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10 avr. 2012

Alain Chabat: sur la route du Marsipulami

Illustration : Charlotte Stuby
Un journaliste raté (Alain Chabat) voit une dernière chance de se racheter aux yeux de son producteur de père quand on lui propose de partir en Palombie pour faire un reportage sur la tribu des Payas. Un vétérinaire du coin (Jamel) doit l’accueillir à l’aéroport pour le servir de guide et espérant toucher assez d’argent pour rembourser ses créanciers. Il profitera de cette expédition pour prouver que le Marsupilami n’est pas un animal imaginaire.

Parmi plus de vingt magazines français (Crikat lui donne 4/5, Les Inrocks de même et la pire note est de 3/5), la moyenne des notes attribuées au dernier film d’Alain Chabat est de 3,8 sur 4 – une réussite donc, à 2 décimales de la perfection et aussi bien que Titanic 3D ! Désirant retrouver la température décalée qu’avait réussi à apporter Chabat dans Astérix et Cléopâtre et voir l’animal imaginé par Franquin en synthèse et en poils, me voici entouré d’une centaine de mioches parés pour une bonne tranche de rigolade ! Après une bande-annonce qui m’avait laissé perplexe, les critiques dithyrambiques en France m’avaient poussé à aller voir Sur la piste du Marsupilami, film dans lequel (dixit Les Inrocks) on retrouvait l’humour « second degré » de l’ex-Nul dans un « spectacle complet, imaginatif, drôle et bon enfant ». Je ne sais pas ce que le journaliste des Inrocks a vu ou ce que Chabat a mis dans le verre des journaleux français lors de la projection de presse, toujours est-il qu’on est loin du « spectacle complet » et des explosions de rires promises. La petite fille de 8 ans sur le siège de devant qui se lève à chaque fois que le Marsupilami apparaît à l’écran valait heureusement le déplacement.



Sur la piste de Franquin
On retrouve certes quelques bonnes idées, comme celle de ne pas divulguer l’apparence du Marsupilami trop tôt et de faire ainsi patienter le spectateur devant l’animal mystérieux sorti tout droit de l’imagination du génial bédéiste français, André Franquin. L’auteur avait dit que faire une histoire avec le Marsupilami en héros principal était difficile (il lança pourtant une série où l’animal jaune à poids noirs en est la vedette) et avoua par après que ce personnage était plus facile et agréable quand il reste un personnage secondaire. Chabat a fait gaffe, et la bêbête sait ne pas trop être présente dans son film. Par contre, on sent que le scénario dévie dans tous les sens et que les plein-pouvoirs de réalisation offerts à Chabat nous donnent le tournis : les situations qui sont vraiment drôles passent en coup de vent alors que certaines séquences sur des personnages secondaires ne demanderaient pas tant d’attention. L’humour des Nuls semble bien loin et on fait face à une méga production en couleur qui n’arrive même pas à rendre le Marsupilami réel. Les répliques cultes sont à chercher à la loupe et la séquence du chien qui s’amuse avec la tête de Jamel fait rire uniquement par manque d’autres idées plus loufoques et absurdes. La venue d’un Farrugia aurait peut-être permis de sauver les meubles et d’apporter l’humour franquiniste qui manque cruellement au film.



Pas si Nul
Car Chabat a été le seul à réussir un très bon film tiré d’une bande dessinée comique. Dans Astérix : Mission Cléôpatre (seul bon métrage de la série), Chabat emploie l’humour absurde des Nuls à bon escient, et rejoue des scènes phares de l’album de Goscinny et Uderzo en lui redonnant une jeunesse nouvelle. L’humour des Nuls est basé sur ce que j’appellerais la « blague zéro » : le gag n’existe pas et réside dans son utilisation inédite de le faire tomber comme un bide, à la mode pipi-caca qui fait mouche. Dans Sur la piste du Marsupilami, l’ex-humoriste de Canal+ exagère le gag facile ; ce qui lui enlève tout son côté « bide » et le rend du coup inutile et surtout inutilisable. Alors évidemment, Chabat n’est pas bête et il sait qu’il peut compter sur Jamel, assurance tous-risques au bide complet, réemployant la langue de Balzac de manière parodique et hilarante. Les seuls moments véritablement drôles bondissent quand les répliques de Jamel traversent l’écran ; mais ce n’est pas assez pour nous faire oublier les nombreuses scènes pénibles comme les gags envers Céline Dion et le personnage de Fred un peu encombrant. Heureusement, Chabat réussit à recréer durant quelques minutes tout le meilleur qu’on connaît de lui : c’est la scène où l’on apprend, par un film projetée contre la paroi d’une caverne, pourquoi le Marsupilami est si important pour l’écosystème de la planète. On y retrouve les brillantes idées de ses premiers sketchs et de ses productions comme les Savez-vous que où l’humour marche à merveille. La médiocrité du film se transforme alors en hommage au génie de Franquin et de l’invention de ce super marsupial jaune et noir. A la fin, le film aura même un geste envers les fans de la BD… Houbba !

Sur la piste du Marsupilami (Alain Chabat, 2012)
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