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1 juin 2013

Kilbi 2013: vendredi


Illustration: Guillaume Dénervaud
Le deuxième jour, le Kilbi sort ses têtes d’affiches avec les américains Liars, Grizzly Bear et Fucked Up. Beaucoup de beaux noms, reste à savoir si le plaisir s’y retrouvera. Ne se cacherait-il pas plutôt sous des silhouettes plus imprévisibles ? Contribution tierce pour tout couvrir.
 
Pierre: Dans ce jour entre-deux, l’arrivée à Kilbi se fait plus tardive. C’est un peu dommage parce que l’on rate Peter Swanson. Les années passent et pour tenir les trois soirs, il faut s’accorder des moments wellness : patauger dans des bains thermaux et partager les repas familiaux. De retour, la fine équipe est remontée pour tout donner avec ou sans shot de vitamines.

Julien:  A peine plus rapide que toi sur place, je file directement dans le bus du projet de l'OFC Where The Hell is The Press pour empacter mon arsenal photographique. Dans ma tâche, je rate le même concert que toi (Swanson), aperçoit des groupes que je n'aurai pas dû voir (les terribles Mother Razorblade, Soley) et aperçoit de trop loin Minimetal pour juger pertinemment.


La crème du jour 
Pierre: Il y a une part de sacrilège à choisir un DJ set comme meilleur moment d’une soirée peuplée d’artistes internationaux reconnus. Il n’empêche que, suivant les multiples indices du plaisir, de la découverte, de l’inventivité musicale, c’est bien DJ Marcelle qui fut le coup de cœur de la soirée de vendredi. Le terme de « construit » ne semble pas pouvoir se rapporter à un set où, à chaque chanson, on passe véritablement du coq à l’âne. Tous les styles sont abordés mais à chaque fois par des titres jamais entendus et totalement délirants. Cela fait du bien d’entendre un set en pleine folie, tout en étant improbable, mélangeant sur un titre techno et guinguette, au mépris de tout dictat du bon gout. La salle s’en ressent, chacun danse en mode panache, sortant à l’occasion shazam pour vérifier que ces titres géniaux existent vraiment. Moi c’était "Put it back" de Solo Banton.

Julien: Ma petite crème du jour est un pari pour l'avenir: Pandour est un quatuor fribourgeois hautement recommandé sur place par notre ami Buvette et le boss du coin, Daniel Fontana. Une fois encore, le Club Stage, alias le Bad Bonn, était complètement rempli pour leur prestation à 19h30. L'idée n'était pas seulement de s'abriter; la formation soulève un enthousiasme rare pour un groupe local, sur fond de d'électro-acoustique proche des Whitest Boy Alive. La patte n'est pas encore présente, mais on sent pointer l'arrivée d'influences club réchauffant l'atmosphère. Le groove et les influences sud-américaines gagnent du terrain (le fantôme de Nicolas Jaar rôde) la jeune génération désactive le gain et les effets et, dans un élan post-digital, passe de Traktor aux guitares et vice-versa.


La déception du jour 
Pierre: Chargé de clore la programmation musicale de cette soirée, Pantha du Prince a eu bien du mal à s’adapter à la grande scène, choisissant de taper fort avec de grosses basses bien lourdes. C’est peu dire que la posture du bourrin ne lui convient pas. Un concert d’autant plus décevant qu’entre les boom boom, la finesse des nappes se devinait parfois. On aurait préféré nettement une transposition live de son projet avec The Bell Laboratory.

Julien: Totalement d'accord. Il y a comme un non-choix entre le jeu live et la tentative de mixer ses compositions. C'est la troisième fois que je vois Hendrick Weber pour autant de déceptions, sa prestation démontrant encore une fois toute la difficulté d'adapter des compositions jouant sur plusieurs niveaux de strates, alignées ou ou entrechoquées avec subtilité. On ne peut que chérir d'autant plus une écoute intime de l'incroyable album BLACK NOISE sorti en 2011. Déception à peine réduite pour Connan Mockasin, sur la grande scène à 21h, auteur la même année du space-pop FOREVER DOLPHINE LOVE. Sa direction musicale sur la corde (mi-branleuse, mi-barrée) ne tire pas profit de la configuration acoustique de la grande scène, pour ainsi complètement passer au travers.


Le craquage de slip du jour 
Pierre: Au taquet. Du début à la fin de leur concert, les Liars ont totalement craqué. Pas la moindre guitare. Que des gros synthés bien cold wave et un chant guerrier destiné à maintenir la tension à son comble tout du long. On est d’abord soufflé par cette fougue puis assez vite lassé par une musique qui se rêve proche de la techno et en oublie les fondamentaux du groupe, à savoir un son à la fois punk et planant.

Julien: Rien d'extraordinaire à se mettre sous la dent, si ce n'est cette performance improvisée de Julian Sartorius dans le bus du projet de l'OFC – prestation à voir ci-dessous. Il était demandé à Sartorius de jouer trois rythmes. Trois rythmes qui seraient les reflets de trois états émotionnels distincts : la colère, la mélancolie et la joie. S'ensuit une prestation déglinguée: le journaliste est un malin, l'artiste un doux dingue. Le lendemain, son concert en ouverture de journée comblera un public attentif.


Le tour du monde 
Pierre: Vu l’arrivée tardive, peu de concerts vus ce vendredi. Tant Grizzly Bear que Fucked Up furent des concerts difficiles à intégrer. A moins de prendre d’assaut les premiers rangs. Le concert de Grizzly Bear sonnait bien plat, ne laissant entendre qu’un folk barbant sans laisser paraître les inventivités musicales. Quant à Fucked Up, le problème tient peut-être au fait que ce genre de groupe s’adresse avant tout à des initiés. Effectivement leur punk, sous ses atours lourdaux, renferme des mélodies pop hyper fraiches. Malgré ça, le genre ici sur-joué a fermé l’accès de ces qualités à de nombreux festivaliers.

Julien: Hormis Fucked Up, ce vendredi n'était décidément pas le jour des groupes à cordes. Liars a pour moi perdu toute sa substance, alignant les titres de SISTERWORLD et de WIXIW comme anesthésié. Elle est où leur violence d’antan? Quant à Grizzly Bear, que je voyais ici personnellement pour la première fois, je dirai que le concert laissa une grande partie du public froid ou carrément moqueur par la seule faute que les titres du dernier LP SHIELDS entamèrent leur concert ; gagnant en production ce qu'ils perdent en âme, ceux-ci déservent le propos d'une formation pourtant si astucieuse, raffinée et en même temps incisive. Il faut attendre 35 minutes et "Foreground" (de VECKATIMEST, 2009) pour que tout prenne forme, les structures plus effilées des précédents disques étant mieux retransmises sur la grande scène. Mention à l'élégant "Ready Able", alors que notre montre indiquait déjà un samedi prometteur.