour les faire bouger d’une façon très proche de la vie normale.


Ces enfants sont inconscients par leur jeunesse, c'est comme mettre l’humain face à la nature qu’il ne connaît pas encore. La séquence d'ouverture et celle de la plage semblent se répondre. Elles nous font imaginer la force qui est autour de nous.

Oui. Les seuls qui sont libres et heureux dans le film sont les arbres, les chiens et les enfants. Les adultes sont tous perdus et insatisfaits. C’est les enfants qui sont libres et qui ne jugent pas, en tout cas pour le moment. Quand il y a le diable, les gens pensent qu’il y a la méchanceté partout, mais c’est pas ça. C’est simplement que le diable est aussi quelque chose qui touche les adultes. Il vient, il entre chez les parents, il regarde et s'en va. Quand on a 5-6 ans, on perd une certaine innocence. Mais les seuls qui sont inoccents sont les plantes, les animaux et les enfants.


Post Tenebras Lux est plus un film sur les ténèbres, et non pas sur la lumière qui vient ensuite...

Oui mais il y a aussi un peu de lumière. Cela implique une temporalité. Ce n’est pas le mélange. Il y a un moment de ténèbres et un moment de lumière. L’œil centrale du film est Juan et pendant tout le film, il est un peu aveugle et a beaucoup de choses autour de lui qu’il n’apprécie pas, mais à la fin quand il est au lit, il y a le moment où il est plein de lumières. Juste avant de mourir, il voit les choses qu'il a ratées et qu'il a réussies. Ce moment explique le titre. Il est capable de voir la lumière quand même. D’un autre point de vue, je dirais que le film dans sa totalité, c’est les ténèbres et que la lumière dont le titre parle, vient après le film. On voit un monde obscure, compliqué et confus, peut-être as-tu ressenti une lumière sous-jacente ? Mais elle vient, c’est sûr.


Je trouve le prix de la mise en scène que vous avez reçu à Cannes mérité. Je me demandais alors pourquoi vous aviez retouché votre film juste après ?

Ce prix c’est huit personnes qui le donnent, c’est tout. Ils vont pas me dire ce que je vais faire dans la vie. Je retouche tous mes films. Même après Cannes (rires) ! Il faut se détacher du film complètement une fois avant de le finir. Il faut rencontrer des gens de tous types, des amis, des critiques, des non-amateurs, des amateurs de cinémas, la famille, n’importe… A ce moment-là, j’arrive à me détacher et j’ai envie de le retoucher. Mais les gens en général ne s’aperçoivent pas des changements. C’est peut-être une perte de temps et d’argent de me part finalement... (rires) Si les gens viennent vers toi et que tu peux discuter avec eux, leurs avis peut être intéressants. Mais pas pour un prix. Un prix c’est rien et ce n’est pas un prix qui va t’empêcher de retoucher un film. A Cannes, il y a huit ou neuf personnes dans le jury. Souvent lui aime A, elle aime B et lui aime C. Alors on se met d’accord, et celui qui gagne c’est D ! Ca arrive tout le temps ! Peut-être que le jury devrait être une personne ? Tout est histoire de compromis.


J’ai trouvé intéressant la proximité entre la scène des bains qui suit directement celle de la fête familliale. On quitte plein de gens et on les retrouve tout d'un coup nus. Y’a-t-il un lien ? Cherchez-vous à forcer quelque chose ici ?

Il y a un lien bien sûr. Si tu l’as ressenti c’est que c’est clair, et je suis ravi que tu l'aies vu. Tous ces changements de rythmes et des situations font le sens des choses, c’est comme notre cerveau. Là je peux être en train de parler avec toi, du film. Et puis ma femme m’appelle et elle me dit qu’elle m’aime au téléphone, alors on change nos rôles, on a une discussion plus intime. On est capables d’habiter dans ces mondes différents tout le temps et de sauter rapidement de l'un à l'autre, et c’est ça qui se passe dans ces deux séquences. Ca va pour tout le film ces changements. 


Vous refusez le champ contre champ dans vos dialogues, est-ce que finalement Post Tenebras Lux est un film sur la non-communication ? 

