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Illustrations: vitfait (février-novembre 2011) |
160 albums présentés en neuf mois de Speaches, chroniques au long cours / solution miracle pour parler de l'actualité en toute liberté. Transgenres, nationaux ou exotiques, concrets ou fumeux: tenir une ligne éditoriale sur une telle rubrique était audacieux. Au pire: de quoi expliciter subjectivement ce que fut 2011 en musique. Au mieux: un recensement dense et sincère, abordable à tout moment.
Février 2011
Disques du moisJulien: PJ Harvey, LET ENGLAND SHAKE
Pierre: James Blake, JAMES BLAKE
Pierre: On débutait pour cette formule Speaches, on était à la fois hyper ambitieux (« on parlera de chaque sortie ») et encore tâtonnant. Février, cela semble déjà loin et avec ce regard, on se rend compte qu’on a surestimé certains albums, qu’on est passé à côté d’autres et surtout qu’on a totalement oublié à quoi ressemblaient tous les autres. Ainsi, même avec du recul, j’ai toujours du mal à juger le disque éponyme de
James Blake. Cela reste un disque important, du fait de l’échos qu’il a rencontré, malgré un son fait d’hyperdub et de longues plages de silence. Mais au fond, je pense quand même que cet album est décevant, surtout par rapport aux précédents EP de James Blake. Les très beaux moments ("Lindesfarne") pâtissent du voisinage de titres trop propres et sans mordant. Bon, en même temps, si les gens se mettent à écouter ça, on va pas se plaindre non plus.
Julien: Non bien évidemment. Toutefois, nous reprochions déjà à l'époque un manque évident de morceaux-clés: « j'y vois un véritable génie derrière les boutons, mais qu'en est-il des compositions? ». Par composition, j'entendais peut-être le terme tube, à l'instar de ”Limit To Your Love”: à l'heure des bilans, c'est un peu dur dur pour Blake, seul une reprise (de Feist donc) se sera dégagé du LP. Toutefois, je reste archi-convaincu que cet album fait partie des toutes bonnes productions et mieux, qu'il est important pas seulement parce qu'il explicite ce concept nouveau de
post-dubstep, mais bien parce qu'il s'agit à coup sûr du début d'une très longue carrière. Alors, qu'il y ait des tubes ou non, finalement on s'en fiche. Surtout que je n'aurai fait qu'intervertir mes morceaux préférés de ce LP durant toute l'année, trouvant à boire et à manger selon l'instant.
Pierre: Par contre, le
PJ Harvey (LET ENGLAND SHAKE), je l'avais à peine écouté à l’époque et ce n’est que quelques mois après que je me suis rendu compte que c’était un tout grand album, comme tu l’as senti direct Julien. Des titres tous beaux à pleurer, une simplicité des instruments qui bonifient la sophistication d’une écriture juste bouleversante. Sûrement, le seul album de 2011 qui mérite l’adjectif de magnifique.
Julien: Où "
The Glorious Land" pourrait bien être le morceau à guitares de l'année. Le clairon l'annonce: voici un morceau de guerre (avec des références russes et afghanes), un monstre de vaillance et, finalement, le véritable réveil de Polly Jean après pas mal de temps passés à la campagne (et à l'instrospectif WHITE CHALK, paru en 2008). Pour moi, cet album fait un grand écart entre le Harvey postadolescent et le Harvey quarantenaire. C'est crûment parlé, mais reste que ce 12-titres s'affiche véritablement comme le dernier rempart d'un rock absent des tablles 2011.
Pierre: Je finissais ce premier Speaches sur une question : qu’est ce qu’on peut trouver de bien à
Cut Copy ? Près d’une année plus tard, personne ne m’a encore répondu et leur concert à Barcelone ne m’a permis de trouver plus d’indices à ce mystère.
Julien: Oui, comme quoi ce Speaches inaugural nous présentait comme très poli. J'aurai dû te dire que franchement je te ne comprenais pas sur ce point. Parmi les autres faits marquants du mois, on notera l'arrivée sur la pointe des pieds de
SBTRKT avec un EP, avec son explosion en fin d'année et ses méga-tubes. Par ailleurs,
Nicolas Jaar sortait son premier album, SPACE IS ONLY NOISE. Comme James Blake, Jaar étonnait: comment peut-on livrer de telles bombes électro et finalement livrer un album sans aspérité, voire, pour le grand public, sans point d'accroche? Nonobstant la déception générale selon mes propres sondages, je placerais cet album en haut de ma liste, sans doute largement influencé par ses énormes prestations scéniques, avec des ultra-
geeks en
backing band, faisant tournoyer le jazz et l'électro d'une manière flamboyante.
