Photo: Ernst Sylvester Lunz |
Pierre : En été, il s’agit de se mettre bien. Découvrir sa peau et se laisser aller à l’aise. On a tous en nous une pétasse qui sommeille en nous prête à se réveiller. Regarde moi siroter mon cocktail à la paille et me déhancher. Pour laisser sortir la pétasse qui est en vous, rien de mieux que le nouveau Ciara. Celle qu’on a très vite annoncée comme une nouvelle reine du R’n’b’ semble comme Cassie bloquée au niveau princesse, malgré quelques tubes comme "Like a boy". Avec l’éponyme, CIARA, elle signe un retour bien léché. Le premier single, "Body Party", figure déjà tout en haut des meilleurs titres de 2013. Au contraire de la tendance bad bitch, comme Nicky Minaj, Cassie voire Rihanna, Ciara réussit un exercice presque oublié mais rendu possible par le revival 90’s : le titre ultra sensuel que même LL Cool J saluerait de son bob. Ciara déborde de sensualité soul sur cette fête du corps : "My body is your party, nobodies invited but you may be", la production plein de splash de Mike Will Made It faisant le reste. Pour ne rien gâcher, la refrain contient une reprise de "My boo" de Ghost Town Dj’s (remixé il y a quelques temps par Balam Acab). Le reste de l’album ne restera malheureusement pas à ce niveau, à vrai dire très très fort. Néanmoins, on reste dans le haut du panier de la pop américaine. Dans la registre soul, on retrouve le plus mélancolique "DUI", ou encore l’autre titre dont la production est signée par Mike Will Made It : "Where You Go". Ce titre en duo avec Future flirt avec le tube indé, avec l’utilisation de guitare et de sample électro. Les autres titres tombent plus dans la pop trop mielleuse, sombrant du côté Miley Cirus de la force, c’est le cas du terrible "Livin In Up", audible uniquement au second degré. Pour les soirées pétasses, on lui préférera la plus lascive "Keep On Looking", ou la plus sympa "Read My Lips".
Pierre : Peut-être est-ce le fait de les avoir vus en concert sur un ponton surplombant la plage au bord de la Spree en sirotant un mojito, mais CURIOSITY de Wampire sonne à mes oreilles comme un magnifique coucher de soleil, le combo parfait : chill + montée épique. A une époque où cette espèce se fait de plus en plus rare, on tient entre les mains un bon disque à guitare. Dans le sillage du second album de MGMT, donc dépouillé des bricolages électro-pop, Wampire donne tout dans la mélodie. Les 9 titres de CURIOSITY fondent dans l’oreille avec délice. Psychédélique sans être boursouflé, simple sans être folk, romantique sans être niais, Wampire ont su ne garder que les bons côtés. Cela commence très fort avec l’éclair "The Hearse", on ferme carrément les yeux sur le bonbon "Giants". Même les ballades un peu retro comme "Orchards" passent la rampe. C’est dire le talent des mecs, on retrouve devant un de ses petits miracles tel le récent Little Joy.
Julien : Malgré un paysage surchargé de musique vintage, MGMT a clairement fait sa place, réapparaissant semble-t-il à chaque fois dans les influences (et inspirations) des groupes actuels. On attend d'ailleurs leur nouveau LP pour cette rentrée. Certains ont déjà pu l'écouter et il se murmure que l'effet psychédélique démesuré est encore plus stupéfiant avec ce troisième album. Wampire me rappelle en certains points les excellents (et trop méconnus) Foxygen, à l'humour tenace et à la mélodie sémillante. Parmi les musiciens sous-estimés, on retrouve sans doute la compatriote de Julia Holter, Alela Diane, qui sort actuellement son quatrième album intitulé ABOUT FAREWELL. Le disque des adieux? En tout cas pas celui des festivités, l'été y est ici tempéré, intime. La grâce de Diane rappelle forcément un Nick Drake: en rupture (sur tous les plans – labels, mari, artistiquement), elle revient à ses fondamentaux folk en dix titres le vague à l'âme, les arrangements sobres, les titres succincts. Mais quelle série de chansons!, chansons qu'on oserait décrire comme intemporelles. Big up à l'aiguisé "Before the Leaving" qu'on n'oubliera pas de glisser dans sa voiture une fois les amarres larguées avec nos obligations. Cette semaine, j'ai vu la piètre prestation de Lou Doillon à Paléo – un sacrilège aux règles de l'art. Larguée de tout bord, Alela Diane ne semble pas connaître la même chance que cette "fille de". ABOUT FAREWELL prend des contours d'autant plus bouleversants. L'été de tous les changements.