Il n’y a rien à voir avec un système de communication. Je pense que c’est plus intéressant de ne pas utiliser ce système de champ contre champ. il y a des manières plus intéressantes à filmer un dialogue que ça. Ou alors peut-être une fois... Et tu sais à quoi il faut penser aussi quand on aime le cinéma ? Très peu de gens le font... Je ne suis jamais revenu sur un plan ! Si je reviens, c’est d’ailleurs, d’un autre point de vue. Je pense qu’à chaque fois il y a une endroit précis et correct de se rapprocher de la situation, ce n’est pas comme la télé. Jamais un plan ne doit être répété.


Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, Mexique, 2012




18 févr. 2013

TT Speaches: Janvier 2013

Illustration: Guillaume Dénervaud


Entre les albums sortis en toute fin d’année et les déjà très nombreuses sorties du du mois, janvier lance 2013 sur les bons rails. Pas encore d’énormes découvertes, mais l’écume brillante de 2012. Espace critique et ouvert, TT Speaches repart pour une troisième saison, avec toujours autant d'enthousiasme et de grands écarts stylistiques, même si l'on ne mâchera pas nos mots, c'est promis - pour preuve les disques ouvrant ce premier recensement de l'année…





Pierre : Julien en avait déjà parlé dans le précédent Speaches mais je pense qu’il vaut la peine de revenir sur le dernier Asap Rocky, LONG LIVE ASAP, très attendu. Pour ne pas être trop négatif, il faut vite laisser de côté la comparaison avec sa précédente mixtape, LIVE LOVE ASAP, tant cette dernière était supérieure tant au niveau des productions, de la qualité individuelle des titres ainsi que de l’ambiance musicale générale. C’est bien le premier reproche que l’on ferra à LONG LIVE ASAP que d’avoir perdu le côté sombre pour adopter un son beaucoup plus FM, avec des titres à la limite entre séduisant et repoussant, et parfois vite lassant. "Wild For The Night" avec Skrillex en featuring représente l’exemple le plus frappant de cette dérive FM. L’album est tellement orienté dans ce registre que tout ce qui échappe au registre du tube tombe à plat. Clams Casino signe une de ses productions les moins intéressantes et "Phoenix" n’arrive pas à convaincre avec son ton mélancolique surjoué. Par contre, au niveau des tubes, on est servi avec LONG LIVE ASAP. Le top est atteint avec les deux titres collectifs. Asap Rocky convie tout le beau monde du hip hop, Danny Brown, Kendrick Lamar, Drake, Action Bransons et d’autres encore pour deux titres jouissifs : "Fuckin Problem" et "1 Train". Ce dernier avec sa dream team et son beat old school rappelle les heures de gloire de DJ Muggs. Mais mon titre préféré reste "Fashionkilla" grâce à la meilleure production de l’album et sa sensualité sous exta.


Julien : Sorti le 15 janvier mais bien avant sur Internet, LONG LIVE ASAP semble être déjà là depuis un certain temps; comme tu le dis, l'attente forte ne faisait que renforcer les réactions. Pour ma part, je te trouve assez sévère, car ce LP - peut-on encore parler de mixtape ici? - si elle ne possède pas la même atmosphère, garde une certaine patte et des uppercuts sonores en comparaison (en terme de calendrier des sorties) d'un Kendrick Lamar qui semble tout fluet avec son LP GOOD KID M.A.A.D. CITY. A l'instar de ce dernier, et je te l'accorde, Asap tape dans le tube, et pas qu'à moitié. Notre illustrateur vitfait parlait de classique le titre d'ouverture éponyme; les réécoutes ont pour confirmé sa prédiction, avec un (non) refrain osé pour une ouverture en faux-rythme. Il est certes clair que les tracks avec Santigold, Skrillex ou OverDoz ne sont pas des modèles réussites. Par contre, après c'est le défouloire avec "Goldie" produit par Hit-Boy et "PMW" tout bon en groove, ou, plus loin, "Ghetto Symphony" (featuring Gunplay et A$AP Ferg) et effectivement "1 Train".


