Illustration: Burn |
Afin de vous donner un meilleur aperçu des films actuellement dans les salles en Suisse et sans asphyxier d'un nombre de lignes indigestes notre cher lectorat, TT s'est décidé de lancer une nouvelle formule TANKINO qui paraîtra à peu près tous les 10 jours : vous y trouverez chroniqués deux à quatre films, d'horizons différents, que nous avons aimés ou que nous vous conseillons d'éviter. Pour lancer la rubrique new-look, parlons de cowboys et d'aliens, d'un road-movie italo-hollywoodien et d'un film argentin.
Aliens chez les cowboys
Début août à Locarno, l'équipe-ciné de TT avait eu la chance de voir Harrison Ford, Daniel Graig et la ravissante Olivia Wilde en chair et en os, répondant aux questions peu motivantes des journalistes venus de toute l'Europe pour voir l'équipe du film au complet pour l'avant-première du film dans le vieux continent. Stars et paillettes semblent être la nouvelle direction prise par le nouveau directeur artistique du festival, Olivier Père. La venue de Indiana Jones et James Bond aura sans doute pesé sur la balance pour palier à la médiocrité du western s-f réalisé par Jon Favreau (le réal de Iron Man pour recadrer). On était presque parti pour l'aimer ce film, tant la vision de voir Harrison Ford chasser de l'alien avec un chapeau de cow-boy nous amusait. Malheureusement, si la première demi-heure tient assez bien la barre, le film dégringole très vite. L'impressionnante scène de nuit de l'attaque incomprise des vaisseaux dans la petite ville du Far West est réussie et la réunion Ford-Graig avait soudain de la gueule. Mais une fois le jour levé, une fois les premières images kitsch de flash-back vues, le film se met plus à ressembler à une mauvaise série B franchement chiante qu'à un western originale. Car mélanger ces deux genres (western et s-f) n'était pas si débile que ça et on aurait voulu croire à une aventure mieux construite et plus sauvage peut-être, avec un humour décalé qui aurait été le bienvenu. Dommage, les aliens étaient chouettes.
Cowboys vs Aliens de Jon Favreau (1/5)
Sean Penn fait ce qu'il peut
La bande-annonce et le synopsis de This Must Be The Place avaient tout pour que ça claque : un des meilleurs acteurs du siècle (Sean Penn), un réalisateur italien qui avait gagné le Grand Prix du Jury à Cannes en 2008 avec Il Divo (Paolo Sorrentino), des bonnes chansons (Talking Heads) et le tout empaqueté dans un road-movie à travers les States. Un peu comme Antonioni quand il a voulu tourner son premier film US en 1970, les cinéastes italiens ont parfois du mal à s'acclimater au climat hollywoodien qui pourtant les attire. Sergio Leone, que toutes les majors américaines convoitaient au début des années 60, avait accepté de tourner pour Hollywood tout en restant sur le sol européen, comme pour ne pas se faire bouffer trop vite par les vautours de l'Ouest. Sergio voulait tout contrôler ; il avait tout compris. Paolo Sorrentino semble malheureusement être tombé dans le panneau, il semble même le dire lui-même dans ses interviews : "Je me suis adapté facilement ; et puis, c'est tellement beau de tourner là-bas que tout devient facile. La culture et les mentalités sont complètement différentes." Ah le rêve américain ! Avouons d'emblée que la prestation de Sean Penn va lui valoir une nomination certaine aux prochains Oscars et que le couple qu'il forme durant la première demi-heure avec Frances McDormand est plus que réussi, tant la femme est masculine, tant l'homme est féminin. Le début du film est assez agréable avec la face de corbeau de Sean Penn en gros-plan quatre plans sur cinq, qui fait tantôt rire, tantôt pitié, à chaque fois sourire. Cet équilibre est parfaitement maîtrisé et on se réjouit de le voir quitter l'Irlande pour les Etats-Unis. Ensuite, on ne va pas dire que c'est la dégringolade, mais les minutes se transforment en heures et les plans de caméra (la photographie est très belle) font plus penser à une excursion safari au cœur de l'Utah qu'à un road-movie. Farfelu et dramatique, c'est ainsi que le film devrait être et c'est ainsi qu'il se présente pourtant dès le début. Malheureusement, il n'est que farfelu et on a peine à comprendre vers quoi Sorrentino veut nous mener : vers le film d'auteur ? vers le road-movie mainstream à l'américaine ? vers du Wim Wenders ? On ne sait plus trop quoi penser. Les slow-motions sont inutiles et ne veulent rien dire, la musique devient agaçante et l'intrigue qui a mis près d'une heure à se mettre en place est devenue inintéressante au possible. Envie d'un petit somme dans un bon fauteuil ? This must be the place…
This Must Be The Place de Paolo Sorrentino (2/5)
Le Manhattan argentin
Alors oui, jusqu'ici, vous pourriez imaginer que la nouvelle formule TANKINO c'est un peu de l'arnaque puisqu'on ne parle que de films qui cassent pas vraiment la baraque. Mais le messie était attendu avec un film argentin. Le premier long-métrage de Gustavo Taretto, natif de Buenos Aires, qui aime et déteste sa ville, son architecture, sa grandeur et ses murs. Il raconte l'histoire de Martin et Mariana, tous deux phobiques, qui habitent l'un et l'autre à un numéro d’adresse différence de la même rue et qui ne se sont jamais croisés. L'histoire en elle-même n'est pas folichonne et on craint tous les quarts d'heure que le film tombe en mille morceaux tellement le choix du sujet semble faible. Et pourtant. Il y a de l'assurance certaine dans cette mise en scène épurée composée majoritairement de plans fixes. Il y a du talent certain dans la photographie, dans la construction de l'espace et chez ces deux comédiens qui font à eux deux avancer le film sans le faire trébucher. Les voix-off de Mariana et Martin soutiennent chacun leur tour le récit de façon simpliste et virtuose. Ces deux jeunes souffrant entre autres d'agoraphobie sont obligés de rester cloîtrés chez eux et découvrent le monde sur Internet. La scène où nous les voyons "chater" ensemble alors qu'ils habitent à cent mètres l’un de l’autre prend une tournure encore plus attrayante. Le film est destiné aux 25-35 ans, à ceux qui ont grandi avec les jeux vidéos, Internet et la drague en ligne. Chacun s'y retrouvera, à coup sûr.
