MUSIQUE      CINEMA      ART + LIVRES      POST DIGITAL

8 févr. 2011

MUSIK TANK: LA FIN DES ANNéES 2000

Photo: Julien Gremaud

En dix jours, c'est une série d'événements successifs, certes attendus voire même annoncés, qui ont définitivement permis de tourner la page de la première décennie du XXIème Siècle. Musicalement donc, en tout cas.

Trois séparations. Enfin, de nouveaux horizons pour trois façonneurs du paysage musical des années 2000. Le retour du rock à guitares, (parfois) enregistré en analogique (The White Stripes); la fusion parfaite de ces mêmes guitares avec des machines électroniques qui commençaient à tirer la gueule à force de tourner en rond (LCD Soundsystem); et puis un rap enfin revenu à visage humain, avec un beau cockney en prime (The Streets).

"Everything is borrowed" titrait l'ouverture du quatrième album éponyme de The Streets. Mike Skinner, ce kid de Birmingham, trouvait là l'épitaphe des années 2000. Une décennie étrange, pas franchement qualitative à défaut d'avoir semble-t-il encore accéléré les turn-overs. Tout a été dit ou presque, l'avènement d'Arcade Fire notamment pour le grand public indie, mais surtout l'irruption du génie d'Animal Collective, en avance sur tout le monde sans aucun doute. D'un point de vue moins formel, trois autres groupes figuraient eux aussi dans les must-have de la décennie, trois groupes qui viennent de mettre la fèche à droite. The Streets donc pour débuter. Avril 2002, sortie d'ORIGINAL PIRATE MATERIAL, un classique immédiat, le son du futur, ou presque. Un coup fatal porté à la crédibilité chancelante du rap US. "Go classic, not best seller": la Grande Bretagne signait son retour là où on ne l'attendait plus, fière, incisive, surprenante (qui d'autre peut caser de la 2-Step ou du Broken-Jazz sur un album de rap et vendre?) et fonçant droit dans le mur en excès divers, ici splendidement secondé par The Libertines, autre groupe vital de 2002. Ensuite, Mike Skinner sortira le plus accessible A GRAND DON'T COME FOR FREE avec le putassier "Fit But You Know It", sorte d'hymne pour hooligans 2.0, puis deux albums un ton en-dessous, avant d'avertir l'assistance que The Streets ne dépassera pas le cap des 5 albums. COMPUTER AND BLUES est ainsi le chant du cygne d'un one man band brillant, intelligent et même amusant sur scène. Personnellement, j'ai depuis longtemps posés les disques de cet anglais aux côtés des premiers albums – énormes – de Nas. Mike Skinner a déjà entamé depuis une poignée de mois sa réorientation cinématographique, tout en n'excluant pas un retour possible.


LCD Soundsystem ensuite. Là aussi un presque one man band en la personne de James Murphy. Une issue qui était là aussi fortement prévisible pour le co-fondateur du label DFA. En l'espace de deux ans pour deux albums, le nounours new-yorkais a fait de LCD Soundsystem la chose la plus bandante à passer sur les dancefloors et ailleurs. Sommet du bon goût, le groupe avait aussi réussi à mettre tout le monde d'accord niveau produit fini: l'éponyme en 2005 et SOUND OF SILVER en 2007. Avec pour chaque album sa ballade stellaire, dans la lignée de Pink Floyd ("Never As Tired As When I Wake Up" et le flippant "New York, I Love You But You're Bringing Me Down "). Plus tranchant, le deuxième album tenait quelques morceaux de grande envergure, hymniques et jubilatoires, alors que l'album éponyme était plus uniforme, plus smooth mais cela dit tout autant indispensable. On oubliera par contre volontiers dans les annales l'épilogue de LCD, THIS IS HAPPENING, redite pas franchement extraordinaire et sentant le réchauffé. Après, on est cruel en enterrant cet album, car beaucoup signeraient sans broncher pour un tel album. Enfin, cette même semaine sorti aussi la dernière breaking news: The White Stripe, c'en était fini. Ah bon? Car ici aussi, ça sentait le roussi depuis une paie. Entre l'excellent ICKY THUMP en 2007 et 2011, seul un documentaire aussi splendide qu'attristant – Under Great White Northern Lights (2010) – avait permis de se rappeler que Jack White n'était pas seulement un membre prestigieux des Raconteurs et Dead Weather. Avec son amie d'alors Megan Martha White, John Anthony "White" Gillis s'était naturellement imposé comme le parrain d'une certaine idée du retour du rock. Si aujourd'hui son nom est partout, présent au chevet de vieilles gloires américaines ou encore dans les Simpsons, Jack White avait su la jouer discret alors qu'on assistait à une guerre anglophone, des meilleurs groupes du monde en veux-tu en voilà.


Aujourd'hui, je suis malade et les années 2000 sont finies, avec une année de retard sur le planning. Je ne peux écouter "Fell In Love With A Girl" ou "Thrills" plus fort que 60 décibels, et ça fait bizarre, comme une veillée de fin de règne, comme si l'on devait rapidement tourner la page comme on prend des coupes-grippe dans son lit. J'aurai eu la chance de voir deux fois sur scène tant The Streets que LCD Soundsystem, avec des souvenirs contrastés, entre joie et petite frustration tant le talent de Skinner et Murphy était quasi impossible de se retranscrire en live. Je n'ai cependant jamais eu la chance de voir The White Stripes sur des planches. Dommage, mais il fallait se lever tôt pour espérer voir le meilleur duo des années 2000 en concert (aucun passage en Helvétie à ma connaissance). Aujourd'hui, ou hier, les années 2000 ont pris fin. Aujourd'hui, on a du se contenter de 30 secondes en forme d'attrape nigauds pour célébrer le grand retour des Strokes, groupe si banal à côté des trois susnommés, ci ce n'est le premier album, IS THIS IT. Pas de quoi me redonner le sourire et encore moins m'enlever mon mal de tête. Passons… Vite fait, trois vidéos. Trouvez l'intrus.