Julien : Je me permets d'enchaîner sur une autre semi-déception avec le 3ème LP de Falty DL, HARDCOURAGE. Originaire du Connecticut, Drew Lustman signe ce disque sur le label londonien et historique Ninja Tune. Ce qui pourrait s'apparenter comme un gage de qualité se matérialise en des productions plus que banales, ne parvenant sur presque aucun morceau à se différencier de la masse des productions hebdomadaires en electronica – c'est souvent le risque pour un producteur et remixeur connu que de voir son album passé aux oubliettes. Tranchant en remix – Mount Kimbie, Scuba, Seun Kuti - Falty DL livre ici un 10 titres qui semble se chercher et répéter ce que l'on entend depuis cinq ans en dubstep ("Straight & Arrow"), ambiant ("Finally Some Shit/The Rain Stopped") ou dans la lignée des productions de Matthew Herbert ("Kenny Rolls One"). Et impossible de ne pas parler de la soupe insipide "She Sleeps" avec Ed Macfarlane des Friendly Fires (qui?) en ouverture d'album… Dans la même catégorie, on lui préférera nettement DREAMING IN KEY de Applescal, producteur néerlandais du nom de Pascal Terstappen, récemment révélé au grand public avec le dub rétrofuturiste "Boys" (featuring David Douglas). On observe aussi d'autres insertions plus sobres comme "Spring And Life" ou "The Composer" sous patronyme Boards of Canada, plus sensuelles comme le très Walls "On The Way" (featuring Piana) ou plus proches de John Tejada avec "Spring and Life" ou "Wise Noise On Time" (featuring Lanny May). Pas mal de références, mais un LP plus que correct. On reste dans le champ électronique Raphaël, n'est-ce pas?




Raphaël : Oui, on passe directement on label d'Actress, Werk Discs, avec Moiré et son NEVER SLEEP, EP remixé, du coup, par le boss du label. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple (et qu'on a Actress sous la main)? La marque de fabrique brumeuse du label étend son aura puissante sur des territoires plus dansants. Etrange power-house mélancolique qui, malgré de douces putasseries, donne envie de danser sur la plage un soir d'été orageux. C'est gras et ça tabasse comme un coup de poing dans la ouate, c'est love comme une première rencontre des corps, à l'instar de l'envoûtant "Into".


Pierre : Pour regarder tomber la neige, un disque idéal cet hiver fut ELEMENTS OF LIGHT de Pantha du Prince, dont on guettait le retour depuis le très bon BLACK NOISE. Ici, il s’acoquine avec le Bell Laboratory pour un album qu’on pourrait presque qualifier de musique de Noël avec ses tintements de cloches. Le résultat reste peu défini, on ne sait plus très bien si on se trouve dans le splendide ou l’anecdotique. C’est peut-être dans cet interstice que se joue le plaisir méditatif face aux nappes électroniques et campaniformes (merci wikipedia de m’apprendre de nouveaux mots), tels la lente chute de flocons.


Julien : L'Allemand Hendrick Weber jouait pas mal, cela dit, depuis le début de ses productions (2004), avec ces sonorités de ”Glöckchen”, cloches et autres carillons, tant autant qu'avec les silences et infrabasses lors de son LP – suscité – le plus remarqué sorti en 2010. Pour moi, cette collaboration avec le groupe norvégien donne un résultat plus que prévisible, les deux entités développant une certaine idée de la monumentalité en musique, pour ne pas dire ”cathédralité” si je pouvais aussi me permettre un néologisme. En gros, c'est comme associer Jean-Luc Godard et François Truffaut en espérant de l'action. Titre clé, "Photon" prouve que le propos sur quatre minutes suffit largement à l'expérimentation annoncée. Testé tard dans la nuit, ELEMENTS OF LIGHT prend plus d'ampleur, même s'il reste cette impression que les 43 minutes 30 secondes répètent le même pattern (ce qui en soit n'est pas une tare, sauf si elle semble tenir du gimmick).  Raphaël, je sais que tu as toujours préféré le Pantha du Prince hors collaboration (je pense notamment au quasi-FM ”Stick To My Side” avec Panda Bear)…

Raphaël Je dois avouer n'avoir porté que peu d'attention au nouveau projet. Si les résultat, plus particulièrement en live, doit prendre tout son sens, il semble que Pantha du Prince, comme tu l'as déjà mentionné, répète les schémas. Si le personnage reste intéressant et d'une certaine pertinence, ce nouveau projet fait un peu office d'ersatz tant il est maniéré et précieux. Trop tiré à quatre épingles pour moi, pas assez d'aspérités. C'est notamment chez Peaking Lights que j'irai chercher mes aspérités. Après l'album Lucifer qui, chose rare, avait fait l'unanimité chez nous, le couple le plus cool de la musique indépendante (si, si) a trouvé le bon filon: LUCIFER IN DUB (avouez que ça sonne bien). Ou des versions dub, enfin encore plus dub, du précédent album. Ca groove comme un après-midi vaudou sur la plage, ça sent la poussière. Plus percussive et électronique -j'ose l'adjectif "dansant"-, cette nouvelle sortie achève de confirmer ce qu'on savait déjà tous: ils ont tout compris. Rarement un projet aussi frais et ambitieux a vu le jour ces dernières années. Accessoirement, c'est un signal de plus vers une scène américaine en pleine effervescence, après une période plus creuse.