Mars 2011
Disques du mois
Pierre: The Weeknd, HOUSE OF BALLOONS
Julien: Robag Wruhme, THORA VUKK
Pierre: Ce fut un sacré mois et un sacré Speaches. Avec la fierté de ne pas être passé à côté de certains albums importants. Ainsi, on parlait tout de suite de
The Weeknd qui vient de sortir une nouvelle mixtape. Sur le moment, comme tu le signalais, cela a suscité pas mal de réactions sceptiques voir moqueuses. Mais moi, je maintiens que HOUSE OF BALLOONS est un des albums de l’année. C’est clair que c’est hyper cul et que si t’invites quelqu’un à boire un verre chez toi et que tu passes ça comme musique, il va vite interpréter tes intentions. Au fond, je ne vois pas en quoi ce serait une critique que d’être hyper cul. The Weeknd plonge dans l’essence même du R’N’B : le sexe et ils vont franchement. Le tout est réalisé avec intelligence, mêlant rythmes lents et samples raffinés. Voir le son de Beach House, si amour éthéré, se transformer en sensualité dégoulinante, c’est franchement bon. Je pensais que ce serait lassant, mais ce n’est même pas le cas.
Julien: Rétrospectivement, je me demande si, finalement, ce n'est pas The Weeknd qui est la source créative de la rubrique Sensuelle Séduction… Si elle n'a pas été très rock, comme je le disais, l'année 2011 aura été ultra-love, et l'on ne s'est pas gêné de le faire partager aux platines ou lors de nombreuses chroniques ou mixTTapes.
Pierre: En ce mois de mars, étaient sortis les albums de deux de mes groupes préférés. Tout d’abord, ANGLES des
Strokes. Malgré le fait que la plupart d’entre nous sont des fans, à Think Tank, il y a eu vraiment consensus quant à la faible qualité de cet album. J’ai récemment essayé de lui donner une seconde chance. En vain, malgré 2-3 titres à sauver, le tout noye les bonnes idées dans des chansons ennuyeuses pleine de fautes de gout évidentes. Tout le contraire de DOLPHINS de
Mi Ami, un groupe monstrueux dont je n’arrête pas de dire du bien et je persisterai jusqu’à ce qu’enfin il soit assez connu.
Julien: Nous avons pris positions certes, plutôt deux fois qu'une sur le dernier Strokes, toutefois je me souviens de discussions avec certains critiques et disquaires les défendant honnêtement. Que le groupe soit en naufrage, c'est possible, mais ANGLES aurait plusieurs pistes de lecture et, finalement, bien plus de tubes que la majorité des albums à guitares sortis cette année. Je propose qu'on lui laisse passer l'épreuve du temps, histoire de voir s'il gardera la tête haute face aux deux premiers albums définitifs du groupe new-yorkais.
Pierre: Une chronique spéciale avait été dévolue à BOYS AND DIAMONDS de
Rainbow Arabia. Quand je me relis, je trouve que je m’emporte un peu trop pour un album certes pop, drôle et un peu dansant mais loin d’être extraordinaire. Difficile de se rappeler plus du nom de plus de deux titres, un disque pop très éphémère donc.
Julien: Nous aurions dû donner une chronique entière à
Robag Wruhme et son petit chef-d’œuvre THORA VUKK, aussi pour célébrer une musique électronique en verve, créative, hédoniste mais maligne. Pas mal de mixTTapes ont allègrement franchi le pas du tout-électronique, voire de la minimale, reste qu'elles traduisent bien un constat: après les années 2000, les gens ont de nouveau envie de s'amuser sans attendre une heure derrière des barrières de concert. S'amuser sans sticks fluo dans les dents ni gants blancs toutefois. En 2011, l'électronique est sobre et efficace. Ce mois-ci sortait aussi la production du Berlinois
Mike Denhert, autrement plus vénère que Wruhme. A côté, Lykke Li ou The Pains of Being Pure at Heart paraissent tous légers à leurs côtés.
