Illustration : Le Piète |
Samedi soir, 12 mars 2011. Pour défendre leur dernier album, le groupe de rock le plus important de la première décennie du XXIe siècle faisaient son grand retour sur la scène du Chelsea au Cosmopolitan de Las Vegas. Vous n'y croyez pas ? Hé oui, Think Tank y était ! Pour son anniversaire, mon meilleur pote s'est rendu accompagné de sa copine au premier concert des Strokes de 2011. Impressions forcément subjectives d'un fan de la première heure, comme si vous y étiez.
Le cadre est extraordinaire (dans le sens premier du terme) : un complexe hôtel-casino grand luxe en plein centre du Strip (artère principale) de Las Vegas, entre la tour Eiffel miniature de l’hôtel Paris, les fontaines impressionnantes du Bellagio et le grand huit qui entoure le New York-New York et sa statue de la liberté. Autant dire que dans ce tableau de démesure luxueuse et superficielle, les Strokes semblent autant à leur place qu’un vendeur de saucisses dans une manifestation végétarienne. Et pour preuve, une fois sur cette grande avenue, impossible de rater les écriteaux géants annonçant, parfois plusieurs jours à l’avance, les spectacles de Céline Dion, Elvis, David Copperfield ou des Beatles (à Vegas ils sont tous encore vivants ; même Céline Dion) ; mais aucune trace du concert des Strokes. Même une fois dans l’entrée principale de l’hôtel en question, sur les écrans éparpillés de la salle, sous l’énoncé « événement du jour » : rien. Mon cœur, qui battait déjà irrégulièrement, s’arrête durant les quelques secondes nécessaires à m’assurer de la date sur le billet. Soulagé, je suis enfin guidé à travers les salons, couloirs et escalators jusqu’à la salle en question, le « Chelsea », quelque part au quatrième étage d’une aile du Cosmopolitan. La salle est magnifique (environ 2000 personnes) même si, encore une fois, la moquette et les lustres jurent avec le sujet du jour. Les cartes d’identités sont contrôlées à l’entrée. La limite d’âge est de 18 ans et ça tombe bien parce que la majorité du public a 18 ans. Étonnamment, pas de light show particulier sur scène (même si le rendu lumière de la salle s’avèrera réussi) et surprise : un micro pour Nick et Albert. De l’ouverture des portes à l’arrivée des Strokes, trois heures s’écoulent (!). Devendra Banhart passa par là, 45 minutes, pour une honnête performance (légèrement insuffisante à mon goût pour mériter une ligne dans une review des Strokes. Trop tard). Attente longue, interminable même, et à 11 pm tout le monde rassemble ce qu’il lui reste de cuisses, genoux et vertèbres car Queen (mais pourquoi ?!?) annonce l’arrivée des New Yorkais sur scène. Le temps s’arrête. I Can’t Win lance le show.
On se rappelle tout de suite à quel point un concert des Strokes est différent et pourquoi. Des riffs, rythmes et mélodies directes et efficaces, quelque chose de sincère qui touche immédiatement dans le mille mais avant tout une présence scénique puissante (bien que plutôt passive) qui impressionne toujours. C’est d'abord Julian, même dans sa version du jour particulièrement concentré et calme, qui capte l’attention par son charisme naturel. Sa voix est posée et précise. Les « just kidding » et « you’re amazing » sont toujours là, comme des ponctuations. Nick lui dispute définitivement le rôle principal durant la première heure où il assure la lead guitar de la majorité des morceaux (à vrai dire tous mis à part Under Control, je crois). Mais c’est quand Albert est à la barre que le concert prend des tournures frénétiques (les meilleurs exemples sont Take It Or Leave It et Last Nite qui ne sont pas placés en fin de set par hasard). Bien que souvent en retrait pour laisser le rôle de guitar hero à Nick, c’est lui le véritable moteur du groupe par son attitude, sa gestuelle, son engagement, son sourire constant et sa chemise à carreaux. Le seul à vraiment montrer son plaisir (contagieux) d’être de retour sur scène finalement ! À mon sens de loin la note la plus positive du concert. J’omets presque volontairement de parler de Fab qui a définitivement vendu son énergie pour acheter une technique (souvent intéressante mais jamais transcendante) et Nikolai, car je ne serais même pas en mesure de garantir qu’il était présent.
Une heure et quart pour 19 chansons, les enchaînements sont rapides et ça déménage ! Dans sa composition, le set ressemble à ceux de leur tournée estivale de 2010 : sept chansons du premier album, cinq de son successeur (Room On Fire) mais, comme une marque de déni, seulement deux chansons « obligatoires » de First Impressions Of Earth. De leurs derniers concerts, on regrette Soma, 12:51, Heart in a Cage et Vision of Division ; mais on regrette surtout ce à quoi elles ont fait place. Ce qui aurait pu (dû ?) être une découverte prématurée de l’album qui sortira le 18 mars prochain en Suisse n’était finalement qu’un court aperçu puisque seulement cinq chansons, dont trois déjà connues de tous, étaient présentées (bien que l’album soit maintenant en écoute intégrale sur leur site officiel). Les constantes les plus effrayantes qui me semblent se dégager de ces nouvelles compositions sont le « refrain facile » (très sucré, souvent appuyé de backing vocals) et le « solo héroïco-kitsch » (qui échoue complètement là où ses prédécesseurs avaient marqué les esprits par leur efficace simplicité, jusqu'à devenir une des signatures de leur musique). Si, comme les principaux intéressés l'ont reconnu, cet album testera la capacité des autres musiciens à décharger Julian de son omnipotence des trois premiers albums, les semaines à venir risquent d'être difficiles pour Nick, Nikolai, Fab et Albert. Comme on veut tous essayer malgré tout de rester positif à quelques jours de l'échéance, je dois arrêter là ma description des nouveaux titres. Même mieux, je finirai par une nouvelle chanson convaincante : You’re So Right face B du premier single. Une belle construction avec une montée progressive d’intensité; bouillonnante en live. Réussie (et de une !).
Quant à la salle, comme anticipé en considérant l’âge moyen, la foule s’avère plutôt dynamique durant la première moitié du concert, puis un grand nombre d’entre eux cèdent à la fatigue et recule ou se fait sauver par le service de sécurité à l'avant, pour laisser place à une deuxième moitié de concert désagréablement calme qui influence légèrement et négativement le groupe (et moi) dans sa prestation. Mais peu importe les Strokes font toujours autant impression sur scène. Encore un dernier Nite endiablé qui les replace sur le piédestal qu’ils méritent, puis la musique s’arrête. Les Strokes s’en vont. Il est 12.51 am. D’accord, il était 12.15 am. Mais à Las Vegas, temple du spectacle, la vérité n’a pas d’importance.
Un grand merci à notre collaborateur exclusif, Fred.
Setlist
1. I Can’t Win
2. Reptilia
3. Under Cover of Darkness
4. The Modern Age
5. Whatever Happened?
6. Under Control
7. New York City Cops
8. You’re So Right
9. Is This It
10. Juicebox
11. Someday
12. Taken for a Fool
13. Hard to Explain
14. Life is Simple in the Moonlight
15. Take It or Leave It
16. Gratisfaction
17. Automatic Stop
18. You Only Live Once
19. Last Nite