Illustration: vitfait |
Pour cette fois, la rubrique Musique Hantée s'éloigne des territoires proches du label Tri Angle et de la witch house pour partir à la découverte de contrées nouvelles. Que la musique devienne encore plus noire ou qu'elle prenne la forme d'un esprit de lumière. Commençons par la face dark de cet hiver où des rats de 90cm font des apparitions. Oublié de beaucoup de best of 2011, Andy Stott a pourtant sorti deux albums excellents en moins de 12 mois: PASSED ME BY et WE STAY TOGETHER. Avec deux des meilleures pochettes. Toutes deux sobres, en noir et blanc, représentant un individu aussi mystérieux que sauvage, comme sorti d'un film de Herzog ou de Rouch. Pour le premier, un homme noir, torse nu, la joue marquée de straies, au regard plein de défi. Pour le second, un être qui semble avoir des ailes, masqué bizarrement, les doigts des pieds bagués, entre sphynx et chevalier. Côté musique, Andy Stott fait partie de ces héros de l'électro, jusqu'auboutiste du son, qui explore les dimensions sans se soucier de plaire. Avec lui, le dark se fait trash. Sur PASSED ME BUY et WE STAY TOGETHER, il est question du début à la fin de noirceur. Quelque chose comme la bande-son de ces moments où en toute fin de soirée, on est au bord de l'épuisement quand soudain un titre se met en osmose avec ce sentiment pour en explorer les dimensions les plus enfouies, proches de la transe.
Sur les treize titres de ses deux albums, jamais Andy Stott ne se perd en lachant une petite montée facile. Le son reste hyper dense, sans concession aucune. Les basses sont lentes et profondes à en retourner la terre. S'incarne une musique étouffée, lugubre, hantée comme jamais par des strates sonores fascinantes. Et malgré ce style dark, les bombes ne manquent pas. "Dark Details" lacère le hip hop et fait appel à des rythmes chamaniques. "New Ground" enferme la house dans une chappe de métal. "Intermittent" pourrait servir d'anthem à la musique hantée, comme si un club normal se trouvait possédé par une entité obscure. Un pure chef d'oeuvre de détournement. "Submission" grésille de manière inquiétante quand "Posers" et "We Stay Together" bastonnent le beat le plus dur et le plus dark possible. Juste dément. Pourtant derrière ces beats sauvages, on perçoit pafois des restes de disco, de dubstep complètement déchiquetés. Le label Modern Love a eu l'excellente idée de rassembler ces deux albums, courrez les acheter.
Du noir et de la glace, jaillit au contraire une lumière avec la synthpop de Chevalier Avant Garde, qui transforme la musique hantée en sensuelle séduction avec leur album HETEROTOPIAS, sorti sur Skrot Up. Le terme hétérotopie a été développé par Michel Foucault pour désigner des espaces autres, sortes d'utopies effectivement réalisées. Ces lieux sont souvent le fait de la déviance, juxtaposent différents lieux et différentes temporalités dans un même endroit, et permettent à ce qui ne peut advenir socialement d'advenir dans cet espace autre. Difficile de savoir de quelle conception de l'hétérotopie se revendiquent Chevalier Avant Garde, duo provenant de Montréal. Parler de déviance serait un peu exagéré pour qualifier leur musique, peut-être plutôt utiliser le terme d'insolite, HETEROTOPIAS semblant échapper aux différents genres édictés et aux styles prédifinis actuellement, à l'instar d'un John Maus. Mais mieux que ce dernier, les gars de Chevalier Avant Garde parviennent à transformer leur son entre rétro futurisme (la pochette l'annonce d'emblée) et cold wave en pop superbe. Du rétro futurisme, tous les éléments kitsches ont été bannis pour ne laisser résonner que des mélodies envoutantes. De la cold wave, le côté emo s'est envolé pour laisser mieux entendre la tension du rythme et la teinture glaciale des synthés. Le résultat ressemble à ces glaçons sous le soleil, durs, froids mais desquels jaillissent eau et lumière.
Vraiment un disque aussi étonnant qu'évidemment pop avec pour point d'orgue: "Enemy". Presque absente d'internet, cette chanson possède la ligne de synthé et le refrain les plus brillamment pop qu'on ait entendus depuis bien bien longtemps. Ce à quoi toute pop aurait dû ressembler après Joy Division. Après quelques singles, notamment un sorti chez Beko, très marqués par la production à l'étouffée indé et tout ce qu'elle implique de gimmicks et de limites, Chevalier Avant Garde ont réussi à sortir de ce carcan pour laisser éclater tout ce que leur musique a de dansant et de pop, le feu qui couve sous cette glace, sans pour autant renier leur style et tomber dans des facilités ou dans une production trop propre. Rien n'est à jeter dans ce magnifique HETEROTOPIAS. "Over the fountain" commence comme un tube puis joue la mélancolie sur des gouttes fines de synthé. "Young" emprunte le chemin inverse avec son début planant qui débouche sur un refrain presque en fanfare.
Vraiment un disque aussi étonnant qu'évidemment pop avec pour point d'orgue: "Enemy". Presque absente d'internet, cette chanson possède la ligne de synthé et le refrain les plus brillamment pop qu'on ait entendus depuis bien bien longtemps. Ce à quoi toute pop aurait dû ressembler après Joy Division. Après quelques singles, notamment un sorti chez Beko, très marqués par la production à l'étouffée indé et tout ce qu'elle implique de gimmicks et de limites, Chevalier Avant Garde ont réussi à sortir de ce carcan pour laisser éclater tout ce que leur musique a de dansant et de pop, le feu qui couve sous cette glace, sans pour autant renier leur style et tomber dans des facilités ou dans une production trop propre. Rien n'est à jeter dans ce magnifique HETEROTOPIAS. "Over the fountain" commence comme un tube puis joue la mélancolie sur des gouttes fines de synthé. "Young" emprunte le chemin inverse avec son début planant qui débouche sur un refrain presque en fanfare.
Pour finir et en bonus, un remix bien hanté et bien bien de Nowa Huta par Fraud Freud: