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29 nov. 2012

Les Urbaines 2012

Illustration: Les Urbaines (interprétation © Julien Gremaud)
Les Urbaines débutent ce vendredi. On s'immerge dans la programmation pléthorique, singulière mais pas hermétique d'une entité plus laboratoire d'idées, de pratiques et d'esthétiques que festival classique. On brasse les noms d'artistes comme les lettres du programmes et on esquisse un chemin probable.

L'anecdote maison: été 2010, gestation de notre projet éditorial. Parmi les préoccupations, la date de "lancement". Début décembre semblait approprié: les Urbaines représentaient une étape incontournable et plus qu'inspirante. Transdisciplinaire, innovante et enthousiaste. Mi-décembre 2010 naît Think Tank, sans fard mais avec quelques intuitions. On n'a pas été à l'heure donc – c'était l'histoire de quelques jours – mais on a tenté de suivre certaines leçons et formules de la manifestation lausannoise (parmi celles-ci, l'idée d'un événement sans têtes d'affiche, mélange des genres artistiques, gratuité) en tentant d'associer curiosité, assiduité, humilité. Et fun – tout de même. Novembre 2012, on reçoit le programme de l'édition post-jubilée (celle des 15 ans). On se rattache à quelques noms, seulement, dans les trois grands axes du festival (arts visuels, arts vivants et musique, parce qu'il faut bien un peu classer pour s'y retrouver), avec l'impression perplexe d'avoir presque passé notre temps sur Mars ou d'avoir mal fait ses leçons. L'équipe de programmation à six têtes permet en effet un renouvellement constant des artistes invités, des nouveautés et de son approche non figée; sur le papier, ça te donne deux douzaines de pages de descriptions et de noms ou collectifs émergeants, une quarantaine de propositions pour presque autant de formats artistiques et donc la peur au ventre. Maline, l'équipe des Urbaines proposait dans ses dernières newsletters des programmes ready-made et adopte la bonne attitude dans sa communication, histoire de "dégrossir" l'inventaire.


Les Urbaines n'imposent pas de circuits, de passages obligés ou de choix rationnels: à la lecture des projets et des artistes dans les archives des seize années précédentes, on pressent toutefois le risque de passer à côté du "truc" (entre Alain Declercq en 2010, Tim Hecker en 2007, Alexandra Bachzetsis ou Fabrice Stroun en 2003, tous devenus aujourd'hui des acteurs majeurs en art contemporain, performance ou en musique – on ne parle même pas de Paul Kalkbrenner en 2005, si si). Un peu dépassés par l'offre de ces trois soirées, on tentera la triangulation stylistique et on se rajoutera des contraintes sous forme de réglementent interne, histoire de pousser le vertige à son apogée: de 1, honneur à un art minoritaire chez Think Tank (performatif), où l'on pourrait ainsi débuter notre croisade par la prestation de Gregory Stauffer & Bastien Gachet, "The Red Factory" (La Datcha, vendredi-samedi à 20h, le dimanche à 16h). Les performances de Stauffer (voir ci-dessous) évoquent un Philippe Ramette ou encore "Les Idiots" de Lars von Trier. Le corps idiot certes, mais aussi fonction, apparent suivant la configuration de l'endroit (selon les préceptes de Felice Varini – des œuvres visibles que d'un point précis). Minimetal, formations exemplaire de la multidisciplinarité des Urbaines, duo zürichois dégomme sorti du format classique rock et présentant "Never Hang Around" à l'Arsenic (vendredi et samedi 22h30, installation, concert et performance sur les planches neuves de la petite salle. De 2, on se fiera à l'instinct sur d'autres spectacles performatifs comme procède Alma Söderberg et son lot de journaux à découper, sélectionner et réassembler au profit de sons et de mouvements. C'est au Théâtre Sévelin 36 vendredi et samedi 20h. Grouper le samedi à minuit, ce qui constitue notre véritable première incursion musicale, où le concert pourrait durer plusieurs heures suivant l'humeur de Liz Harris (jusqu'à 6 heures). Vous voilà prévenus. Sinon, sa musique fait partie des plus prisées du moment, icône pop ralentie, a-rythmique et en mode mineur.


La musique justement, avec certainement la tête dépassant les autres des Urbaines 2012: Hype Williams, que l'on peut suivre dans nos colonnes depuis un certain temps, projet crapuleux et parmi les moins "lisibles" du marché. Et donc excitant. Leur concert estival au Südpol de Lucerne n'était en fait qu'une … conférence pro-illuminati, menée par Inga Copeland, mise en écho(s) par Dean Blunt. Aucun risque de verser dans le côté glam de la pop, encore qu'un tel hermétisme pourrait ravir certains façonneurs de carrières. C'est au Romandie, samedi à minuit 30 – inutile de préciser qu'il y aura conflit avec Grouper. Précédera le duo britannique ce soir-là Lx Sweat aus Deutschland en première nationale (tout comme Grouper), du label en vogue Not Not Fun (Maria Minerva, Golden Donna, Samantha Glass), l'amour sous terre, l'enlacement monumental et la (body-)musique pénétrante. Mais revenons à nos contraintes, pour terminer ce chemin d'Urbaines: de 3, on grimpera jusqu'à Curtat Tunnel, impeccable espace contemporain, où un double vernissage nous attendra vendredi à 18h: Lucky PDF, quatuor britannique d'artistes misant sur les codes publicitaires, ainsi que les deux Françaises Aude Pariset et Juliette Bonneviot ("Last Spring/Summer") qui noieront leurs productions dans un aquarium, nous annonce-t-on. De 4, en redescendant du Tunnel, nous irons soutenir des jeunes artistes fraîchement diplômés d'écoles lémaniques à l'Espace Arlaud, avec la ferme intention d'envoyer des mots doux via "Grand Central", l'imprimante de Thibault Brevet qui substitue son installation relativement rudimentaire par une insertion dans le spectre large de la culture contemporaine d’Internet, sociale, mais aussi parfois anonyme et incontrôlable, pour se transformer en livre d'or online. On ira aussi saluer l'installation du très sympathique Augustin Rebetez, accompagné pour l'occasion par Noé Cauderay, "Hyper-maison" au même endroit; où, si l'accent des commis prête à sourire, l’œuvre foldingue de ces artistes jurassiens pétrifie et rappelle plus le lancé de pavé que les beach party de Moutier. De 5, pour terminer, on prendra sur nos heures d'études pour tenter de faire le tour des lieux occupés par la manifestation – en plus de ceux susnommés, Tilt Renens, Démart, la Place de la Riponne ou encore le Théâtre 2.21, présentant respectivement Pedro Wirz et Samuel Leuenberger, Hanna Perrry, "Drop City Revival" de la HEAD, et, le plus improbable, Tomas Gonzales avec "Je m’appelle Tomas Gonzalez et nous avons 60 min", le temps de plonger dans un karaoké absurde, ou pas tellement que cela.  


Il y a toujours plus malin, plus intelligent que nous Et surtout plus curieux. Les Urbaines te l’apprennent sans te le sermonner. Il n'y a en effet rien de pire que les discours pédants dans les circuits contemporains et musicaux. Là tu sens que tout peut exploser à chaque instant, que les gen(re)s ne font qu'un, réunis sous la bannière de la qualité et de l'indépendance (oh le gros mot). L'art scénique, plastique ou conceptuel, le propos enthousiaste et l'accès non exclusif. Et si vous pensez que tout cela n'est pas encore assez déraisonnable, jetez-vous au Bourg ce vendredi dès 22h30 avec "Baroque, Non Baroque: A story of proportionism" du néerlandais Peter Fengler suivi du lecteur-performer Anne-James Chaton, vous comprendrez pourquoi ici on ne parle plus vraiment de genres précis.


Les Urbaines, du 30 novembre au 2 décembre, Lausanne