Avril 2011
Disque du mois Pierre: Panda Bear: TOMBOY
Julien: King Creosote & Jon Hopkins: DIAMOND MINE
Pierre: Un mois une fois de plus surchargé et où t’étais hyper chaud Julien. Mais ici quelques critiques peuvent m’être adressées. Je trouve que certaines chroniques d’album sont un peu courtes et surtout souffrent d’une écoute pas assez attentive. Le disque du mois, TOMBOY de
Panda Bear, se trouve en dehors du Speaches et ne relève pas le niveau. Ce manque d’accroche du Speaches s’explique parfois par des albums sans reliefs comme ceux de
TV On The Radio ou
Cold Cave mais par contre je passe totalement à côté du
Metronomy alors qu’il figure pour beaucoup dans le top de ce qui s’est fait cette année. D’ailleurs Julien, tu l’as fait figurer dans ta sélection des meilleurs moments culturels. En relisant, je me rends également compte que je n’ai toujours pas écouté le
Tune-Yards. Allez je prends la résolution de la faire sous peu, surtout qu’ils seront au Bad Bonn le 20 février prochain.
Julien: Alors oui, bien sûr, on a merdé sur le coup Metronomy, mais j'y vois peut-être notre posture parfois trop pragmatique. Rappelles-toi, avant ce ENGLISH RIVIERA, Metronomy ne sentait hyper bon, enfin, pour parler brièvement, ce groupe tapait dans le
hipster – même si j'avais été étonné du meneur de Brighton lors de mon interview en sa compagnie en 2009. N'en faisons pas trop grand cas et savourons ce LP qui a vraiment tapé dans le mille, avec sa pop ultra lustrée et pourtant si immatérielle.
tUnE–yArDs tu veux dire Pierre. Tu devrais, j'avais consacré un article spécialement dévolu à l'album de la folle demoiselle, ainsi qu'une vidéo. Pour ma part, je suis assez étonné que l'album DIAMOND MINE de l'association entre King Creosote et Jon Hopkins n'ait pas retenu l'attention de tout le monde au printemps. Il fallu attendre l'automne pour que tout le monde se réveille. Après, il y a plus accrocheur que King Creosote, et, en ce qui concerne Hopkins, il faut déjà un peu s'aventurer sur les pistes électroniques pour le connaître. Selon moi, cet album aura été largement sous-estimé. En attendant une nouvelle et belle production de Creosote?
Julien: J'en profite pour rappeler que nous n'avions malheureusement pas mentionné l'album de Conan Mockasin, sans doute par manque de temps. FOREVER DOLPHIN LOVE demande du temps pour rentrer dans le trip du Néo-Zélandais, entre romantisme
beautiful loser et grands acts de psychédélisme. L'été, Mockasin se rattrapait en nous clouant sur place lors du festival Nox Orae, à la Tour de Peilz. Quelques expérimentations à la limite de l'absurde, mais surtout de grands morceaux, dont le titre éponyme.
Mai 2011
Disque du mois
Pierre: Gang Gang Dance, EYE CONTACT
Julien: Chad VanGaalen, DISAPER ISLAND
Pierre: En disque du mois, j’avais choisi EYE CONTACT de
Gang Gang Dance et, encore une fois, je ne me dédie pas. C’est album n’a retenu qu’une attention discrète. Pourtant à la fois bizarre, naïf, parfois pop, ce disque restera peut-être une des rares fois où un groupe
underground se plie au jeu d’assouplir sa musique avec succès, comme l’avait fait Ariel Pink un an plus tôt. Quand on écoute EEYE CONTACT, c’est catchy comme un vieux jeu vidéo et pourtant les chansons partent dans toutes les directions et certains sons n’ont vraiment aucun sens.
Julien: Et surtout un gros gros premier titre, "Glass Jar", d'une douzaine de minutes de progressive 2.0.
Catchy comme l'est le reste de l'album effectivement, mais
catchy bizarre tu ne trouves pas tout de même? J'ai moi aussi adoré cet album et eu pas mal de plaisir à le repasser au fil des mois, mais tout cela est un peu tordu non? A part ça, tu te souviens qu'on n'avait ni parlé du premier LP des supra-hypeux de
WU LYF et du prof' de philo
John Maus (bien que l'on se soit rattrapé avec des chroniques de concerts ultérieures)? Ah mais attend, il y avait un autre
buzz…Pierre: C'est net, dans ce mois de mai, le
buzz Odd Future battait donc encore son plein alors que l’album de Tyler The Creator sortait. Le terme de "buzz" semble adéquat, tant le phénomène est retombé, du fait il est vrai de l’incroyable richesse au niveau hip hop cette année. Surtout, ce disque fut une véritable déception, pas si trash que ça et très monotones. Resteront les excellentes précédentes mixtapes du collectif, tant celle de Tyler que celle de Earl. Un bon coup pied dans le cul du rap ricain comme allait bientôt en recevoir le rap cé-fran. Sinon, c’est drôle, sur le moment je n’avais pas vu que tu évoquais rapidement
James Pants, alors que je le considère comme un des trésors cachés de cette année, très foutraque mais gorgé de génie mélodique comme sur "Clouds on the Pacific".
