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29 juin 2011

KINO KLUB: Talk Talk – Such a Shame (UK)



Un Kino Klub spécial pour célébrer le centième article de Think Tank! Alors en pleine préparation du futur Speaches du mois de juin, nous écoutions le troisième album de John Maus et, ô surprise, il y a ce titre d'ouverture, "Streetlight", d'une grande qualité certes, mais contenant ce synthé, caché sous les échos et les loops, un clin d'oeil – avoué ? – au célèbre morceau "Such a Shame" des londoniens de Talk Talk. Nous y sommes donc retournés, avec pas mal de nostalgie et deux constats: premièrement, ce titre n'a rien perdu de sa superbe, quel tube. Deuxièmement, le clip est tout simplement stupéfiant, avec ses coupes hasardeuses, un jeu d'acteur du chanteur Mark Hollis à projeter dans n'importe quelle cinémathèque, des inserts sur le groupe au complet à se plier de rire au point de se demander si tout ceci est sérieux. Mais Dieu qu'est–ce qu'on aimerait aujourd'hui voir plus de clips d'une telle envergure, alors que ce dernier date de 1984!

27 juin 2011

Sonar la nuit, vive la Russie

Photo: Fred Gabioud

Vendredi soir au Sonar. Les halles sont immenses et les concerts tirent jusqu’au bout de la nuit. Au milieu des têtes d’affiches comme M.I.A., Cut Copy ou encore Aphex Twin, c’est deux djs russes qui ont conquis nos cœurs.

L’enchaînement Sonar de jour/Sonar de nuit, qui plus est sans drogue, demande une certaine énergie. Cela ressemble à coller deux soirées ensemble et ne jamais arrêter de danser. Surtout, le changement d’ambiance demande un certain temps d’acclimatation. Aux belles maisons du centre ville succèdent des halles immenses (mais vraiment immenses !) avec de gros écrans, le tout proche de l’aéroport. Atteindre le bar relève de la quête et le public se fait moins love et plus club grossier. En parlant de grossier, notre premier concert du soir est celui de Cut Copy. Dans un Speaches, j’avais déjà avoué ma totale incompréhension face à ce groupe. Oui peut-être que si on n’a pas beaucoup de gout ou qu’on vient pour danser peu importe la musique, ça peut passer. Mais je trouve ce genre de pop 80’s beaucoup trop facile et la voix de chanteur est pas loin de me faire rendre mes croquetas. Quand toutes les chansons ressemblent un peu au même tube, c’est qu’il faudrait surement passer un peu plus de temps dans l’écriture de vraies mélodies.


Le temps de boire une bière et on part voir M.I.A. dans l’énorme club. Et là aussi, c’est une petite déception, surtout en comparaison avec son dernier concert à la Rote Fabrik. Avec une salle si grande, l’énergie et l’ambiance ont beaucoup plus de peine à prendre. Le son est étouffé et c’est difficile de ne pas céder à la tentation d’étrangler les gros nazes qui lancent des avions en papier pendant "Paper Planes". On ne peut que ressortir avec une impression mitigée de ce concert. Oui d’un côté, le show contient des chansons incroyables et je continue à penser que M.I.A. est une des musiciennes les plus fortes des années 2000, surtout avec ses deux premiers albums ARULAR et KALA. Et entendre des chansons comme "Galang", "Sunshowers", "Bucky Done Gun", "Bird Flu" et bien sûr "Boyz" en live restent un plaisir à chaque fois renouvelé. Un plus de ce concert fut la présence d’Afrikan Boy sur scène pour un featuring sur un "Hussel" de folie. Mais d’un autre côté, je ne comprends pas pourquoi M.I.A. continue de construire son set de façon chronologique, enchainant les chansons en suivant strictement l’ordre des albums, ce qui empêche de varier les styles et fait d’autant plus ressortir les faiblesses du dernier en date, MAYA, qui tape fort mais reste moins percutant que ses prédécesseurs. Surtout je regrette que M.I.A. n’intègre pas dans ses concerts les chansons plus pop que sont "Jimmy", "XXXO" ou "It takes a muscle". J’en rêve et ça donnerait une dimension supérieure, là où M.I.A. excelle vraiment, dans la perversion de mélodies pop en sucrerie prête à exploser.


Sonar de nuit, c’est tellement de choses sur tellement de temps qu’on est bien obligé de se mordre les doigts d’avoir pu rater tant de trucs énormes. C’est donc avec une honte avouée que je suis bien obligé de dire que je n’ai vu ni le dj set d’Aphex Twin, ni celui de Boys Noise, de même que les concerts de Die Antwoord et Dizzie Rascal. Mais à vrai dire, ce n’est pas vraiment ce que je venais chercher à ce Sonar. Non, je voulais partir à la recherche de trucs improbables à faire découvrir. Et les héros de cette soirée sont russes et jouaient dans l’endroit le plus love du Sonar formule nocturne : pas loin des auto-tamponneuse, un bâtiment de fête foraine, sur le thème des Walt Disney, savamment pimpé avec quelques néons. Dans le public, il n’y a soudain qu’une quarantaine de personnes mais tout le monde sourit et on est tout content d’accepter quand le type de devant nous propose de tracer un S sur notre bras avec un néocolor. Ce qui m’a attiré dans ce havre hédoniste, c’est le vague souvenir d’un excellent article de Pitchfork sur la scène électro de Moscou (en lien : ici), qui donnait envie d’y partir illico. Au Sonar, étaient présents Mujuice et DZA. Des deux dj sets, ma préférence va au premier tout en souplesse avec un flow irrésistible et des montées enivrantes. Tout simplement un des meilleures dj set que j’ai entendu depuis bien longtemps. Celui de DZA fut lui aussi une claque. Plus violent, avec des beats explosifs et une influence hip hop défigurée, ce set me retira ce qu’il me restait d’énergie. Mais mec, vive la Russie. Euf pas sûr, en tout cas y a des musiciens bien Auch là-bas.

26 juin 2011

Sonar le jour, l’amour

Photo: Fred Gabioud
Tant de fois on en a entendu parler de ce Sonar et enfin on y est. De jour, il fait beaucoup trop chaud mais ce n’est pas cela qu’il va nous empêcher de nous dandiner sur les sets de Nicolas Jaar, Eskmo et bien d’autres. Sonar, je sue mais fais moi un enfant !

Le Sonar, pour ceux qui ne connaissent pas, se décline en deux volets pour deux tickets, deux endroits et deux ambiances bien différentes. De jour, c’est clairement l’amour, ca se passe en plein milieu du Raval, à l’intérieur et aux abords du musée d’art contemporain. La chaleur est intense, on transpire à grosses goutes (enfin surtout moi) mais les caipirinha sont là pour nous aider à tenir. Tout ça commence un peu tôt et on n’a pas pu voir le concert de Toro Y Moi à 15h. Il faut dire qu’on était bien sur la plage et que leur dernier concert au Romandie avait déçu tout le monde, tant c’était mou et sans la moindre vie. Bref, on préfère lancer les hostilités et commencer à suer nos tapas sur un des meilleures concerts vus entre jeudi et vendredi : Nicolas Jaar. L’album est déjà bon et après toutes ces fois où on a maugréé contre ces djs, producteurs, musiciens électroniques incapables de retranscrire leur musique en live, Nicolas Jaar a su, lui, trouver la bonne formule. Accompagné de trois autres musiciens, jouant de la batterie, du synthé, de la guitare et carrément du saxophone, Nicolas Jaar parvient à donner un supplément de vivacité live à sa musique sans jamais tomber dans une facilité putassière. Les chansons sont là, avec leurs constructions fines et leurs montées intelligentes et se permettent de s’adapter à un public avide de moments pour se trémousser avec des passages instinctivement dansants. Si le milieu du concert connaît un petit coup de mou, suite peut-être aux trop nombreux passages de saxophones, que dire du début et de la fin de ce set ! Il commence avec des "Variations" et "Colomb" monstrueuses, pimpées sans mauvais gout. Il a beau être seulement 17h, on l’oublie volontiers pour se sentir comme dans un club au bout de la nuit, alors qu’à côté de nous le speed s’étale sur les gencives. Avant que l’on ne meure de soif, Nicolas Jaar nous lance dans un final grandiose la meilleure chanson de ce Sonar : une version tout simplement génial de "Space is only noise if you can see" au beat dément, se permettant un refrain digne des meilleures clubs. Et quand on pense que cela ne peut pas aller encore plus loin et être encore plus bon, Nicolas Jaar accélère le tout, la foule croit défaillir avant de retomber sur un dub jouissif. On ne sait plus trop ce qui nous est arrivé mais on dit merci.


