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3 mai 2011

TANKINO: Bon à Tirer, frères Farrelly

Illustration: Giom
Il y a une semaine est sortie en Suisse la dernière comédie des désormais célèbres frères Farrelly : Hall Pass ou Bon à Tirer (B.A.T.). En français, un B.A.T. est l’autorisation de coucher avec n’importe qui et de faire n’importe quoi pendant une semaine sans aucune conséquence sur le couple. Les cinéastes agités de Rhode Island reviennent donc avec leur nouvelle comédie (la dernière remonte à  2007) au scénario pas très alléchant mais avec Owen Wilson au cast. Les Farrelly sont-ils toujours aussi percutants dans leur (cré)débilité ?

Car rappelons-le, ces deux zouaves avaient réussi à retourner la planète de rire en 1994 avec leur road-movie Dumb & Dumber créant deux rôles parfaitement taillés pour deux acteurs, dont l’un fit même carrière dans le genre de la comédie déjantée (la même année, Jim Carrey apparaît dans Ace Ventura et The Mask – rien que ça !). Hollywood avait donc un nouveau Buster Keaton ; et Hollywood avait aussi de nouveaux frères Marx. Ce qui semblait alors être un hasard réussi de deux nouveaux loufoques débarqués par erreur dans le métier, devint un film culte multipliant farces débiles et blagues scato: la scène des toilettes, la voiture-chien, les piments dans le hamburger, le merveilleux rêve de Lloyd Christmas, le policier qui boit les bouteilles d’urine… Un flop après (Kingpin en 1996), les frangins en remettent une couche avec l’une de leurs meilleures comédies: Mary à Tout Prix. Ben Stiller est merveilleux, Cameroun Diaz dans son meilleur rôle et Matt Dillon métamorphosé en ce qui est peut-être le plus drôle et pathétique détective du monde (juste derrière Ace disons). Le triptyque « le meilleur des Farrelly » se clôt avec Fou d'Irène en 2000. Se suivent alors dans les années 00 du bon (L'Amour Extra–Large, 2001), du franchement mauvais (Terrain d'Entente, 2005) et quelques scènes rigolotes dans Deux en Un (2003) et les quinze premières minutes réussies de La Femme de Mes Rêves (2007). Les années 90 furent paradisiaques pour les Farrelly, les 2000 un peu sur la retombée. Bon à Tirer ouvre donc la troisième décennie des comédies farrelliennes.


D’entrée, il est vrai, Owen Wilson est touchant. Les charmantes ballades du groupe Deer Tick le sont aussi (groupe d’ailleurs originaire de la même ville que les Farrelly). La première scène où l’on voit Owen regarder un album de photos de famille avec ses deux enfants est émouvante et quelques gags bien glissés plus tard, on s’aperçoit que les Farrelly ont vieilli; comme leur public en fait. Mais n’y voyez rien de péjoratif! Car on rigole, mais c’est un rire tendre, amusé et facile: un rire de quadragénaire quoi… Owen est un père de famille marié depuis vingt ans avec une belle et gentille femme, mais il ne cesse de reluquer les postérieurs des autres filles. Son pote (interprété par Jason Sudeikis) est pareil. Sauf que lui a ses techniques pour ne pas se faire coincer. Du moins c’est ce qu’il croit. Les deux pauvres épouses n’en peuvent plus et proposent alors un "bon à tirer" à leur mari respectif. Les deux amis se remettent alors en selle pour draguer comme au bon vieux temps. Mais le monde a bien changé en vingt ans et entre flirt avec la belle blonde qui vend des cafés au take-away du coin et resto-dancings craignos, la tâche s’annonce plus difficile que promise.


D’un certain point de vue, il est plaisant de voir comment se débrouillent ces deux soi–disant chasseurs de jupons dans cette petite ville de Rhode Island (point de départ de chaque film des réalisateurs) et le style n’a pas beaucoup changé: on prend une situation, on l’exagère, on ridiculise au maximum les deux protagonistes et le tour est joué. B.A.T. reste une comédie facile et peut-être un peu trop convenue : une fois la balle lancée, on sait où elle va atterrir. C’est ce qui la différencie  d’autres films des mêmes réalisateurs comme Mary à Tout Prix par exemple où l’on va de surprise en surprise sur un rythme assuré et crescendo, variant grosses blagues et comique de situation. Dans B.A.T., le rythme, justement, manque un peu. Malgré le clin d’œil référentiel à Shining dans le comptage des jours de la semaine, la répétition des gags du même genre (râteaux sur râteaux) se fait sentir et surtout il manque un acteur véritablement meneur. Certes Owen Wilson et Jason Sudeikis sont de (très) bons comédiens, mais pour un Farrelly-métrage, il manque une bonne tête de con. Il manque un Jim, il manque un Ben, il manque un héros. En choisissant le joli blondinet, le film reste cloîtré dans une comédie sympathique mais sans dérapage. B.A.T. conserve tout de même quelques ingrédients de l’humour trash des Farrelly qui ont fait leur réussite autrefois, et il est vrai que la séquence du jacuzzi sent déjà la scène culte. Une scène franchement osée… Et puis la BO est toujours aussi cool ; avec ses chansons légères qui font mouches à chaque fois (avec même deux excellents titres de Black Mountain!). Mais à part ça, il manque fondamentalement quelque chose – un scénario peut-être? Si les Farrelly avaient réussi à mélanger cet humour crade et scato avec de véritables scènes comiques (la cérémonie du mariage au début de La Femme de Mes Rêves ou les enfants de Jim Carrey qui grandissent dans Fou d'Irène), B.A.T ne semblent surprendre que par ces rares moments vraiment trashs et ultra-ridicules. On les aime ces moments, mais les Farrelly nous ont habitué à mieux.