Julien: Assez discret James Pants, et peut-être plus efficace que Damon Albarn et sa piste Gorillaz, dans le registre
pop touche-à-tout. Pour ma part, j'avais zappé
Zombi, artiste électronique qui fera finalement parler énormément de lui. Le truc de dingue c'est qu'on a oublié de chronique
Africa HiTech – 93 MILLION MILES – ou je ne me trompe Pierre? Tant de magazines placent cet album dans leur top annuel. En même temps avions-nous déjà la tête dans l'incroyable tourbillon Shabazz Palaces. Mais tout de même Pierre, comment a-t-on pu?
Juin 2011
Disque du mois
Pierre: Shabazz Palaces, BLACK UP
Julien: Shabazz Palaces, BLACK UP
Julien: Donc ce BLACK UP de
Shabazz Palaces, unique album nous ayant gagné la palme de la double nomination. Est-ce pour autant l'album de l'année? C'était le mois juin, juste avant l'été, le gros boulot et pourtant les jours
cools naissants. Fallait-il en faire autant pour ce sombre disque? Un peu abasourdi par l'
expérience vécue, j'écrivais: « Il n'y a pas grand chose à dire sur ce LP: c'est une tuerie qui effectivement va tout défoncer ». Ecrire pour ne pas dire grand chose. Fait plus intéressant et révélateur toutefois: le label archi-rock Sub Pop était le signataire dudit album. Formellement, est-ce toujours aussi intéressant six mois plus tard?
Pierre: Pour moi, le fait que ce soit le seul disque qui ait eu cette double nomination, c’est tout sauf du au hasard. Un album complet, intelligent, varié, accrocheur. Chaque titre comporte plus de moments différents que la plupart des albums actuels. Les basses tabassent. Rien qu’avec les trois premières chansons, BLACK UP aurait été mon album de l’année.
Julien: Il y au aussi ce morceau presque pop au milieu d'exercice: "Endeavors for Never (the Last Time We Spoke You Were Not Here I Saw You Though)", une sorte de trip hop ultra-cool, saxophone à la clé. Il s'agit du meilleur exemple de cet album effectivement sombre mais frais, pas franchement oppressant, même ça rape la voix rauque, le timbre bas. Et si tu veux vraiment danser, il y a le final "Swerve the Reeping of All that is Worthwhile (Noir Not Withstanding)".
Pierre: Avant la venue de
WU LYF à Montreux, je trouve qu’on a fait un bon topo sur le groupe, sortant de la critique stupide de tout ce qui serait « hipster » et jugeant le groupe sur sa musique et son très surestimé album au nom déjà assez chiant. A côté, le rock ricain s’en sort pas mal avec
Ty Segall et
EMA, rien de nouveau, mais des albums qui avec le recul constituent les rares bonnes sorties aux rayons rock, auxquelles on doit évidemment ajouté 936 de
Peaking Lights. Par contre, décidément, il y a tant de choses qui sortent que je n’ai toujours pas pris le temps de bien écouter le John Maus. Deuxième bonne résolution.
Julien: Impossible d'écouter GO TELL FIRE TO THE MOUNTAIN - de WU LYF donc - plus longtemps que deux ou trois titres, du fait des voix me mettant mal à l'aise. Sinon, musicalement, c'est irréprochable, et je le pense honnêtement… Quant au
Peaking Lights, je le laisse tourner sur la platine, à l'aise, en attendant que les temps tropicaux reviennent.