Après une telle claque, le show des Little Dragon ne pouvait que paraître un peu niais. Le quatuor suédois a bien quelques bonnes mélodies et des passages assez cool dans sa poche, le tout ne convainc pas vraiment. Avoir une chanteuse d’origine japonaise et des sons de synthé rigolo ne suffit pas toujours pour faire des chansons pop de qualité. Pour retourner vers quelque chose de plus exigeant, on change de scène et on pourra dire qu’en moins d’un mois on aura vu les Battles au complet. Après le groupe désormais trio au Kilbi, c’est cette fois l’ancien chanteur, Tyondai Braxton, qui se la donne devant nous. Comme souvent dans une séparation musicale, l’harmonie brisée se fait sentir et dans chacune des parties on déplore l’absence de l’autre. Ainsi si le live de Battles tombait parfois dans la facilité et souffrait de l’absence de véritable chanteur, le set de Tyondai Braxton connaît le travers opposé. Assis en tailleur, ce dernier délivre un show difficile d’écoute mais de qualité avec des passages franchement super et cette voix qui nous donne envie de crier "Atlas". Malheureusement, le concert pêche parfois par trop d’expérimentations et des sons insupportables empêchent de profiter pleinement du concert. Cette première journée se finit au soleil avec le showcase Ninja Tune dont on retiendra Offshore et surtout Eskmo qui nous firent nous dandiner des heures avec des sets ultra love entre dubstep, IDM, house et dance. On part se doucher et on revient.


Le vendredi je ne suis presque pas parti de la scène où se déroulait le showcase du label Tri Angle (traité dans un futur article) et n’ai donc fait qu’apercevoir le reste des réjouissances. Mince. Y a quelqu’un qui m’a dit que le dj set de Four Tet, c’était de la tuerie. Je la crois sur parole et il paraît qu’Atmosphere, c’était très bien aussi. Au Sonar, y a trop de choses et c’est tout du bon.

22 juin 2011

TANKINO : Nostalgia de la Luz, Patricio Guzmàn

Image hébergée par servimg.com
Illustration: Giom







































Dans Nostalgia de la Luz, le réalisateur chilien nous emmène dans un film  documentaire qui met en rapport des sujets qui à première vue ne collent pas vraiment ensemble: des fouilles archéologiques, la famille, les camps de concentration et l’Univers. En s’appuyant sur les recherches des astronomes du désert d’Atacama, Patricio Guzmàn nous explique les moments pénibles qu’a traversés son pays.

On pourrait reprocher à Patricio Guzmàn d’être plus un historien qu’un cinéaste. Après avoir produit et réalisé la trilogie documentaire La bataille du Chili qui le rendit célèbre, il reste extrêmement proche de son pays natal en réalisant plusieurs documentaires. Très touché également par les problèmes politiques de son pays, Guzmàn, même quand il parle des étoiles, ne peut s’empêcher d’évoquer l’histoire. Son dernier film prend place dans le somptueux désert d’Atacama qui est l’endroit le plus sec de la Terre – il paraît qu’il n’y pleut que trois ou quatre fois par siècle. Cette extraordinaire absence d’humidité permet aux astronomes du monde entier de voir un ciel d’une transparence unique et d’observer les étoiles dans des circonstances optimales. Après nous avoir expliqué ce fait unique, la familière voix de Guzmàn va nous parler de la terre sur laquelle les magnifiques télescopes blancs sont construits. Ces énormes loupes dirigées vers le ciel reposent en fait sur une terre contenant un souvenir. Un souvenir qui explique la présence de plusieurs femmes veuves venues retourner cette terre rouge. C’est le souvenir du passé, de leurs maris ou d’une personne de leur famille qui a été enterré dans ce désert par Pinochet. Les ossements des prisonniers politiques reposent, éparpillés, en morceaux, au pied des télescopes et des étoiles. Mêlant des séquences d’entretiens avec des scientifiques et de ces femmes-chercheuses avec des images du cosmos et des montagnes arides, on comprend, petit à petit, le but du réalisateur.


Et son idée est une réussite. Le film tient la route grâce à une voix-over qui raconte l’histoire du Chili du XIXe siècle (permettant de comprendre celle du XXe) de façon extrêmement posée et sans jamais vouloir conquérir à tout prix l’âme du spectateur. Guzmàn ne fait que raconter, simplement et limpidement, l’histoire de ses ancêtres et le passé qui nous suit indéfiniment mais qu’il est si difficile parfois de comprendre. Un des astronomes nous explique ce paradoxe : le présent n’existe pas. Ou alors, il est très difficile à percevoir. Tout ce que nous voyons appartient au passé. Le temps de lire ces lignes, elles sont déjà inscrites dans le passé, certes proche, mais à un passé quand même. Les quelques séquences « musicales » (ou de contemplation) que le film comporte obligent la comparaison avec le The Tree Of Life de Terrence Malick qui contient de longues minutes de ce type de scènes. D’ailleurs, le fond de Nostalgia de la Luz n’est pas si loin de celui de la Palme d’Or 2011: on y parle du passé et d’un drame, le tout entrecoupé d’images du cosmos. Le parti pris de Guzmàn est bien plus modeste. Et si l’on ose la comparaison, ce n’est pas pour rabaisser le film chilien. Car au contraire, par instants, il ferait presque ressortir les défauts du film de Malick. Bref, vous l’aurez compris: foncez !

19 juin 2011

TT TRIP: ART BASEL

Photo: Julien Gremaud / Pierre Girardin

Art Basel, nouvelle étape des traditionnelles escapades de Think Tank à Bâle. Pas de Dachstock cette fois–ci, ni de New Jerseyy, mais du très très lourd avec LA foire d'art contemporain. L'occasion aussi de faire un détours aux Swiss Art Awards jouxtant la manifestation et d'y manger une glace. Brève chronique d'un jeudi fastidieux.

Première étape matinale, histoire de se réveiller les neurones et de digérer son dürüm: la hall numéro 3 dévolue aux Swiss Art Awards, regroupant tant les 32 primés par l'Office fédéral de la culture que les œuvres participant au concours Kiefer Hablitzel. Ça ne respire pas vraiment la joie d'exposer: des sortes de cages à lapin enfermant de brillantes peintures d'artistes prometteurs, un espace central seulement dévoué aux installations et autres sculptures, très peu d'audace dans la scénographie générale. Ce n'est pas vraiment l'éclate cette vitrine de ce qui se fait de mieux chez les jeunes artistes suisses. Heureusement, il y avait un stand de glaces peu chères entre les caravanes d'artistes tels que Elise Gagnebins–de Bons ou Solvej Dufour Andersen, compilés dans la version 2011 de la Collection Cahiers d’artistes, édité par Pro Helvetia. Dispositif assez étrange tout de même… Parmi les exposants, notons tout de même la présence d'une de nos illustratrices que l'on citera sous son peudo, Burn (de belles toiles noires et blanches). Micro–pause dans le four bâlois, histoire de croiser ses profs d'école et certains hommes d'art, rejoindre notre fidèle guide locale et se diriger, enfin, vers une des grandes halles de la Messe. 


Où l'on aura dû tirer un trait sur la partie Liste, réservée aux artistes émergents, faute de force, pour en prendre plein la vue à Unlimited, section maousse de la foire, dans 17'000 mètres carrés. Les igloos de Mario Merz, le champ de néons de Dan Flavin et surtout le Babibel géant du très hype Anish Kapoor. Entre ces installations XXL, on retrouve pas mal de vidéos, notamment celle, barrée, de David Hominal, celle, très belle, tournée en Lithuanie, de Deimantas Narkevičius, ou mieux encore, le gros trip de Katarzyna Kozyra, The Rite of Spring, très amusant et superbement installé. Plein d'autres belles choses encore, avec James Turrell, John Baldessari ou encore Sarah Morris et, au même étage, Art Statments, pour les jeunes, ou un shop new–yorkais de fanzines, Printed Matter (de très belles choses tombées dans notre escarcelle ou non, faute d'argent). 