La séance d'ouverture du film dure près de six minutes présentant des plans fixes d'immeubles de Buenos Aires, portée par la voix-off de Martin, comparant l'irrégularité de l'architecture de la ville à l'état d'âme de ses habitants. Ce qui pourrait paraître un peu pédant prend au contraire toute sa classe grâce au style léger et sans prétention du film. Cette introduction confirme un véritable talent d'écriture, plaquant les mots sur la pellicule et l'image, sur le mur et les façades gigantesques des gratte-ciels. Attractif et universel, Medianeras est un grand petit film, rassurant, drôle juste ce qu'il faut et surtout très bien filmé. En furtive apparition dans le film, Jaques Tati et Woody Allen ne sont en fait pas si loin que ça ; on serait alors tenté de dire que Medianeras est le Manhattan argentin de Allen. Rien que ça. Pour enfoncer le clou, la musique de Daniel Johnston fait son apparition dans une séquence qui réunit par le montage les deux tourtereaux. Taretto prouve facilement à Sorrentino et Favreau qu'il est possible de faire du grand avec presque rien.
Alors oui, jusqu'ici, vous pourriez imaginer que la nouvelle formule TANKINO c'est un peu de l'arnaque puisqu'on ne parle que de films qui cassent pas vraiment la baraque. Mais le messie était attendu avec un film argentin. Le premier long-métrage de Gustavo Taretto, natif de Buenos Aires, qui aime et déteste sa ville, son architecture, sa grandeur et ses murs. Il raconte l'histoire de Martin et Mariana, tous deux phobiques, qui habitent l'un et l'autre à un numéro d’adresse différence de la même rue et qui ne se sont jamais croisés. L'histoire en elle-même n'est pas folichonne et on craint tous les quarts d'heure que le film tombe en mille morceaux tellement le choix du sujet semble faible. Et pourtant. Il y a de l'assurance certaine dans cette mise en scène épurée composée majoritairement de plans fixes. Il y a du talent certain dans la photographie, dans la construction de l'espace et chez ces deux comédiens qui font à eux deux avancer le film sans le faire trébucher. Les voix-off de Mariana et Martin soutiennent chacun leur tour le récit de façon simpliste et virtuose. Ces deux jeunes souffrant entre autres d'agoraphobie sont obligés de rester cloîtrés chez eux et découvrent le monde sur Internet. La scène où nous les voyons "chater" ensemble alors qu'ils habitent à cent mètres l’un de l’autre prend une tournure encore plus attrayante. Le film est destiné aux 25-35 ans, à ceux qui ont grandi avec les jeux vidéos, Internet et la drague en ligne. Chacun s'y retrouvera, à coup sûr.
La séance d'ouverture du film dure près de six minutes présentant des plans fixes d'immeubles de Buenos Aires, portée par la voix-off de Martin, comparant l'irrégularité de l'architecture de la ville à l'état d'âme de ses habitants. Ce qui pourrait paraître un peu pédant prend au contraire toute sa classe grâce au style léger et sans prétention du film. Cette introduction confirme un véritable talent d'écriture, plaquant les mots sur la pellicule et l'image, sur le mur et les façades gigantesques des gratte-ciels. Attractif et universel, Medianeras est un grand petit film, rassurant, drôle juste ce qu'il faut et surtout très bien filmé. En furtive apparition dans le film, Jaques Tati et Woody Allen ne sont en fait pas si loin que ça ; on serait alors tenté de dire que Medianeras est le Manhattan argentin de Allen. Rien que ça. Pour enfoncer le clou, la musique de Daniel Johnston fait son apparition dans une séquence qui réunit par le montage les deux tourtereaux. Taretto prouve facilement à Sorrentino et Favreau qu'il est possible de faire du grand avec presque rien.
Medianeras de Gustavo Taretto (4/5)