Si Not Not Fun et 100% Silk ont ouvert une brèche salvatrice ces 2, voire 3 dernières années, prouvant que la véritable cohérence d'un label se situait encore au-delà du spectre musical qu'il embrasse, des écuries comme L.I.E.S ou présentement Trilogy Tapes ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'un acte isolé. Passé entre les mailles de Think Tank jusqu'à maintenant, je profite de la sortie de MGUN, THE NEAR FUTURE, pour rendre honneur au label londonien le plus excitant du moment, notamment responsable de quelques excellents EPs de Willie Burns et Dro Carey. Si MGUN n'évoquera probablement rien, le peu d'informations qu'on a sur le personnage indique notamment des collaborations avec Kyle Hall. Surprenant, à l'écoute de ces six morceaux salaces qui, même si largement dansables, n'évoquent pas directement le clubbing à la Detroit. Kicks distordus, basses démoniaques: les machines sont massives et la démarche radicale: le particulièrement grinçant "The Race" illustre à merveille la débauche analogique pourtant loin d'être taillée pour le club. D'ailleurs, l'univers nerveux et sous-terrain de MGUN  semble faire appel aux éléments techno pour mieux s'en éloigner. En témoignent les samples de...Jefferson Airplane, colonne vertébrale de l'énigmatique "Walk With Me". Et Pierre de revenir à Not Not Fun.




Pierre : Mon premier album du mois de 2013 va à CONFRONTATIONS de Umberto, qui clôt le revival lancé par Drive en 2011, continué par Johnny Lewel et le label Italians Do It Better. Une fois encore, on se retrouve face à l’indétrônable pochette avec route qui se perd dans l’horizon dans une ambiance qui fleure bon la nostalgie 80s. La musique s’y insère avec ce fétichisme de films de science fiction rêvés. Mais contrairement à par exemple SYMMETRY qui additionne les prises studio éparses, CONFRONTATIONS construit une vrais trame cohérente, faite de sons lugubres, de synthés rétro évoquant véritablement un film d’horreur italien sur VHS. Umberto allie talent de composition et clarté de production, incarnant le parfait milieu entre le versant pop (Chromatics) et le plus savant (Zombie Zombie) du courant musical rétro-futuriste. La preuve en deux temps avec "Confrontation" et surtout "Dead sillent morning".


Julien : J'ose associer à un tel acte musical le nouvel album sophistiqué de Toro y Moi – même si l'on pourrait m'accuser d'user d'un tel adjectif pour un artiste proche du peuple jeune et cool. Très ambitieux mais aussi excessivement long, ANYTHING IN RETURN succède donc à l'encensé et détaché UNDERNEATH THE PINE et ses tubes à la pelle - ”New Beat”, ”Got Blinded” ou ”Still Sound” faisant en 2011 de Chazwick Bradley Bundick une bonne adresse pop indie quoique salement bloqué entre le génie furieux d'Ariel Pink et un héritage soul éclaté, caractérisant bien ce statut bâtard de la Chillwave, affreuse dénomination à quiconque utilisant synthétiseurs, loops au service d'aptitudes mélodiques (et dans la foulée mélancoliques). Toujours chez Carparp Records, Toro Y Moi revient avec d'autres prétentions à la production, tout en restant aussi chill avec le single "So Many Details", ambiance feutré pour un artiste sobre joignant crédibilité et hype sans forcer. Reste que l'ambiguïté rôde, entre le pédigrée des clippers et le titre se révélant mou du genoux un mois et demi après sa publication. "Harm In Change" lançait pourtant ce 3ème album sur de bien meilleures bases, mais on sent très vite le souffle du boulet, ou plutôt la frontière du mauvais goût qui est franchie, comme sur les voix et le featuring maladroit sur "Say That" suivant ce premier titre. Si "Studies", "Touch" ou "How's It Wrong" sont de toute bonne facture, on peine sur les autres titres plus accessibles qui ne jouent que les faires-valoir eu égard aux titres du disque pop des dernières années, THE ENGLISH RIVIERA de Metronomy. Le magazine Tsugi a consacré ce disque de Toro y Moi album du mois en jouant la carte du fameux "niveau de lecture caché", truffé de microscopiques et géniales sonorités, ce qui n'est certes pas faux. Reste que sur un album entier, cette prétention à l'aptitude en production lasse et ne cache pas la faiblesse de composition des morceaux. Je sais Pierre que le disque suivant n'est pas non plus un modèle de réussite…