Re–pause dans le champ en herbes platiques et direction l'étage inférieur et supérieur du vrai Art Basel, la halle où 300 galeristes nord–américains, allemands, italiens, français ou suisses se côtoyent/s'affrontent. Voilà de très grands tableaux, avec la satisfaction de voir certains énormes tirages de photographies archi–connues pour la première fois, merci New–York, ou les prix exorbitants de peintures petits formats encadrés. Parmi les choses les plus remarquées et remarquables, c'est naturellement la galerie genevoise Krugier qui tire son épingle du jeu avec un vrai travail d'exposition, belle et sobre: des Picasso sortis de derrière les fagots, avec de belles illustrations comme on aimerait en placer sur Think Tank. Valeur sûre certes, mais réellement passionnant. Sinon, la locale Stampa, avec une super œuvre du trio General Idea, "Mondo Cane Kama Sutra", du Roman Signer ou encore une belle installation de Das Institut (New–York). 2'500 artistes représentés sur deux étages à un rythme de fou, les envoyés de Think Tank frôlant à tout moment l'épilepsie et le coup d'arrêt. Art Basel reste de toute façon gargantuesque, histoire d'encourager ou, au contraire, de déconcerter n'importe quel apprenti artiste. Le chemin est encore long pour se faire sa place dans cette foire: chaque année, 1'000 galeries se prennent un vent de la part des organisateurs. Et combien d'artistes? Cet été, on tentera d'élargir notre spectre des expositions. A venir: un tour guidé de la triennale Bex & Art et d'autres projets dans nos têtes.

14 juin 2011

LP: Gang gang dance- eye contact

Illustration: burn
Trois ans après l’incroyable SAINT DYPHNA, la tribu Gang Gang Dance revient avec un album bien barré malgré quelques escapades du côté d’une musique pop qui a fini par lui ressembler. EYE CONTACT a une visée panthéiste. Ou comment donner tout à entendre en seulement dix chansons.

Si Gang Gang Dance avait déjà sorti trois albums, c’est bien SAINT DYPHNA qui est dans un premier temps resté dans les mémoires. Je me rappelle encore comment la succession de "Bebey"/ "First Communion" ou "Vacuum" m’avait mis à terre et cet effet est toujours d’actualité : une musique amniotique, un tantra dément que des versions live portent encore plus loin. Cette transe lascive et frénétique qui a hypnotisé nos âmes ravies au bout de la fatigue et de la nuit du Kilbi d’il y a deux ans. Moins marqué folk qu’Animal Collective, Gang Gang Dance s’aventure dans des territoires bien plus éloignés ses mélodies habituelles, tout en se nourrissant d’un monde pop, que le groupe semble percevoir à travers un état omni-temporel, à la fois originel et utopique, tout en restant contemporain. Carrément. C’est d’ailleurs le programme annoncé dès les premières secondes de EYE CONTACT : I can hear everything/ It’s everything time.


Ecouter un album de Gang Gang Dance, c’est toujours partir vers un inconnu excitant et vertigineux. Pour être sûr que tout le monde l’a bien compris, EYE CONTACT commence par "Glass Jar", une épopée de plus de onze minutes qui embrasse des horizons si multiples qu’une vision à 360 degré semble encore trop limitée pour tous les apercevoir. Se plonger dans cette chanson, c’est comme mettre des lunettes effet vision d’abeille. Le format chanson est totalement bouleversé par une diversité affolante d’ambiances et de rythmes. On rentre dans "Glass Jar" comme dans une descente spirituelle faite d’échos pour en ressortir mouillé d’une pluie de claviers, remarquant sur nos bras et nos jambes les bleus laissés par une transe qui nous a fait rebondir dans toute la pièce sur des paroles mystiques, dignes de The Tree of Life de Malik (I care for you like a mother/Brother), scandées par une Lizzi Bougatsos, à la voix toujours aussi incroyable de force psychédélique "Glass Jar", ce n’est pas qu’une chanson mais des milliers de chansons possibles, retenues par magie dans une boîte de seulement onze minutes. Cette richesse est aussi contenue dans les autres titres de EYE CONTACT et c’est le format album en entier qui explose. Sa construction agrippe l’infini grâce à une structure parfaite entre longues plages, titres abrasifs et trois courts interludes bizarrement beaux. Ces derniers s’offrent à l’oreille sous forme de voix italienne, synthé et roulements, apparus dans des interstices laissant apparaître d’autres dimensions interférer dans cet artefact occulte que représente EYE CONTACT et servent de tunnels entre les différents mondes incarnés par les différents titres de l’album.


Après le rite de passage de "Glass Jar", le dernier album de Gang Gang Dance contient seulement six véritables titres, mais on retire aussitôt ce "seulement" tant ces six chansons possèdent une densité supérieure à ce qui se fait normalement sur le triple de titres. Toujours ce mélange utopique d’instruments bricolés, de synthés surpuissants, de beats qui tapent, de rythmiques malades et sans cesse changeantes. Et toujours cette voix onirique qui parle directement tant aux esprits qu’aux corps. Décrire chaque chanson semble faux dans le cas de EYE CONTACT, il faudrait presque les disséquer une par une pour mettre à jour les fœtus qu’elles portent en leur sein. Mais ce serait rompre vérité et la force de cette unité qui se veut justement diverse et cette diversité qui refuse l’individuation. Ainsi, le single "Mindkilla" est une bombe prise sur le vif de son explosion : chaque morceau est encore en suspend, et relié par magie. En l’air se côtoient des bouts de techno, de synthés éblouissants, des montées folles, visions qui laissent sans voix et donnent autant envie de danser que de fermer les yeux et de partir en vrille. Voilà ce à quoi le psychédélisme doit ressembler, celui du cristal, du kaléidoscope, des reflets et de la polychromie. Autre sommet de EYE CONTACT, "Romance Layers" dresse pour son compte un décor plus sensuel en compagnie d’Alex Taylor de Hot Chip, qu’on va finir par apprécier si ça continue comme ça. Le son ralentit pour laisser place à une moiteur où, dans un semblant d’immobilité, tout scintille et se fond en une osmose langoureuse. Cette complexité et cette expérimentation, Gang Gang Dance leur donne vie en se basant sur un matériau composé de mélodies finalement assez pop. C’est ce que nous rappelle "Chinese High", "Sacer" ou encore "Thru and Thru", toutes aussi bouillonnantes que jouissives, avec leurs rythmes frénétiques et leurs refrains imparables. Après le temps de tout, EYE CONTACT se clôt sur une aspiration à l’infini avec pour derniers mots : Live forever.


On vous laisse avec la très belle vidéo réalisée lors des sessions du si fort label 4AD. Au menu : look super ; miroirs en kaléidoscopes ; objets cristallins pendant de partout et surtout un "Mindkilla / Kou-Da-Ley" monstrueux, rendant sa matérialité à une musique qu’on n’imagine parfois qu’aux tréfonds de machines bizarres :

8 juin 2011

TT SPEACHES / MAI 2011

Illustration: vitfait
Nouvel épisode du Speaches. A chaque début de mois, l'écurie de Think Tank ouvre un post commun et le publie 30 jours plus tard. Ce mois de mai, c'était bien sûr le mois du Kilbi mais aussi la sortie de plein de disques qui sentent de plus en plus l'été. Allons-y!