Juillet–août 2011
Disque de l'étéPierre: ROWBOAT VOL.5 (Compilation)
Julien: Moonface, ORGAN MUSIC NOT VIBRAPHONE LIKE I'D HOPE Pierre: L’été, c’est un peu moins de sortie et cela fait du bien. Mais tout avait commencé avec LA SOURCE de
1995. Le premier grand succès de Think Tank. Après une soirée avec des potes à écouter ce groupe, j’ai senti qu’il fallait faire vite et essayer de publier avant les autres. Pari tenu. Après ça m’a fait plaisir que Nekfeu ait posté l’article sur son Wall sur Facebook, ce qui a entrainé un nombre impressionnant de lectures. Pourquoi cela s’est passé avec 1995 et pas un autre groupe ? Déjà parce qu’il s’agit d’un groupe francophone dont les fans peuvent lire nos articles mais surtout parce que c’est le truc le plus frais qui soit sorti depuis longtemps, instantanément accrocheur.
Julien: J'en reviens aux singles, qui devraient en appeler plein d'autres: "La Source" bien sûr, proche de la Fonky Family, au dernier couplet un peu absurde quant aux intentions réelle du sextet, le rigolo "Milliardaire", ou le très joli "Reflexxxion". Par dessus tout, Nekfeu, petite furie aussi vénère que sûr de son fait. Ce mec / lance flamme est la future star française des années 10, en solo assurément. Pour ce qui est de 1995, LA SUITE arrivera en mars, déjà, avant que tout n'implose, par trop de flamboyance.
Pierre: Tu as dit avant que 2011 avait été une année bien love. Confirmation avec
Araabmusik qui signe une mixtape dont la sensualité kitsch est presque violente et qui aurait mérité une place de disque du mois pour sa transe sans gêne. Le nouvel album des
Rapture se voulait lui aussi assez love mais leur concert m’a peu convaincu de leur capacité à bien dégager de l’amour et je n’ai donc toujours pas pris le temps de bien écouter cet album.
Julien: Le concert au RKC de Vevey n'était pas mauvais: j'ai trouvé le groupe impressionnant de maîtrise. Mais The Rapture n'a jamais fait l'unanimité dans le giron des chauds du rock. Il est toutefois de bon ton d'admettre que leur premier vrai album ECHOES fait partie des choses à écouter pour comprendre ce qu'il s'est passé durant la décennie passée, influencée mais astucieuse. IN THE GRACE OF YOUR LOVE me paraît cohérent mais manque d'audace, alors même que le groupe new-yorkais a su évoluer. Bizarre? Parmi les titres retenus, il y a leur chant du cygne, l'éponyme "In the Grace of Your Love", sorte de "New York I Love You" de LCD Soundsystem, pour bien terminer une belle nuit; l'ouverture "Sail Away", présente, pas compliquée mais efficace; "Come Back to Me" qui pousse le vice
house à l'extrême mais qui, du coup, réussit parce que c'en est trop. Il y a des horreurs absolues sur cet album: n'en retenons que les 2-3 coups de génies du groupe. Avant de mettre la flèche à droite, définitivement?
Pierre: Trois albums auraient pu être sorti de la rubrique Speaches pour figurer dans un article musique hantée : RAIN FOREST de
Clams Casino WANDER/WONDER de
Balam Acab et WITH U de
Holy Other. Trois excellents albums qui ont démontré à quel point le label Tri Angle a progressé tout au long de l’année, au point de devenir incontournable. J’aurai sûrement du faire l’effort d’écrire un article à part mais j’avais peur que la rubrique musique hantée souffre de trop de répétitions.
Julien: Tu n'as d'ailleurs pas mis la production du label Tri Angle dans tes meilleurs moments culturels pour rien… Pour ma part, je suis un peu moins enthousiaste que toi sur ces livraisons, en terme de morceaux mêmes. Le son, d'accord, mais, à l'instar de James Blake, n'est-on pas dans un leurre sonore, épuisant souvent toute scène émergente, à trop vouloir reprendre des codes naissants? Peut-être me manque-t-il de la chaleur humaine?
Pierre: C'est sûr que cela fait un peu hype. Mais, moi je pense qu'il faut se réjouir de l'émergence d'un label comme Tri Angle avec une identité forte et je trouve qu'il y a beaucoup de chaleur humaine dabs Balam Acab. En disque du mois, j’avais choisi la compilation
Rowboat. Ce choix, je ne l’ai pas fait pour des raisons de sympathie mais parce que j’estime que la qualité de différents titres s’imposent d’elle-même. J’écoute souvent différentes compil de musique indé américaines ou françaises, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Rowboat joue dans la même ligue et fait même preuve de plus de qualité et de variété dans ce qui est proposé. Alors, oui c’est mon disque de l’été, et ce malgré la sortie de nombreux albums de qualité.
Julien: Juste. Cédric Streuli et Patrick Vermeulen font vraiment un excellent boulot, au prix d'une éthique irréprochable et d'une certaine lenteur bénéfique. Rappelons que la compilation n'est sortie que sur vinyle, en quantité réduite (écoutable sur leur
BandCamp tout de même). S'il y a des hauts et des bas, je retiens l'ouverture "Pritzkerprize and Hay Fever" de Kurz Welle, son frère d'arme Vinci Vince avec "Island"ou "Empty Jail" de Monoski, un duo à l'envergure internationale. De leur côté, les patrons de Rowboat expérimentent dans ce qui est vu comme une mise en bouche de leur production personnelles à venir (un deuxième LP de Buvette débarquant du Mexique et un premier album de Überreel imminent, respectivement). On va pas se lancer des fleurs, mais il y a de quoi être fier de leur faire un petit peu de promotion au vu des prédispositions.
Septembre 2011
Disque du mois
Julien: Dixon, LIVE AT ROBERT JOHNSON, Vol. 8
Pierre: Neon Indian, ERA EXTRANA
Pierre: Je trouve personnellement qu’en cette fin d’année le niveau musicale général s’est affaibli, ce qui se voit notamment dans le choix de disque du mois. Le
Neon Indian n’est pas mauvais et ne casse pas des briques. Aussitôt apprécié, aussitôt oublié. Le dernier Girls vient donner un signe en plus de l’affaiblissement de la scène indie rock américaine. Je trouve même ma critique trop indulgente. D’ailleurs, je me rends compte que je m’emballe souvent pour des disques pas si époustouflant que ça et qu’à la fin de l’année il faut faire le tri. Ainsi les
Stepkids et
Blood Orange m’ont vite lassé, mais reste le travail d’orfèvre de
Zomby ou
Megafaun.
Julien: Sun Araw était impec' non? Il est vrai que je m'étais un peu emporté sur Stepkids: « Attention, c'est du lourd, de la catégorie pop qui sait se vendre et persister. Ce trio sera aussi énorme que l'a pu être récemment Gnarls Barkley «, mais je reste persuadé que cet album OVNI aura un retentissement justifié dans quelques temps. On n'oublie pas de si bons talents. Blood Orange et Neon Indian ne sont que des projets non pas futils mais banals, sous couvert de coolitude. Reste le CORACLE de
Walls: « Toujours proche d'une certaine idée de l'électronica défendue par James Holden ou Caribou, Walls se rapproche cette fois–ci de Detroit avec des titres hautement
clubbant ». Une des valeurs sûrs des albums dansants de l'année. Sinon, effectivement, pas grand chose à se mettre sous la dent…
Julien: Je reviens à la ligne pour souligner un terrible oubli:
Baxter Dury et son HAPPY SOUP? Passé à la trappe? Un merveilleux petit album, entre Beck et Serge, avec le petit tube
lose de l'automne: "Clair". Non, franchement, j'ai honte de ne pas avoir su le retenir.
Octobre 2011
Albums du mois
Pierre: Led Er Est, MAY
Julien: Still Corners, CREATURES OF AN HOUR
Marc Méan Trio, WHERE ARE YOU?
Pierre: Mois un peu triste que cet octobre. Le High Place est décevant et même si on essaie de nous l’imposer, ce n’est pas
M83 qui va nous remonter le moral. Franchement quand je relis ce speaches, je déprime un peu. A nouveau, heureusement qu’il y a le hip hop pour relever la tête, avec la mixtape d’
ASAP Rocky, le vrai disque du mois, où on retrouve une fois de plus Clams Casino à la production de plusieurs titres. Monstrueux, c’est à la fois bêtement trash et intelligent dans les compositions. Cela marque après coup plus que la qualité éthérée de Led Er Est.