Pierre : Avec Darkstar, ce n’est pas tellement leurs albums qui m’avaient intéressés jusqu’ici. Je n’ai presque pas écouté leur précédent disque, c’est bien plutôt leur live au Kilbi en 2011 qui reste mémorable, même s’il en est certains pour juger que l’engouement général relevait d’une forme de folie collective de type Port-Saint-Esprit, le live récent au Rocking Chair faisant pencher pour cette dernière interprétation. Pas beaucoup d’attente pour ce NEWS FROM NOWHERE. L’album file tout seul, c’est joli et tout mais ce qui dérange c’est que Darkstar semble s’arrêter au milieu du chemin, groupe de rock pour gens qui écoutent de l’électro, groupe d’électro pour gens qui écoutent du rock. NEWS FROM NOWHERE manque en plus de l’énergie des live et reste confiné dans un registre presque folk faisant parfois penser aux anciens Animal Collective. En moins bien.


Julien : Darkstar fut parmi nos sujets de discussions des deux dernières semaines, certains citant leur excellente - et percutante - tournée de 2011, d'autres n'arrivant pas à se détacher de la relative médiocrité de leur live version 2013. Etait-ce la salle, les conditions, le public ou un Feldermelder maousse en ouverture? On n'en sait trop rien, si ce n'est que NEWS FROM NOWHERE est un album qui s'est oublié quasi-instantanément, et pourtant ce n'étaient pas les qualités au groupe londonien qui manquaient, qui plus est signé désormais sur Warp Records. Difficile après une telle somme monotone de pouvoir encore défendre un style indie en véritable déliquescence (si même les bons éléments s'y mettent…). 






Pierre : En guise de rattrapage, l’excellent label Night Slugs sort une compilation réunissant son Allstars. La qualité des différents titres réunis ici font de cet album un indispensable pour tous les non-encore initiés et ceux qui en demandent encore. Derrière les emblématique Jam City et Girl Unit, 12 titres pour dancefloor idéal : syncopé, embrouillés, jouissifs. En plus, tout est inédit, soit le titre même, soit sa production. De la crème.



Julien : Autre « Allstars » avec Nick Cave and The Bad Seeds et leur nouvel album PUSH THE SKY AWAY. Vous me taxerez de réactionnaire ou, au mieux, de conservateur, mais voici mon disque du mois: pour le poids historique bien sûr, mais surtout pour l’immensité des neuf titres présents sur ce… 15ème LP. Parce qu’hormis l’Australien noiraud, on a tout de même une histoire contemporaine de la musique dans les Bad Seeds: Mick Harvey qui formait avec ce dernier les Birthday Party - toujours présent - alors que sont passés à travers cette formation du sang des Einstürzende Neubauten ou de Magazine. Ce même Mick Harvey qui a quitté Cave en 2009 après avoir tout vécu ensemble depuis l’adolescence. Puisse cette séparation avoir un impact, PUSH THE SKY AWAY garde la patte - saillante - d’un Nick Cave sur qui le temps ne semble avoir aucune emprise. Le disque possède une profondeur qui fera passer la majorité des artistes chroniques ci-dessus pour des rigolos; enregistré à Saint-Rémy-de-Provence (sisi), il contentera les érudits et ravira les exigeants. Nick Cave ne se caricature pas pour autant et signe quelques titres presque suaves, du moins mélodieux à l’instar de l’ouverture ”We No Who U R” - « une ballade étrangement sobre avec un fond de menace dans son refrain » dixit pertinemment le magazine Rolling Stone - ou de ”Mermaids”. C’est surtout les titres plus longs qui frôlent le génie, comme ”Jubilee Street” ou ”Higgs Boson Blues”, tout en crescendo, rappelant tristement d’autres élèves de Cave, Madrugada, formation norvégienne fauchée en pleine route vers la gloire. Si ce n’est cette curieuse et flipéée histoire genevoise du CERN (le boson de Higgs, sisi), on regrette la méga faute de goût avec la pochette mettant en scène Cave et sa femme Susie Bick à oilpé dans leur chambre à coucher. 