Pierre: Il fait chaud. On a envie de se baigner et de se trémousser sur des airs légers. Alors à l'annonce d'un nouveau Friendly Fires, je suis presque à me réjouir surtout avec le souvenir de tubes estivaux grâce au remix baléarique signé Aeroplane avec Au Revoir Simone. au chant En fait, c'est bien parce que je me rappelais que de ce remix, que j'avais une bonne appréhension. Parce qu'en vrai, Friendly Fires, c'est une horreur qu'on appelle "dance punk". Ca suinte. Même plus bon pour être sur du Kitsuné. Un tel mariage entre rythmique simpliste et sons putassiers est un véritable appel aux divorces musicaux et aux maintiens des portes fermées des différentes chapelles. C'est tout le groupe qui confond pop et sucrerie écœurante sur PALA. Alors oui, la photo de perroquet est jolie, quelques intro sont pas mal. A la rigueur, on sauvera peut-être "Hurting" pour son côté disco gay presque amusant. Mais la voix du chanteur reste trop agaçante et le son trop sirupeux. On a beau être chaud, on est quand même pas prêt à bouger nos fesses sur n'importe quoi. Toi, Julien, t'as eu plus de chance dans la recherche d'un tube pour cet été?






















 Julien:  Je te trouve très en forme Pierre ce mois, en lançant ce Speaches par une bonne diatribe comme je les aime. Friendly Fires seront sur scène à Montreux cet été, pas sûr que tes propos retiennent la foule cela dit. Un tube pour l'été? J'en ai un! "Burning Photographs" de Chad VanGaalen, dont j'avais récemment parlé ici dans un joli Kino Klub. Pas de beats, mais du rock binaire, dans la pure lignée insoumise de Jay Reatard. De Calgary, Alberta, Vangaalen s'impose comme un des artistes les plus en vue de la scène indé US et avec raison: première écoute de DISAPER ISLAND (label Sub Pop), son deuxième album, et grosse claque immédiate, une production DIY parfaite, une voix d'angelot, dédoublée voire plus, des chœurs et des breaks malade, comme sur l'ouverture "Do Not Fear". "Peace On The Rise" est aussi splendide, comptine barrée et hallucinante, à écouter très fort, les guitares y sont d'autant plus incroyables. "Replace Me" ne manque pas d'arguments, dans un registre plus pop, apparaissant logiquement après deux ballades plus que correctes. "Blonde Hash" me réconcilie avec le shoegaze, dans un bloc d'échos, alors que "Shave My Pussy" termine la seconde partie de l'album par un morceau joué à la mandoline, dérangé et stupéfiant. Album du mois à tous les coups, brillant et maîtrisé: enfin un vrai bon LP de rock en 2011? Précisions: ce mec n'est annoncé nulle part pour l'instant, est–ce vraiment une surprise?


Pierre: C'est un truc qui reste quand même hyper fort aux Etats-Unis, que cette sorte de rock lo-fi, presque une forme d'artisanat local avec ses formations un brin traditionnels mais au talent certain en terme de jeu de guitare tout en gardant l'apparence d'une simplicité comme rurale. Un autre exemple en est donné avec White Denim. Ils sont trois, viennent d'Austin et je les avais vu en concert à Dallas et pratiquent un rock puriste avec des longs moments qui sont laissés aux guitares qui ma foi sonnent très joliment. Rien de nouveau avec leur nouvel album D, peut-être plus posé. Si tout ça est très bien fait et contient de jolies chansons, je dois dire que je ressens un peu la même chose que face à de porcelaine de grand-mères, c'est du très bel artisanant mais je reste bloquer par une ceraine barrière culturelle et  si je comprends qu'on ait envie de continuer à jouer de la musique dans une certaine tradition, j'en ai pas pour autant envie de continuer à en écouter et j'ai l'impression d'en avoir fait le tour avant de l'avoir commencé. Mais par contre, amateurs du genre, allez-y les yeux fermés, c'est du tout bon.


 Julien: Parmi le peu de nouveautés que j'ai pu écouter en rock, il y a cette chose bizarre signée chez Stones Throw, James Pants et sa "fresh beat". James Singleton vit dans l'Etat de Washington et joue de tous ses morceaux sur l'album. En ressort un truc foutraque à la Gorillaz, apostrophant les genres sans toutefois tenir sur la longueur. J'ai vachement aimé au début, moins par la suite. Il faut dire que cet album éponyme, distribué par Namskeïo, s'est vite vu dégagé de ma platine par la réédition de l'importantissime SCREAMADALICA des Primal Scream. Sorti en 1991, ce troisième album du groupe de Glasgow constitue sans doute le parfait remède au chagrin Happy Mondays, plus grand désastre / gâchis de la musique des années 80. Primal Scream, en 1991, est un des plus grands groupes au monde. Plus de Stone Roses, plus de Smiths, la New–Wave enterrée, Madchester vidée de son sang, ne restait plus qu'à cette équipe de parfaits branleurs emmenée par Bobby Gillepsie de sauver la Grande Bretagne, et donc le monde. Via "Don't Fight It, Feel It", ils y parvinrent, replaçant le propos sur le dancefloor, en after par le dub "Come Together" ou dans une orgie rêvée sur la bande–son de "Loaded". Primal Scream n'étaient pas dangereux, juste cools, et aptes à écrire des morceaux qui fendaient aussi le coeur ("Shine Like Stars", "Inner Flight"). Cela n'était pas donné à tout le monde, surtout pas à ces crétins de frères Gallagher, qui tentèrent toute leur vie d'essayer d'égaler ne serait–ce qu'un morceau de ce SCREAMADALICA. Cependant, il y avait pire: cette année–là, en 1991, Nirvana sortait NEVERMIND. Merci donc à Primal Scream et un constat: "Don't Fight It, Feel It". Passons à autre chose Pierre. Du dangereux, du vrai, n'est–ce pas?


 




















Pierre:  Au sein de l’équipe Think Tank, on est nombreux à écouter pas mal à de hip hop, or le blog ne l’a pas encore laissé paraître. Et c’est bien dommage, car tant de trucs passionnants sortent dans ce style et surtout on est tous opposé aux pseudo barrières entre styles. L’occasion m’est donnée avec le nouvel album de Tyler The Creator de commencer à palier à ce manque. Bien sûr, comme tout le monde, on a été soufflé par presque tout ce qui est sorti de l’écurie ODD Future, que ce soit les mixtapes collectives, ou les EP, que ce soit le premier de Tyler The Creator, BASTARD, et surtout celui de Earl. Arrivés à un moment où le rap commençait à être saturé de flow romantiques et de garçon propret à la Drake, les mecs de ODD Future sont venus rapporter un son plus sale et plus violent, oh combien nécessaire. Mais aujourd’hui dans un emballement médiatique où il devient difficile de dire autres choses que des louanges de ce top de la hype musical, je dois dire que ce nouvel album de Tyler The Creator est un brin décevant. Bien sûr, la voix incroyablement caverneuse de Tyler et les instrumentales lo-fi sont toujours bien-là. Les fat lines aussi : « I’m awesome and I fuck dolphins ». Il n’empêche que ce GOBELIN lasse un peu, avec des chansons moins inventives et moins fraiches que celles BASTARD. Surtout, le buzz est passé par là. Et Tyler verse dans l’autoréflexif. Au lieu de dire qu’il veut tout détruire, qu’il est totalement trash (cool) , il dit pourquoi il dit ça et en quoi personne ne le comprend vraiment (moins cool), ce qui donne des lyrics qui parlent surtout des médias et qui virent à la victimisation. Bon, je fais un peu la fine bouche et les grosses claques sont bien présentes dans GOBELIN, notamment avec "Transylvania", "Radicals", "She" ou encore "Tron Cat".


 Julien: Album très sombre j'ai trouvé pour ma part… Autre belle sortie du mois: KNEE DEEP des très appréciés WhoMadeWho. Moi qui suis un fervent adepte d'électronique, j'ai applaudi des deux mains en voyant le trio danois signer chez le label techno Kompakt, de Cologne (Michael Mayer, Sascha Funke, Gusgus, DJ Koze entre autres). THE PLOT, daté de 2009, plaçait WhoMadeWho dans le – très – haut du panier, avec des tubes ("TV Friend") et d'autres morceaux futés parfaitement taillés pour la scène (scène qu'ils aiment plus que tout). Troisième LP donc, autrement plus électro dans son format que les deux premières productions. Si "There's An Answer" ne donne pas énormément d'indications et que "Every Minute Alone" n'est rien d'autre qu'une super composition FM, "Musketeer" est autrement plus vénère dans un décorum proche de Giorgio Moroder – ces synthés! –  ou "All That I Am" pourrait très bien figurer sur une galette de Moderat. "Two Feet Off Ground" place WhoMadeWho dans la catégorie IDM aux côtés d'un Tim Exile par exemple. Pas de tueries putassières à la "Raveo" pour ce nouvel album, mais du très très solide, dense, autant surprenant sur la forme que rassurant sur le fond, m'était évertué depuis 3-4 ans à ne dire que du bien de ce groupe dont le leader mène une carrière en parallèle sous le nom de Bon Homme. Pour informations, le groupe devrait sortir un vrai album courant 2011. Selon Module Distribution: "Le groupe a délibérément choisi de garder les morceaux plus mélodiques et adaptés aux radios pour le deuxième album, même s’il est évident que le single “Every Minute Alone” est l’un des plus sombres et meilleurs morceaux que nous avons attendu de leur part". A suivre donc! Pierre, tu me dis que tu veux de nouveau parler de Austra? Les avais–je précipitamment enterré le mois passé?
























