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9 sept. 2011

LP: The Horrors – Skying

Illustration: Adrien Chevalley










































Mai 2009: nous quittions The Horrors sur le formidable "Sea Within A Sea". Un changement radical dans la direction musicale du groupe de Southend on Sea. Ligne de basse martiale, batterie exécutive et voix du tréfonds de la cave, et final extatique. Expérience faite, ce titre est passable dans n'importe quel club du monde. Seulement voilà, à plus y regarder, on retrouvait ici, avec pas mal de gêne, le même stratagème érigé trois décennies plus tôt par CAN ("Mother Sky"). Pas de procès conforme intenté aux britanniques; simplement un procès moral, que le groupe se devait de défendre. Ou plutôt un devoir moral. Celui d'afficher sa bonne foi. Et ses véritables desseins. Leur troisième album, SKYING, devrait permettre d'y voir plus clair.

La scène indie connaît davantage Faris Badwan, Rhys Webb ou encore Joshua Hayward pour leurs affronts vestimentaires, les médias se délectant de leur cassées de gueule respectives, conséquences de leurs habitudes textiles, plus proches du triangle sacré Robert Smith–Mercredi Addams–Micheline Calmy–Rey que de James Blake. Les salles de concerts retiennent moins leur brillance scénique que leur maniérisme fatigant, fait de grand–guignolesque et d'inexactitudes techniques. Enfin pas de quoi s'en épouvanter, d'une façon ou d'une autre: non, Faris Badwan, malgré ta taille, tu ne fais pas peur. De même, The Horrors resteront à jamais un groupe d'outsiders, malgré l'énorme hype relative à STRANGE HOUSE (2007). A l'époque, on se disait, bon dieu, tous les kids vont finir par s'habiller en gothique, ce qui, d'une certaine manière, était toujours plus intéressant qu'en fluo. Après le ras–de–marée fait de morceaux garages secs et tendus, descendant des Cramps, on passait à un Horrors shoegaze façon The Jesus and Mary Chain, avec, heureusement, plus de sérieux que les (ré)orientations musicales de Madonna. En 2011, The Horrors entament leur troisième mue en autant d'abums. De quoi s'interroger; trop vénal pour être crédible? Dépêché pour l'occasion, notre illustrateur qui a mis la pâtée sur son coup de pinceau, n'y est pas allé avec des pincettes: «elle (l'illustration ndr.) est un peu hardcore, mais j'aime bien. Ce groupe c'est un peu naze par contre».


«Les deux premiers albums étaient rapides, il y avait peu d’espace, on allait à mille à l’heure. Cette fois, on a voulu démonter, déchirer, étirer tout ça tout en conservant la mélodie» témoignait le bassiste Rhys Webb à propos de SKYING. Notre illustration le montre bien: pas de séances de conciliabule pour le quatuor vivant désormais à Londres, mais, au contraire, un gros foutoir, sans arbitrage. Au final, eux seuls sont leur propre producteur. De Portishead, Geoff Barrow avait aidé le groupe lors du dernier album, pour mieux leur indiquer la voie à suivre, celle faire tout, tout seuls. Car, s'il doit bien rester un élément essentiel des Horrors, c'est leur grande qualité sonique, sur galette. Pour la production live, c'est encore une autre histoire. Enfin, nous tenterons de le vérifier le 28 novembre à l'Usine PTR de Genève. Sur SKYING, rien de nouveau donc dans la fausse fraterie britannique: beaucoup d'hommages transgenres, de bonnes (pré)dispositions, et quelques chansons d'envergure, comme à leur habitude. Avec cette fois–ci une plus grande densité et donc moins de répétitions. Après le gothique c'est chic, la tête dans l'ampli ça chie, place à l'éloquence néo–romantique, période New Wave, avec moins de mièvrerie, forcément, tout n'est plus permis, encore heureux d'ailleurs.


Ouverture: "Changing The Rain", au son énorme, qui n'est pas pour autant du Bronski Beat dans la nouvelle orientation du groupe mais plutôt du Siouxsie and the Banshees ou du Smiths façon "How Soon is Now", grosse production donc. "You Said" est pas mal non plus, dans sa manière délicate de déposer une rythmique imposante, en duetto avec des plans harmoniques archi–proches d'Orchestral Manoeuvres in the Dark j'ai écouté Kraftwerk et Roxy Music, "I Can See Through You" tient lui aussi largement la route, même si on préfère à ce Horrors speed un groupe plus halluciné comme sur l'intro de "Endless Blue", proche de Brian Eno, Blur ("Sing"), ou encore Letfield ("A Final Hit"); dans ce sens, "Still Life" est des plus intéressants, prenant son temps, celui de laisser chanter Badwan avec plus de classe, se rapprochant des intonations entendues sur son projet parallèle Cat's Eye, dont nous parlions en avril dernier dans le TT Speaches. Excessivement New wave, ce titre fait toutefois partie des réussites de SKYING. Que les Horrors période "Sheena is a Parasite" paraissent loin! Deux conclusions possibles, selon les interprétations: en 2011, The Horrors tracent leur route et gagnent en intérêt ce qu'ils perdent en extravagance. Ou: notre illustrateur a quelque part raison, The Horrors devraient retourner à leurs vinyles de Psychedelic Furs et My Bloody Valentine. Lançons une piste: et si The Horrors étaient les plus belles victimes, à l'insu de leur plein gré, de ce revival rock des années 2000, incapables de se défaire de cette scène–là, aussi maudite soit–elle, et voué à un oubli non pas médiatique mais bien historique? Y–a–t–il de la place pour une scène New wave N°1 et une scène New wave N°2?