Julien: N'oublie cependant pas la belle production de
Oneohtrix Point Never, qui ouvre notamment pour Animal Collective. Pour moi,
REPLICA (paru chez Mexican Summer) possède les mêmes atouts que les poulains de Tri Angle ou par ailleurs Zomby. De même Robot Koch a signé quelque chose de grand avec THE OTHER SIDE, manifeste dansant pour un Berlinois bien dans ses baskets. Et aussi un Suisse à l'aise: Marc Méan sort enfin son premier album et hausse vachement le niveau musical de la plupart des disques que nous avions alors chroniqués, WHERE ARE YOU est une somme déconcertante de jazz sur le fil et de maîtrise technique, laissant pantois pas mal d'amateurs lambdas. C'est juste beau et c'était bienvenu en ce mois maussade. Pierre: Une des réussite de ce Speaches est d’avoir pris le temps de parler du gros buzz de cette fin d’année :
Lana Del Rey. Alors que l’on commence à l’entendre partout et que chaque vidéo postée est sujette à des commentaires injurieux ne traitant que du physique ou de l’allergie à tout ce que les crétins appellent hipster. Il me semble qu’on a su analyser brièvement le phénomène Lana Del Rey, ce qui nous a permis en retour à juger sa musique pour ce qu’elle est : une chanson parfaite ("Video Games").
Julien: Ah, Lana… Mon Dieu. Et dire qu'on va nous refourguer son album d'ici peu. Cela dit, "Video Games" est tout de même un foutu morceau, le genre de truc que rêverait d'écrire une assemblée entière de ministres de la composition et de la belle formule. Ceci même avec une production de camionneur (si on écoute bien, c'est vraiment moche). Et puis sa direction artistique sur fond de visuels pâlots est un peu craignos à la longue. Et je m'excuse auprès de nos lecteurs quant au second album de
Florence and the Machine qui finalement était largement surestimé. Pour terminer,
Real Estate et
Still Corners m'avaient pas mal convaincu, avec une préférence pour les seconds (album du mois personnel) qui n'ont toutefois pas – encore ? – le calibre de leurs illustres aînés (Elysian Fields ou Electrelane). Pas de quoi sauver un triste mois d'octobre. Cela dit, la fin d'année ne sera pas forcément d'un meilleur cru.
Novembre 2011
Albums du mois :
Pierre : Sleep ∞ Over, FOREVER
The Mondrians, TO THE HAPPY FEW
The Awkwards, MILLENIUM CASTLE
Julien: Floating Points, SHADOWS
The Mondrians, TO THE HAPPY FEW
Pierre: Le dernier Speaches de l’année a coïncidé avec la sortie des albums de potes à nous, les
Awkwards et
Mondrians et ce mois fut donc marqué par leur écoute et les soirées vernissage. Je ne m’étends pas ici vu qu’on va revenir ensemble dans un futur article. Sinon, pour le reste, on sent que les distributeurs réfléchissent plus aux coffrets pour Noel qu’aux albums de qualité. Au milieu de truc décevant, il a fallu qu’on se batte pour faire ressortir deux bijoux :
Floating Points et
Sleep Over. Le reste n’est que mélodies convenues et grosses machines bourrines.
Julien: Je retiens particulièrement l'album des Mondrians, même si je n'aime pas trop comparer les albums de ces deux groupes proches, partageant même leur batteur depuis peu. Reste que le diptyque "Lou Controls The Seagull" - "Villa Maria" est juste au-dessus de tout et devrait résoudre bien des chagrins: les chœurs de "Villa Maria" sont parfaits et au point pour emmener le quatuor sur des eaux
lo-fi avec la même candeur nostalgique que les Coral, la déglingue des Violent Femmes et un fond pas vilain de Grizzly Bear dans les intentions.
Julien: Le EP de
Floating Points était pour moi le fait majeur du mois et s'est immédiatement placé dans les meilleures sorties électroniques de l'année. Je ne regrette pas mon choix de l'avoir placé en disque du mois et termine bien notre revue mensuelle: Samuel T. Shepherd fait partie de cette nouvelle génération de producteurs qui se sont pris le mouvement dubstep des années 2000 dans la tronche. Un peu comme nous, finalement. Non pour le
buzz, mais aussi parce qu'il s'est réellement passé quelque chose avec ce genre musical (jusqu'à quand?).
Atlas Sound,
Calexico ou encore la Genevoise
Kate Wax sortaient pendant ce temps-là d'excellents albums. Quant aux
Black Keys, je reste encore dubitatuf (EL CAMINO). En décembre, nous avions déjà la tête dans les cartons et les cadeaux.
Amy Winehouse s'est fait sortir son troisième album entre autre. On vous en reparlera pour un TT Speaches décembre-janvier qui s'annonce coloré.
Les illustrations des TT Speaches sont réalisées par vitfait, un des pilliers de Think Tank, à la base du logo mais aussi de nombreuses autres contributions.