Pierre: Oui, en effet. Beaucoup plus réussi comme album pour accompagner les premiers moments estivaux que celui de Friendly Fires, je dis oui à FEEL IT BREAK d'Austra. A l'instar de the Knife, ce groupe est mené par une blonde au chant cristallin. Bon d'accord, Austra sont nettement moins mystérieux et dingue que le duo suédois. Néanmoins, on retrouuve dans FEEL IT BREAK une pop électronique simple, parsemée de bulle rafraichissante. Ca gaze! Il est possible que cet album me lasse rapidement et peut-être que si je l'avais écouté à un autre moment de l'année, il m'aurait moins séduit. Mais voilà, l'été est une saison de maillots de bain, de jupes, de sueurs, où on a très envie de dire oui à tout, même aux cocktails les plus fruités. Cet album d'Austra se laisse écouter avec plaisir avec un son coloré qui donne envie de se languir et de sautiller. Sans être génial, FEEL IT BREAK réussit à éviter les moments trop sirupeux ou trop grossiers, là où tant d'autres ont succombé au mauvais goût, et renferme nombre de moments joussisifs comme la montée "Darken Her Horse" ou la ritournelle à cloche pied de "The Future".


Julien: Bon plaidoyer mais je reste persuadé que tu vas très vite oublier cet album. Beaucoup plus électro maintenant: le 11–titres de Dominik Eulberg sorti chez Traum, Cologne. Il m'a fallu du temps avant de pouvoir écouter DIORAMA (distribué par Namskeio en Suisse), désespérant de devoir me contenter d'un seul titre aussi alléchant que frustrant: "Der Tanz Der Gluehwuermchen" devrait pas mal tourner cet été, sûrement remixé bien entendu, mais jolie track de fin de set, ses synthés tournoyant comme on le faisait dans les années 90 (oui, je pense ici à Robert Miles, sisi). Il y a d'autres choses intéressantes sur cet album, comme "Echomaus", pas loin de Nathan Fake, ou le très tech "Das Neunauge" qu'un Ben Klock passerait bien dans un de ses sets carrés. "Die 3 Millionen Musketiere" ou "Aeronaut" amènent plus de reliefs, dans un format presque pop, petits frère du très précieux "Wenn Es Perlen Regnet" (Pantha du Prince, hallo?). Bon croisement des genres avec ce DIORAMA, entre électornica et deep techno ("Islandmuschel 400"). Si nous étions journalistes aux Inrockuptibles, nous dirions: "parfait en attendant le nouveau Paul Kalkbrenner".























Pierre: Toujours dans l'électro, dans un registre plus post-disco, Zombi sort ce mois-ci un nouvel EP: ESCAPE VELOCITY. Un album assez fou, qui en cinq titres, invente un paysage lunaire à grands coups de synthétiseurs et de batterie. Une des meilleures actualisations de l'héritage kraut-kosmische que j'ai entendu depuis bien longtemps, peut-être depuis Oneida. Les deux mecs de Zombi font bel et bien renaître l'esprit du genre avec sa répétition acharnée et ses plages sonores en forme de mirage aux scintillements disco. DE3 est notamment une grande réussite: une chanson de plus de 9 minutes, voyage où l'on plance entre les monts avant de se prendre une bonne descente pleine de sacade. La batterie laboure avant qu'un final épique. Dans des contrées bien moins raffinées, Sebastian lache la sauce. A vrai dire, je ne pensais pas que des gens faisaient encore de la french touch à la Ed Banger. Les fluo kids, la tecktonik, ca va, on a bien ru mais il n'y a plus que les Italiens pour croire que c'est cool. C'est pas parce qu'on veut mettre le feu au dancefloor, qu'on est obligé dd'adopter un style pompier (jeu de mots, lol). Pour sûr ca doit être efficace sur le dancefloor, mets en mode écoute tranquillou, cela sonne surtout lourd et pompeux. Le nouveau Justice connaitra-t-il le même sort?


Julien: on coupe les basses, mais pas les synthés pour le nouvel album de Ezekiel Honig, (Anticipate Records), FOLDING IN ON ITSELF. Il y a notamment ce titre complétement dingue, "Between Bridges", que je mets volontiers comme morceau du mois, tant la production me laisse sans voix, dans un registre proche de Jan Jelinek par exemple. Une sacrée minimale, vaporeuse et gracieuse. Pas une composition couplet–refrain–etc, bien sûr, mais de quoi se laisser aller et envisager le retour de l'hiver avec sérénité. J'ai aussi retenu le nouvel EP de Fairmont, plus connu sans doute. Signé chez l'excellent label britannique Border Community (propriété de James Holden et abritant notamment Nathan Fake), Jake Fairley ne dépareille pas de son écurie sur ce 4–titres nommé VELORA (l'éponyme "Velora" est une splendide électro–pop, à considérer à l'heure de plier un set). "Cannon" aussi devrait connaître un franc succès, penchant largement vers des sons 90's. Au milieu se trouvent une tuerie techno ("Vanguard") ainsi que l'électronica "Ununoctium". Un très bon EP, à défaut de pouvoir écouteur dix milles autres sorties ce mois–ci.


Pierre: "Walk The River" ouvre l'album éponyme des Guillemots et l'espace d'un instant, je me dis presque que ce folk gnan gnan est pas si mal. Cédant à mes plus secrêts gouts pour les chansons d'amour, je suis à deux doigts de faire abstraction de cette introduction cliché au possible et des choeurs insipides. Qu'on se rassure, cette faiblesse passagère n'a pas duré. Il faut dire que tout WALK THE LINE guérit de tout romantisme folk et il est dûr de supporter l'écoute entière d'un album où les mélodies sont nazes et la production inintéressante. Du Keane mais en pire. Je sais que c'est dûr à imaginer mais oui cela existe. Evidemment, les Guillemots sont anglais. Difficile de comprende comment on peut encore enregistrer de tels albums et perdre du fric à le distribuer. Franchement, même les pré-adolescents les plus niais ne sont plus prêts à écouter une telle soupe. Ah si, peut-être en Angleterre, ce pays où on croit toujours que la brit-pop, c'est super. Que ceux que cette critique est trop dure, écoute "Yesterday Is Dead" en entier. Cette chanson se croit torturée, alors qu'elle n'est qu'énervante, dure l'éternité de huit minutes trente et se finit par le son de guitare le plus affreux peut-être jamais entendu.






















Pierre: Si on veut de belles mélodies, simples, un son de guitare parfait pour le dimanche soir quand on se retrouve seul à enlever le sable entre nos orteils, autant se tourner vers ceux qui savent vraiment y faire. Le nouveau Thurston Moore, DEMOLISHED THOUGTS, est un disque presque sans surprise mais sans défaut. La voix du chanteur de Sonic Youth envoute toujours autant et se déploie sur un album acoustique. Très différent de la rage noisy de son premier EP en solo, PSYCHIC HEARTS, Thurston Moore excelle tout autant dans ce registre plus calme. On se laisse bercer les yeux fermés quand l'artisan est de telle renommée et au milieu de ce qui semble un songe nocture, on est secoué de soubresaut fulgurent, quand le refrain de "Benediction" ou "Blood Never Lies". Aidé d'instruments classiques, la guitare prend le temps d'instaurer une ambiance, tout en douceur. Certainement le plus beau disque entendu depuis le dernier PJ Harvey.






















Pierre: Impsossible de terminer un speaches tourné vers les plaisirs lacustres et solaires sans parler d'un album chillwave. Même si ce genre n'était vraiment cool (selon la définition qu'en donne Constant Bonnard ici) qu'il y a deux ans, on avoue encore passer Washed Out pour partir se baigner. La nouveauté de cet été vient de Barcelone et est beaucoup plus fin que ses potes de Delorean: John Tallabot. Sur un EP parfait FAMILIES, avec un gorille au regard noir en guise cover art, il déguaine peut-être le son le plus chill de cette année, avec bien-sûr pour commencer un single langoureux, avec Glasser au chant charmant. Toutes les notes brillent, les rythmes tanguent et les plages sonores en appellent de réelles. L'EP est complété par deux titres instrumentaux, scintillant de multiples vagues emchainées de manière intelligente et toujours caliente. Vas-y, Julien, on sort la casquette, c'est les vacances et on part chiller sans rémission.


Disque du mois
Pierre: : Gang Gang Dance, EYE CONTACT
Julien: Chad VanGaalen, DISAPER ISLAND

Singles du mois
Pierre: Panda Bear, "Surfer's Hymn" (Actress Remix)
Julien: Ezekiel Honig, "Between Bridges"

Et ce dont on n'a pas pu parler ce mois, notamment:
Africa HiTech, 93 MILLION MILES
The Antlers, BURST APART
Ema, PAST LIFE MARTYRED SAINTS
The Oh Sees, CASTLEMANIA
Art Brut, BRILLIANT! TRAGIC!
Shabazz Palaces: BLACK UP
Julien:  N'en parlons même pas, je ferai mieux le mois prochain.


Le mois prochain
Artic Monkeys, SUCK IT AND SEE
Battles, GLOSS DROP
Crystal Stilts, IN LOVE WITH OBLIVON
Jonny, JONNY
Fucked Up, DAVID COMES TO LIFE
Woods, SUN AND SHADE
WU LYF, GO TELL THE FIRE TO THE MOUNTAIN
Ty Segall, GOODBYE BREAD
Yacht, SHANGRI-LA
John Maus, WE MUST BECOME THE PITILESS CENSORS OF OURSELVES
Bon Iver, BON IVER

Clip du mois: 

BOY FRIEND - Lovedropper (Official Video) from HELL, YES! on Vimeo.

5 juin 2011

TT trip : kilbi/samedi

Illustration: Giom

Je reprends mon souffle avant une dernière soirée. L’enchainement des concerts et des soirées commencent à se faire sentir mais tout le monde est toujours aussi content. Il fait beau, il fait chaud, il est temps de se rafraichir avec l’ami Buvette ou les grandes cuvées Battles et Walkmen. Pour ce soir, c’est pourtant surtout dans la petite salle du Bad Bonn que ça se passe.

En ce samedi, le soleil tape et au réveil, je suis tout desséché. Heureusement, la Kilbi est véritablement un endroit parfait et à cinq minutes du festival se trouve un lac. Pour l’anecdote, il faut savoir que si la salle s’appelle Bad Bonn, c’est qu’à l’époque il existait bel et bien des bains de Bonn avec son grand hôtel et son église. Mais la construction d’un barrage a noyé la petite vallée. Bref, on a mené la vie de hippies partant se baigner avec des chiens dans ce lac magnifique, surplombé par des demeures dans une ambiance très dix-neuvièmiste et cette conscience qu’au fond gisent encore clocher et rues. La Kilbi a même décidé d’investir ce lieu magique, où ne voguent que de jolis bateaux rétro, en installant sur la plage une offstage. Malheureusement, vu le manque de temps, je n’y ai vu qu’un soundcheck. Mais c’était déjà super.


Les héros du jour
Alors oui bien sûr, on va accuser Think Tank de faire du copinage. Mais voilà, surtout à cause de la relative déception des concerts de Battles et Walkmen, pour moi, il n’y a pas photo, les deux trucs que j’ai eu le plus de plaisir à écouter ce soir sont nos couz Buvette et Feldermelder/Fichtre. Déjà Big Up à Buvette pour avoir été le seul musicien programmé à avoir dormi au camping, enchainé deux soirées mouvementées et pourtant réussi à assurer un concert à 16h30 alors qu’il fait encore beaucoup trop chaud. Bon au fond, j’aurais presque préféré que ce concert ait lieu un peu plus tard, histoire d’avoir un public un peu plus remuant, mais je vais pas me plaindre et Buvette c’était parfait pour se mettre en selle pour cette dernière soirée qui promettait d’être longue. Les chansons de HOUSE AND THE VOICES sont toujours aussi brillantes, pleine de bulles électroniques et de montée épiques, avec toujours le même sens des mélodies. J’ai bien sûr mes petits chouchous avec "Tarrot Cards" à la fin toujours aussi démente, "Top Pub Songs" et surtout les trois nouveaux titres, qui confirment encore plus le bien que l’on pense de Buvette au sein de l’équipe Think Tank. "Inner Wars" nous déchaine, celle avec la flûte nous rend heureux et la toute dernière encore en travaux nous plait déjà. Un peu plus tard mais toujours dans la salle du Bad Bonn, Feldermelder infirme la rencontre ratée à la Rowboat Party du mois de janvier et confirme le changement d’avis suite à la Rats Session de la Guinguette. Un show percutant et inventif bercé par des basses tonitruantes et avec en plus les visuels de Fichtre, en parfaite harmonie pour un set sans fausse note ou fausse ligne, entre intuition momentanée et art parfaitement maitrisée.


La déception du jour
Sans connaitre très bien Suuns, les quelques clips m’avaient fait attendre un concert bizarre mais malheureusement ce ne fut rien que du très habituel. A part faire retentir un son de sirène de police, Suuns donnent un concert insipide et sans relief. Il est vrai que leurs côtés plus noirs et torturés auraient été peut-être plus présents sur une scène plus petite ou en intérieur.


La découverte du jour
Décidément, j’aurai fait le plein de dubstep. Une fois de plus, il faut se serrer dans la maison pour assister au set de Shackleton. Malheureusement, je n’aurai pu voir que les quelques premières chansons, devant partir pour ne pas rater les Walkmen. Mais cela a suffit pour laisser entrevoir un show superbe de dubstep assez lent sous perfusion de percussions africaines.


Le tour du monde
En cet après-midi, il fallait malheureusement choisir entre deux poulains du label Rowboat et je n’ai pu que vite passer de loin au concert de Monoski, juste le temps de se rappeler à quel point "Empty Jail" est une chanson qui déchire autant qu’un vieux Black Keys. L’envie de voir Feldermelder et la saturation de rock ont peut-être favorisé mon peu d’intérêt pour les hollandais de The Ex, que j’ai sûrement un peu vite jugé être du post-punk sans surprise malgré quelques intéressantes échappées du côté africain. La fin du festival s’approche et c’est ému que je me dirige vers un concert des Walkmen que j’attends impatiemment. Et le début est à la hauteur avec deux titres issus du magnifique et très classe YOU & ME. La voix du chanteur, le jeux du batteur et le look jeunes gens de bonne famille la bague au doigt renforcent cette beauté domestique, où l’amour nait dans un bal de prom et dure toute la vie. Mais à force de rester dans ce registre quand même un peu bourgeois, les Walkmen finissent par lasser et par moment je m’ennuie franchement, malgré quelques bonnes chansons, surtout celles issues de HUNDRED MILES ON et de YOU & ME, et pas tellement du dernier LISBON. Peut-être que si on est au concert avec son amoureuse ou amoureux et qu’on se fait des papouilles sur chaque refrain, on ne voit pas le temps passer. En attendant, je me dirige vers le tout dernier concert de cette édition avec Battles pour un final un peu décevant, du fait de l’absence du chanteur ayant quitté le groupe, ce qui fait que le public sera privé des titres qu’il attendait le plus comme "Atlas". Le trio tente en vain d’habiter la scène de personnages projetés lorsqu’un chant est passé en playback. J’attends le futur album pour mieux juger les nouvelles chansons qui dans ce concert me laissent une appréhension mitigée, avec quelques moments qui déchirent pour beaucoup d’autres carrément moisis, comme du mauvais Ratatat. J’attendais beaucoup plus de ce show. Dire au revoir est toujours difficile, et l’after s’annonçait donc mémorable. Elle le fut grâce au fidèle et goguenard Dj Fett, balançant des titres jubilatoires, donnant des disques au premier rang, souriant avec son air de poupon potelé et s’extasiant avec une salle qui le lui rend bien. Notre petite équipe sortit ses meilleures pas de danse sur la scène du Bad Bonn, avant de partir admirer la brume sur le lac et enfin de rentrer à la tente, en admirant le levé du jour sur une campagne pour un final digne de Hellhole Ratrace. A l’année prochaine Kilbi !


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était super
Mon organisme subissant un gros coup de mou, je n’ai honteusement pu voir qu’une seule chanson du concert d’Anika. Mais cette dernière était suffisante pour croire sur parole ceux qui ont apprécié ce concert porté par la voix basse d’Anika et par tout ce qui se fait de mieux dans le royaume britannique en terme de musique post-indu, entre noise, dub et cold wave.


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était naze
Le concert d’Apparat accompagné d’un groupe commence très mal et intervient à un moment où j’ai vraiment besoin d’une pause. Les échos de potes, y allant pourtant en en pensant que du bien, confortèrent ce bon timing. Les rapports sont clairs : une musique de stade pompeuse, au point de faire penser à du U2, avec un Apparat quelque part entre le drogué et le gros gay.


Le coin de mister cocktail
La soupe rouge : prenez un gin, mélangez le avec un jus de légumes (tomate et betterave) resté deux jours entiers dans une tente sous le soleil. Buvez chaud et essayer de ne pas le recracher. Mouarf

4 juin 2011

TT Trip : kilbi/vendredi

Illustration: Giom

C’est parti pour un deuxième jour à Kilbi avec d’abord une grosse déception suite à l’annulation de Lucky Dragons à cause de ce satané volcan islandais. Il en résultera une soirée qui aura de la peine à prendre avant de finir sur un final grandiose avec Caribou et Darkstar.

Ce vendredi matin, il a plu donc on a pu faire la grasse matinée et les bières sont restées fraiches. Journée pépère, on déguste des beans en famille avant de partir lire dans un Bad Bonn tout calme. Tout le monde est un peu triste de ne pas pouvoir voir Lucky Dragons pour commencer ce deuxième soir avec un concert participatif. Heureusement la programmation de la soirée reste assez riche pour ne pas se lamenter. La pluie cesse dès midi, le village des tentes de l’amitié s’agrandit. Départ.


Le héro du jour
Arrivé à un moment où presque tous les concerts du soir avaient été assez bof, je comptais sur Caribou comme valeur sure de la soirée. Malgré leur tournée incessante et les multiples concerts en Suisse, je ne les avais pas encore vu et j’étais donc tout excité. Et effectivement, Caribou ne déçoivent pas. C’est propre, réglé comme du papier à musique mais surtout d’une finesse et d’une qualité incroyables. Chaque nappe sonore est le fruit d’un travail expert. Les chansons remuent des vagues riches de mille reflets. Caribou, en live comme en album, est bien cet orfèvre de la pop mêlant rythmique disco, atmosphères lunaires avec une précision presque maniaque. Cette concentration parvient en plus à ne péjorer en rien l’énergie des chansons et le public tape gaiment des pieds. Les tubes répondent bien sûr à l’appel avec "Odessa" dont je ne me lasse définitivement pas, "Sun" et "Melody Day". Caribou, you saved my night.


La déception du jour
Le premier concert de Gonjasufi au Bad Bonn il y a quelques mois avait été des plus décevants, avec Gaslamp Killer en dj pompeux et un Gonjasufi maugréant plus que chantant. Pourtant, l’album ovni sorti chez Warp est juste une bombe et c’est donc volontiers que je laissais une seconde chance au dreadeux du désert. Et ben, Gonjasufi a réussi à faire encore pire. Déjà, il commence fort en insultant l’ingé-son comme le dernier des connards, prenant à témoin un public de plus en plus mal à l’aise. Ayant entendu les critiques sur ses précédents concerts, il était cette fois accompagné d’un groupe de musiciens de studio censés jouer du rock. Et c’est les pires souvenirs qui remontent à la surface, le son fait penser à du mauvais System of a Down, en plus lourd, et on songe aux pires rencontres entre hip hop et rock, comme celle de Jay-Z avec les horribles Linkin Park. Voilà, il faudra s’y faire, A SUFI AND A KILLER est un superbe album qui ne peut pas être reproduit en concert et quand une chanson aussi belle que "She’s gone" devient une telle merde, je n’ai pas d’autre choix que de m’enfuir.


La découverte du jour
Dernier véritable concert de ce vendredi soir, le show de Darkstar m’a véritablement scotché sur place. Placé près des colonnes, les basses lentes et profondes comme un coup de tonnerre transpercent de toutes parts. Plus froid et plus dur que sur album, les chansons de Darkstar sont toutes d’une beauté glaciale, renforcée encore par celle du chanteur. Un hyperdub d’une grande classe aux formes ressemblant aux passages les plus lents de Suicide. Assurément parmi les meilleurs concerts de cette édition.


Le tour du monde
Les remplaçants avaient deux lourdes tâches : faire oublier l’absence des Lucky Dragons et avoir de la crédibilité en s’appelant Francis. Bon ben c’est raté avec un énième concert avec une fille avec une voix trop bluesy torturée quoi et surtout une musique qui ressemble plus à un publicité pour un opérateur téléphonique qu’autre chose. Heureusement, du côté de la salle du Bad Bonn, Julianna Barwick relève le niveau avec un sample pastoral, une voix magnifique. Un pur moment de grâce en ce début de soirée, décidément assez folk avec Akron/Family sur la grande scène. Mais le concert de ces derniers était assez nuls. J’en peux plus de ce folk pépère à la Pitchfork, avec des barbus pseudo second degré, qui tentent d’interagir avec le public comme des Dan Deacon en pas rigolo. Ils accélèrent vaguement mais personne n’y croit. Après tout ce patchouli, j’espérais bien pouvoir enfin remuer mon popotin sur les Crystal Fighters mais voilà même avec de l’alcool dans le sang, je ne danse pas sur la première pop vulgaire qui s’offre à moi. Sûrement le pire concert du festival avec un chanteur aux airs de Russel Brand. Crystal Fighters, c’est un concentré de mauvais goût anglais et espagnol, avec des mélodies putassières, des moments de dubstep grossier rajoutés pour faire cool et des refrains horribles. Heureusement que la fin de la soirée fut plus belle avec Caribou et Darkstar. En after, Kalabrese montait un orchestre peu crédible sur la grande scène mais finit par passer des disques. On raconte même avoir vu votre chroniqueur danser sur la scène au son d’Alicia Keys. Si si. The Trottles Dead finirent tout le monde avec un set de titres garages et rockabilly inconnus et malheureusement accélérés au point de perdre tout boogie.


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était super
La seule personne, qui m’a dit avoir apprécié Gonjasufi, s’était trompé de salle et se trouvait en fait devant Rizzoknor. Apparemment les zurichois ont assuré avec leur disco-funk-rock.


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était naze
A peine quelques notes du concert de Tallest Man On Earth m’ont décidé à partir fissa au camping me ravitailler. Les échos des plus courageux restés confirmaient mon jugement hâtif : du Bob Dylan plagié en tout mou. Il paraît même qu’à un moment son groupe l’a rejoint et que ça sonnait comme du Phil Collins.


Le coin de mister cocktail
Le midi agrume-amer : pour bien commencer la journée et relancer la machine, prenez du gin et une boisson pamplemousse. A boire frais en marchant et à abandonner au plus vite dès que les autres ne regardent pas.

