Illustration: Mikhaïl Nesterov / Julien Gremaud |
Difficile de situer objectivement Panda Bear, et je ne sais comment légitimer ce qui tient au goût personnel, il n'empêche qu'on ne peut remettre en question le fait que ce type est à la fois partout et nulle part. Partout, par ses collaborations nombreuses et toujours fructueuses. Nulle part parce que ses tournées en solo se réduisent à chaque fois, du côté européen, à une poignée de dates. Cette fois, avant Londres, Manchester et Porto, il passait par Paris. L'occasion d'assister enfin à un concert du gars était trop belle pour être ratée.
La soirée s'annonçait d'autant plus belle, que le concert se déroulait dans la Gaité Lyrique qui a confirmé les bonnes premières impressions: la salle se trouve face à un square; le bâtiment, dont le charme transparait sur la façade et dans un bar fort ornementé, s'est doté en son sein d'un écrin où la qualité du son prime sur le décor. C'est plein d'excitation que je me presse vers l'avant du concert. Enfin, je vais voir le membre d'Animal Collective qui a sorti deux albums excellents, le récent TOMBOY et le génial PERSON PITCH. Et ce soir, il est plus que bien accompagné. Aux samples et à la table de son, officie Sonic Boom. Rien d'étonnant quand on sait que c'est ce dernier qui, après CONGRATULATIONS de MGMT, a produit le dernier album de Panda Bear. Néanmoins, il serait stupide de minimiser le plaisir de voir sur scène cette collaboration entre le membre d'Animal Collective et un musicien aussi mythique, que ce soit dans ses projets Sonic Boom/Spectrum mais surtout en tant que musicien des incroyables et toujours influents Spacemen 3. Au-delà du côté Dream Team de cette association, la collaboration joue parfaitement son rôle en direct, Panda Bear peut se concentrer sur sa seule guitare et son chant tandis qu'à côté de lui Sonic Boom traffique constamment, touchant, triturant, boostant, accélérant. Ainsi tout le monde y gagne, la voix ne s'oublie pas pour lancer les samples, tandis que le fond sonore se fait beaucoup plus riche, plus réactif et plus fin, grâce à l'attention que lui porte Sonic Boom.
L'image qui vient pour parler de la musique de Panda Bear est celle du tourbillon, tant pour sa dimension répétitive que pour son aspect fluide. Cette dimension est renforcée ici par des visuels qui tourneront au sens propre, montrant des tourbillons de couleurs, un couple faisant l'amour dans les montagnes russes et un requin hapant sa proie, le tout haché par le crépitement des flashs. L'ensemble du concert se donne comme un tout, ne connaissant presque aucune pause, jouant sur ce qui fait l'essence de la musique de Panda Bear, c'est-à-dire une base mélodique très répétitive, poussée jusqu'à une forme de transe, derrière laquelle s'épanouissent des paysages sonores. Comme dans un océan, où chaque vague est une répétition de la précédente mais est toujours unique et porteuse de nouveaux trésors. En live, tant Panda Bear que Sonic Boom, n'hésitent pas à aller encore plus loin aux creux des vagues, se gorgeant de l'écume sans même les briser. Bien plus que sur album, Panda bear s'autorise à transformer son chant en cri animal, en poussant la lancinance de son ton; Sonic Boom n'est pas en reste, emportant certains titres jusque dans des territoires quasi techno. Les chansons de TOMBOY s'enchaînent, et s'il faut retenir des titres en particulier, ce sera "You Can Count On Me" et "Last Night At The Jetty". Les boucles résonnent encore plus fort en live, on se prend vagues après vagues en fermant les yeux. A peine le temps de s'enlever le sel à la fin du set que le rappel nous met définitivement la tête sous l'eau avec deux titres de PERSON PITCH: "Comfy In Nautica" et "Bros". Monstrueux, magnifique, je m'envie moi-même d'avoir pu entendre ces chansons en live, encore plus belles et poignantes que sur album. Vous l'aurez compris, ce concert n'a fait que renforcer ma conviction que Panda Bear est un des musiciens les plus talentueux de nos décennies.