Pierre : A part chiller et se prélasser, l’été c’est aussi un moment pour le temps. Et pourquoi pas le prendre pour faire de grandes choses et écouter des grands disques. La notion d’ambition m’a toujours semblé problématique par ce qu’elle sous-tend d’écrasement de la concurrence et de course au prestige et au mérite. Néanmoins, il faut bien avouer qu’il existe des disques plus ambitieux que d’autre, des albums qui ne se contentent pas d’enregistrer une dizaine de bons titres et de les rassembler sous un nom. Des disques qui sont véritablement construits et pensés. La simple écoute permet de se rendre compte que derrière il y a une volonté d’aller le plus loin possible en terme d’écriture. On pourrait parler ici de Kanye West. Néanmoins, pour laisser le temps de maturer l’écoute de ce dernier, ici je choisis le dernier These New Puritans : FIELD OF REEDS. Ces derniers ne font qu’élever le niveau d’album en album. Le premier, en plein boom rock et fashion, semblait devoir ne représenter que quelques tubes d’un groupe voué à passer de mode. Le second album vient amener un démenti sévère. HIDDEN tapa très fort, entre dubstep ultra lent à percussion et titre mélodique avec "White Chords", dont le final reste un des trucs les plus magnifiques qu’on ait écouté ces dernières années. Tout FIELD OF REEDS part de ce titre. L'ensemble reste dans le sombre et prétend au magnifique avec force orchestration et boucles intenses. Pas forcément séduisant à la première écoute, cet album fourmille de mille merveilles et voit These New Puritans devenir de nouveaux Divine Comedy. La voix du chanteur affiche toute sa maîtrise dans ce registre ; les pianos utilisés avec parcimonie bouleversent, que ce soit sur le single "Fragment Two" ou sur "Organ Eternal". Un joyaux noir qui brillera encore une fois l’été passé.
Julien : Après mes deux figures féminines dans des rôles tragiques et revanchards, je termine ma prospection estivale par d'autres grands absents de l'été: Fuck Buttons livrent un album malade, impérieux et sacrément radical, sorte d'électronique industrielle nouvelle génération, délestée de tout le décorum de ses prédécesseurs. Avant ce nouveau disque, SLOW FOCUS, il y avait eu le très remarqué LP TAROT SPORT qui avait même tapé dans l'oeil de Danny Boyle. La production était signée par la figure historique Andrew Weatherall, rendant irrésistibles des titres comme "Surf Solar" et "Olympias" (et qui leur valurent les honneurs de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Londres, orchestrée par le réalisateur prophète en son pays). Un peu avant, Benjamin John Power s'émancipe du duo et sort un album sous le nom de Blanck Mass. La première sortie discographique de ce projet, en septembre 2011, n'était pas passée inaperçue auprès de toi Pierre. Tu semblais même te réjouir que Blanck Mass ait "(laissé) tomber le côté grand-huit du groupe, avec ces montées endiablées et ces descentes plus folles encore, pour prendre du recul et laisser planer les courbes du paysage". La kosmische musik est elle aussi présente sur SLOW FOCUS, sorte d'hybride des genres, entre Jon Hopkins et A Place to Bury Strangers. Brouillant les pistes, Fuck Buttons enjoint aux comportements les plus radicaux, prenant l'été par surprise, annonçant un hiver fumeux. La belle menace. Oh oui. En attendant, on prendra le temps de voyager, l'air léger. Retour en force de Think Tank tout bientôt.
Julien : Après mes deux figures féminines dans des rôles tragiques et revanchards, je termine ma prospection estivale par d'autres grands absents de l'été: Fuck Buttons livrent un album malade, impérieux et sacrément radical, sorte d'électronique industrielle nouvelle génération, délestée de tout le décorum de ses prédécesseurs. Avant ce nouveau disque, SLOW FOCUS, il y avait eu le très remarqué LP TAROT SPORT qui avait même tapé dans l'oeil de Danny Boyle. La production était signée par la figure historique Andrew Weatherall, rendant irrésistibles des titres comme "Surf Solar" et "Olympias" (et qui leur valurent les honneurs de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Londres, orchestrée par le réalisateur prophète en son pays). Un peu avant, Benjamin John Power s'émancipe du duo et sort un album sous le nom de Blanck Mass. La première sortie discographique de ce projet, en septembre 2011, n'était pas passée inaperçue auprès de toi Pierre. Tu semblais même te réjouir que Blanck Mass ait "(laissé) tomber le côté grand-huit du groupe, avec ces montées endiablées et ces descentes plus folles encore, pour prendre du recul et laisser planer les courbes du paysage". La kosmische musik est elle aussi présente sur SLOW FOCUS, sorte d'hybride des genres, entre Jon Hopkins et A Place to Bury Strangers. Brouillant les pistes, Fuck Buttons enjoint aux comportements les plus radicaux, prenant l'été par surprise, annonçant un hiver fumeux. La belle menace. Oh oui. En attendant, on prendra le temps de voyager, l'air léger. Retour en force de Think Tank tout bientôt.