3 juin 2011

TT Trip : Kilbi/Jeudi

Illustration: Giom

Être seul délégué pour couvrir tout la Kilbi pour Think Tank n’est pas de tout repos. D’autant plus qu’une nouvelle scène fait que suivre l’ensemble des concerts relève du marathon. Mais j’étais bien décidé à vivre le truc à fond, en mode immersion totale, camping et after matinale. C’est parti avec un jeudi soir où il n’a finalement pas plu et avec du très lourd comme tête d’affiche : Queens of the Stone Age et Animal Collective.

A peine le temps de lancer ma quechua, de boire ma première bière et de se réjouir d’être de nouveau dans ce petit paradis qu’est Kilbi, que le premier concert va commencer. Le festival, malgré cet engouement qui faisait craindre une perte d’identité, reste fidèle à lui-même. Toujours aussi modeste. Toujours d’aussi bons fallafel. Une programmation pas loin de la perfection et des jeunes gens beaux. Les arbres bougent derrière la grande scène, tous les groupes semblent heureux d’être là, dans une ambiance parfaite où s’ébrouent en harmonie romands et suisses allemands, avec ou sans peignoir. Bref toujours aussi love. Et cette nouvelle scène représente finalement un plus indéniable, permettant d’alterner les groupes sans devoir forcément passer par la case surbondée de la salle du Bad Bonn. Plutôt que de reprendre la line up de façon linéaire, voici les moments marquants du jour, les concerts mémorables. D’avance merci à tous ceux à qui j’emprunte les avis et les bons mots dans une collectivisation assumée des idées.


Le héro du jour
Ce choix paraît facile, mais voilà, le set d’Animal Collective reste selon moi le meilleur concert de cette édition de la Kilbi. Suite à des changements dans l’horaire, je me dirige tranquillement vers la seconde scène pour se rendre compte que, oui, c’est bien Animal Collective qui est en train de jouer. Après la déception du concert de Fri-Son d’il y a deux ans où le groupe avait joué les chansons de MERRIWEATHER POST PAVILLON sans jamais vraiment décoller à trois derrière leurs console, quel bonheur de les retrouver sous une forme plus brouillonne mais aussi plus inventive. Les rêves les plus fous sont exaucés. Deakin est de retour, tandis que Panda Bear se retrouve derrière la batterie. Après le gros coup de hype et un album plus facile, je ne pensais pas pouvoir revoir Animal Collective dans de telles conditions. Le gros du public venu en majorité pour Queen of the Stone Age est déjà parti et on se sent privilégié de voir un des groupes les plus importants des années 2000 avec une audience modeste, sur une petite scène. Et à nouveau, Animal Collective réussissent là où ils avaient échoué à fribourg : à nous décontenancer. Dans ce set, je n’ai reconnu que trois chansons, les autres étant soit des nouvelles soit des anciennes méconnues. Parmi les chansons reconnues, deux titres de MERRIWEATHER POST PAVILLON : "Brother Sport" et "Summertime Clothes". Géniales et désirs de communion, elles sont désormais passé à un révélateur moins dance pour prendre une couleur plus habitée et plus lo-fi. Le troisième titre est issu du génial SUNG TONGS : "We Tigers", où la capacité du quatuor à bricoler des rythmes épileptique reste toujours aussi forte. Que dire du reste du set, sinon qu’il m’a mis une grosse claque ? Des nouvelles chansons chaudes, travaillées sur place, avec quelques fautes mais tout le monde s’en fout. Loin des beats un peu carrés du dernier live, Animal Collective reprennent la tangente dans une direction de plus en plus tropicale, allant jusqu’au reggae sensuel. Quand le concert se finit, le corps et l’esprit sont tout retournés par ce concert à nouveau en constante expérimentation et aux battements tribaux.


La déception du jour
Même si je n’attendais pas grand chose du Matthew Dear Live Band, la fausse publicité de la Kilbi faisait envie et dans une soirée très rock, je me réjouissais d’entendre un truc plus électro. Mais voilà, la tentative de mettre en place un groupe live par ce producteur est, comme souvent dans ce genre de cas, ratée. Il ne suffit pas de mettre un veston blanc et de vaguement se déhancher pour être funky. Matthew Dear essaie de rééditer ce que Jamie Lidell avait très bien fait pour la tournée de JIM. Mais là où ce dernier dégageait une énergie soul époustouflante en concert, Matthew Dear ne dépasse jamais le stade du dandy à gomina tout mou.


La découverte du jour
La bonne surprise du jour vient de Berne et s’appelle Must Have Been Tokyo. Dans un festival qui a vu de nombreuses formations recracher plutôt mal l’influence d’Arcade Fire, c’est peut-être ce groupe qui s’en est le mieux sorti avec des mélodies sympas et des chœurs efficaces et entrainants. Bon d’accord, au premier rang, y a un gros avec un bouque qui se trémousse, mais ce concert sans prétention a fait l’effet d’une brise fraiche dans une soirée où les grosses guitares étaient de sortie.


Le tour du monde
Tout a commencé par le concert de Disappears avec Steve Shelley de Sonic Youth à la batterie. Et tout de suite, on ressent à quel point la programmation de la Kilbi joue un niveau au dessus des autres festivals. Le premier concert de la grande scène possède déjà une qualité indéniable. Ce qui apparaît aussi, c’est à quel point ce festival, malgré sa curiosité pour ce qui se fait dans tous les différents styles, est resté fondamentalement rock. Disappears, c’est donc du très bon post-punk cadencé avec une basse bien présente mais au fond cela ressemble plus à ce que j’aurais voulu écouter il y a deux ans. Toujours aussi rock, les gars de Swans font eux dans le plus lourdingue avec des plages instrumentales assez chiantes. Et puis leur punk posé à la Wire manque de tranchant. je me suis ennuyé devant ce groupe aux allures de zombies menés par une sorte de vieux chef d’orchestre ayant trop pris de drogues dans sa jeunesse, dansant à la Thom Yorke, et par un viking torse nul frappant sur son gong. Avec tous ces groupes de rock noise ou stoner, un seul à mon sens allait démontrer une vraie puissance et mettre tous les autres à l’amende: Queens of the Stone Age. J’avoue mal connaître le groupe ainsi que leur premier album récemment réédité mais là, malgré le fait que j’étais dans un état proche de l’Ohio, j’en ai pris plein la face. Le son était juste incroyable. Je ne crois pas avoir déjà entendu un truc d’une telle intensivité dans un concert rock en extérieur. Les basses et la batterie te prennent l’estomac, te démonte, te remonte et ta nuque en prend pour son grade. Le concert commence par une reprise des titres de ce premier album que le rappel complètera avec des titres plus récents comme "Go with the flow". Un show bestialement stoner qui m’a soufflé malgré mon peu de goût à la base pour ce groupe et ce genre. Après toute cette sueur rock, j’étais en manque d’électro pour bouger autre chose que ma nuque. L’avalanche de concerts ne m’a permis que d’entre-apercevoir le set de Bit-Tuner mais les quelques minutes ont suffi à confirmer l’impression faite lors d’un récent concert dans un grenier bâlois : une dubstep bien méchante aux basses profondes qui fit se déchainer toute la petite salle du Bad Bonn. Après m’être étalé deux minutes dans ma tente, je suis reparti pour reprendre un peu de dubstep avec Duffstep. Il ne reste plus grand monde dans le festival, il commence à pleuvoir. C’est donc l’heure de mettre son capuchon et de tituber vaguement en rythme devant un dj entouré de quatre carrés traversé de rayons lumineux et m’offrant la seule chose dont j’avais envie à ce moment-là, une dubstep au beats puissants mais aérés de moment plus dance nineties. Allez il est temps d’aller mourir comme un vieux chat et de se reposer avant les deux derniers jours.


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était super
Voilà peut-être le gros regret du festival que d’avoir raté Nisennenmondai. Trop concentré à manger mon chili con carne, je ne l’ai écouté que de loin. Pourtant tout ceux qui ont vu le concert de ce trio japonais en sont revenus conquis. Avec des instrumentales épiques, entre noise, techno et kraut-rock, les trois filles de Nisennenmondai ont apparemment tenu en haleine les potes suspendus à une batterie imprévisible. Schade !


Le coin de mister cocktail
Le jägernalco: mélanger du sinalco avec du jägermeister. A consommer frais comme chaud pour un effet vin de noël. A reçu l’approbation générale des différents testeurs avisés.