Pierre : Pour les plus tout à fait jeunes comme certains d’entre nous, la sortie d’une nouvelle chanson des Strokes reste toujours un événement, demandant à tous ceux qui ont connu les heures héroïques de 2001 de se positionner. J’avoue que tout ce qu’ont fait récemment les Strokes me laisse dans une forte indécision, entre cri au génie et annonce de fin de flamme. A nouveau, "One Way Trigger" surprend d’emblée avec Julian Casablancas qui chante extrêmement haut. Toujours avec cette guitare qui somme comme un synthé mais pas vraiment, le résultat donne parfois envie de se jeter à genoux, peut-être les derniers restes de mon côté fan, plus souvent de couper le son. Les Strokes auront au moins ce mérite d’échapper à l’attendu et de provoquer cette perplexité qui fait se demander si on ne se trouve pas en face de grandes chansons sans savoir les écouter. J’attends l’album pour me déterminer. Peut-être. Je me réjouis de savoir ce que vous en pensez, Julien qui a connu en même temps que moi le retour du rock, et Raphaël qui échappe à ce passé de fans.


Raphaël : Pour être tout à fait honnête, je n'y ai pas vraiment échappé... J'ai aussi aimé les Strokes. Malgré tout, j'avoue n'avoir aucune perplexité face aux produits qu'ils délivrent. La ballade surproduite, entre beach et stadium, sans façons. Ca ne m'émeut pas comme certains groupes bien teenager dont je tairai le nom, ça m'agace en fait autant que Muse. Les guitar heroes, c'est fini non?






Julien: Difficile de passer à une autre chose après le cas Strokes, mais surtout ce disque de Nick Cave qui me reste dans les entrailles. Brièvement: ce morceau est presque aussi étonnant que l'oeuvre d'art surréaliste qu'a réalisé Matthew Bellamy avec le dernier Muse. Tout ceci me rappelle que nous devrons disserter prochainement sur la commémorations de ce fameux retour du rock - ses dix ans donc. Je continue sur une autre pièce d'histoire: par honnêteté je ne parlerai pas dans ce recensement du nouveau et quoiqu’inespéré My Bloody Valentine (MBV), ne l’ayant reçu que peu de jours avant le bouclement de la chronique. Nous y reviendrons le mois prochain - tout comme pour l'album FADE de Yo La Tengo -, histoire de donner du temps un disque qui me déçoit actuellement. Restons dans le registre noise et un tant soit peu hanté avec THE MAN WHO DIED IN HIS BOAT de Grouper, alias Liz Harris, de Portland, qui confirme être une des artistes multidisciplinaires les plus intéressants du moment - elle s'était révélé au public du Media Art au Transmediale 2012 de Berlin par le projet Circular Veil en collaboration avec Jefre Cantu-Ledesma, installation initialement conçue pour le Berkeley Art Museum. Ratée coup sur coup aux Urbaines et au Kilbi im Überral de Zurich, Grouper quitte les drones pour revenir à l'essentiel de sa musique spectrale, à la guitare acoustique et aux voix superposées en échos. L'album est peut-être moins prenant que le double LP A | A: ALIEN OBSERVER / DREAM LOSS, mais rares sont ce genres d'objets sonores intéressants sur la longueur, ce que parvient facilement à faire Harris, aucunement maniérée (c'est souvent le risque quand on touche au vaporeux et aux codes arty). Avec cet album, c'est surtout la grande satisfaction de voir un projet se développer en prenant de nouvelles directions. 


Disque du mois
Pierre : Umberto, CONFRONTATIONS
Julien:  Nick Cave and The Bad Seeds, PUSH THE SKY AWAY.
Raphaël: MGUN, THE NEAR FUTURE


Singles du mois 
Pierre: Arca, "2 blunted"
            Asap Rocky, "Fashiokilla"
Julien: KH, "Track I've Been Playing That People Keep Asking About"
Raphaël: Moiré, "Into"

14 févr. 2013

Battle Tank : Tabu vs Beasts of The Southern Wild

Illustration : Charlotte Stuby
L’idée germait depuis quelques temps. Chez Think Tank, on aime bien prendre un objet et le triturer d’une façon que nous pensons originale. Pour ce faire, cette fois, au lieu de parler d’un seul film, nous avons choisi la bonne vieille méthode du face à face, bien qu’il s’agisse du plus déséquilibré qu’il soit.

