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29 mai 2011

MUSIK TANK: les Black Lips en Arabie

Photo: Julien Gremaud

Deux petites années déjà après le très moyen 200 MILLION THOUSAND, les Lèvres Noires sont de retour aux manettes avec ce nouvel album produit par leur propre soin mais aussi par un as de la prod mainstream gros cylindré, Mark Ronson (Amy Winehouse, Lily Allen, Duran Duran). Alors qu’on les avait connus adeptes du son ultra-pourri, cet album serait-il celui du grand virage à destination des boîtes branchées de cet été ?

Le troisième album chez Vice Records (mais le sixième en tout) est dans la lignée de ces précédents : chansons courtes dont le fond et la forme ressemblent à tout ce qu’on trouve dans les coffrets Nuggets (compilations de pépites garage pop des sixties) et plus particulièrement le coffret « ricains et restes du monde ». Le départ en fanfare avec « Family Tree » ouvre l’album de la meilleure des façons avec son couplet pieds-aux-planchers et ses drôles de trompettes arabiques. La bonne chanson évidente quoi. Après le single « Modern Art » et le très appréciable « Spidey’s Curse », l’album s’essouffle assez vite. Il y a ce « Mad Dog » qui fait vite penser à « 7 and 7 is » de Love en moins génial bien sûr et « Go Out and Get It » avec ses airs de « Birthday » des Beatles qui laissent présager un manque cruel de profondeur chez les Lips. Non pas qu’il fasse critiquer le groupe pour son irrémédiable envie à vouloir rejouer leurs classiques garage pop préférés, mais plutôt le manque de mélodies accrocheuses. Ce qu’on retrouve heureusement avec un bon morceau comme « Time » par exemple, l’unique morceau signé Ian St. Pé (celui avec le dents en fer).


Dans l’ensemble, le disque n’est pas mauvais, mais un peu trop long. Si LET IT BLOOM, le meilleur et troisième disque du groupe, comptait le même nombre de titres, le courant passait mieux, dû peut-être à une plus folle activité créatrice, à des sons de guitares juste primaires mais efficaces et à un ensemble plus cohérent dans son bordel intrinsèque. Le « Don’t Mess Up My Baby », avant-dernier titre du disque, aide à ne pas enfoncer la galette trop aux oubliettes. Ce morceau génial qui cache peut-être un certain intérêt aux meilleurs morceaux de Fatboy Slim : on dirait un « Praise You » joué à la guitare en mieux. Titre euphorique, sans fioritures, rigolo, authentique, efficace et bien torché : c’est comme ça qu’on les aime les chansons des Black Lips et c’est ce dont GOOD BAD NOT EVIL regorgeait tant et qui marque l’écart entre les deux derniers albums des Black Lips et ceux des années 2005 et 2007.


Mais ce qu’on leur doit bien à ces fous débiles, c’est qu’ils restent confortablement assis dans leur trip se foutant complètement du monde qui les entoure. Cette bande d’anarcho-nihilistes du punk ravagent depuis bientôt dix ans les scènes américaines et du monde entier à la recherche de rien de plus que de jouer aux fans de garage et de skateboard. Ils sont partis d’un punk influencé Pennywise avec deux albums assez pénibles, pour ensuite sortir l’un des meilleurs morceaux rock des années 2000 (« Boomerang ») et d'inclure dans leur disque une chanson de Dutronc que tout le monde avait oubliée. LET IT BLOOM a permis de les réévaluer et de les écouter sur disque et pas seulement sur scène. Au Romandie de Lausanne il y a deux ans, le groupe avait un peu déçu faute à ce grand calme incompréhensible qui régnait dans la salle. Bon, c’était un dimanche, et en terre helvétique. Mercredi 1er juin, le groupe se déploie au Rocking Chair de Vevey et nous permet d’entamer l’été plus que parfaitement. Comme « Family Tree ».