Ces deux long-métrages sortis à un mois de différence en Suisse ont chacun reçu de très bonnes critiques dans la presse internationale et européenne. Ils partent d’un même point, celui d’avoir généralement plu aux « professionnels » de torchons et de mots. Mais ce n’est pas le seul élément qui les rapproche. Les deux histoires ont quelque chose de semblable. Elles essayent chacune de reformuler un langage cinématographique qui semble épuisé depuis longtemps.


Monde sauvage

Dans Beasts of the Southern Wild par exemple, Benh Zeitlin prend le pari de se mettre à hauteur d’une petite fille de 9 ans dans le Bayou en Louisiane afin de raconter une histoire de propriété, de famille et de fin du monde, le tout entouré par le monde sauvage du sud-est des Etats-Unis. De son côté, le réalisateur portugais Miguel Gomes tente d’évoquer un passé par le truchement d’un amour perdu qui pèse encore sur la fin de vie d’une vieille dame. Ici aussi Gomes exploite des thèmes comme l’amour et la fuite au beau milieu d’une Afrique colonisée du début des années 60. Le monde sauvage se retrouve et devient ainsi le décor commun de ces deux récits.

Pour Zeitlin, le monde est en train de tomber. Mais cela n’empêche pas de se prendre la main et de danser au bord de l’eau sur une abominable fausse musique des Bayous avec des feux d’artifices aux éclats lumineux et aveuglants. La petite fille (qui joue de façon exemplaire) de mère inconnue et d’un père colérique, se bat contre le monde, la nature y compris. Et lorsque le déchaînement naturel des eaux devient un risque pour la vie des habitants du Bayou, la petite fille refuse, avec d’autres résidants, de quitter leur terre, synonyme de propriété, de royaume personnel. La petite histoire s’étire en parallèle avec une fable qui ne sert strictement à rien narrant une histoire de buffles géants qui foncent droit sur la maison de la petite Hushpuppy (c’est le nom de la fillette). Lorsque celle-ci se dresse face à eux, ils la regardent, niaisement, et retournent là d’où ils sont venus. Un aller simple vers l’inutile.


Le crocodile

Chez Gomes aussi on parle de bêtes étranges qui hantent les lieux, sauf que celles-ci ont (au moins) un rôle dans l’histoire et une responsabilité imagée intense et utile. Si l’ennemi qui rôde dans les montagnes du Mont Tabu ne se montrera jamais, le crocodile, emblème de l’union interdite, apparaît furtivement au cours du film. Séparé en deux parties respectueusement nommées « Paradis perdu » et « Paradis » (à l’inverse du film de Murnau en 1931 qui porte le même nom), le prologue implicite du film raconte la tristesse amoureuse d’un homme préférant le suicide à la souffrance : le crocodile, montré dans un unique plan, devient ainsi une personnification omniprésente de la mort, même hors-champ, comme l’est d’ailleurs montré le suicide. Mais l’image du crocodile ne se réduit pas à une métaphore limpide. Elle va changer au cours de l’histoire, évoluer, puisque plus tard, il sera l’objet qui permettra à Aurora et Gian Luca de se rapprocher. Immobile et la gueule ouverte sur la terre ferme, le reptile est rapide et dangereux sous l’eau : mieux caché, il est redoutable – comme le sera la passion charnelle extraconjugale des deux amants.

Mais Tabu dépasse ce type d’objet métaphorique fondamental et va beaucoup plus loin. Le film est un diptyque dont la deuxième partie est le passé de la première. On y raconte surtout l’histoire d’Aurora, jeune femme qui se retrouve seul servie par tout un palais au centre d’une Afrique colonisée, loin d’une culture beat qui bouillonne à des kilomètres de là. Aurora a des valets, un mari, un cadeau (le crocodile) et les amis de son mari qui joue dans un groupe de beat’n’blues. Cette seconde partie étonne par cette utilisation du film muet et du film sonore, où les dialogues n’existent pas (plus) et où les sons d’ambiance – l’eau, la jungle, la musique (diégétique) – habillent un paysage sonore d’une époque qui se veut muette… Muette, sourde ou, plus sûrement, oubliée : « Paradis » raconte les plus beaux instants de la vie de Gian Luca, dans lesquels ses souvenirs se sont gentiment évaporés et où seul des moments particuliers lui reviennent à l’esprit, et donc à l’écran. Gomes se sert ainsi parfaitement des artifices du cinéma en ne prenant que ce qu’il pense nécessaire à l’élaboration de son histoire.


Zeitlin ne dit rien, Gomes raconte tout

A la fin de son histoire, Beasts of the Southern Wild tente de faire revenir une mère qui n’existe que dans les rêves d’une gamine de 8 ans dans le but qu’elle rejoigne un père mourant dans le Bayou. La conclusion sent la mort et la tristesse, mais pourtant, c’est une nouvelle danse joyeuse et pathétique qu'entreprennent les derniers habitants. Tout le film est constamment ramené du côté d'un bonheur forcé et à la quête de héros marginaux que sont ces résidants du mauvais côté du barrage. La séquence où la petite fille et sa famille et amis sont rapatriés dans ces hôpitaux qui ont l’air d’être les mêmes que ceux qu’on trouverait si une attaque extra-terrestre avaient eu lieu sur terre, dévoile tout le pathétique du film : Zeitlin essaye de provoquer mais n’en devient que plus ridicule en voulant mettre sur un piédestal la liberté heureuse de ses personnages. Comme lors de cette séquence où Hushpuppy rencontre celle qui pourrait être sa mère mais qui, sans comprendre pourquoi, retourne vers son père mourant avec un nuggets au crocodile en guise de cadeau. Quelle conclusion !

Alors on repense au travail de Gomes, à l’idée pure et simple du diptyque réussi, à l'utilisation et au choix de la musique dans son film, à ce fameux changement de temporalité qui intervient au milieu du film, l’un des plus séduisant flashback au cinéma de ses dernières années (qui rappelle celui de Bullhead dans sa désinvolture et sa force contenue). Gomes, par le biais de cet amour perdu au fin fond de l’Afrique, réussit un discours autant artistique que politique, peignant en quelques minutes le Portugal d’aujourd’hui en invoquant la crise économique (l’argent qui disparaît, le casino), la religion (les prières du soir) et le fantôme du colonialisme personnifié par la servante de couleur qui travaille pour la riche Aurora alors dépassée par son temps et par le monde urbanisé. Gomes ne se répète jamais (contrairement à l’insistant Zeitlin) et emploie comme il le faut son décor, ses personnages et leur situation dans un milieu qui mêle le fantastique, le lyrique, le réalisme, le mélancolique ou encore la nostalgie qui est à elle seule personnifiée par Aurora, cette femme qui retrouve dans le Paradis la magie de son passé, et bien sûr celle, en filigrane, du cinéma. 



11 févr. 2013

Kino Klub: Camilla Sparksss – I'll Teach You to Hunt (CH)



Barbara Lehnoff répond au succès de Peter Kernel par un projet solo appelé Camilla Sparksss. Vue récemment au Kilbi im Überall à Zurich, la Canado-Tessinoise garde l'ADN de sa formation initiale, véritable figure de proue de la musique indépendante helvétique, en passe de s'imposer véritablement à l'étranger comme a pu le faire Sophie Hunger: intensité, subtilité, force de frappe et références maîtrisées – WHITE DEATH & BLACK HEART est tout simplement un des meilleurs albums à guitares des dernières années. Lehnoff affronte ici seule la scène, clavier et danseuse / égérie bien en main. Ce clip home-made présente le second titre de ce nouveau projet, "I'll Teach You to Hunt", réalisé à la Fonderia de Bellinzone et répond au premier extrait porté tout autant sur la femme que sur la Cold Wave (voir ci-dessous). Camilla Sparksss se produira ce vendredi 15 février au Bourg de Lausanne, soirée dont nous assurerons l'After Party.




CAMILLA SPARKSSS (CA) 
AFTERSHOW: THINK TANK 

VENDREDI 15 FEVRIER 
Bar: 22h Début: 22h30 
Entrée 15.-| 10.- avec la carte du Salopard || Aftershow: 5.- Hyper Pop, Cold Wave